Le congrès du NPA n’a pas réussi à empêcher l’irresponsable projet scissionniste de sa plus grosse fraction, celle animée par des militant.es de la IV° Internationale, l’ancienne majorité. Cette scission, coup de force contre les militant.es du NPA, constitue une véritable exclusion de celles et ceux qui ne partagent pas l’orientation mise en œuvre par cette dernière. Celle-ci parle avec une légèreté cynique de « séparation ». Elle tente de donner une légitimité à sa démarche qui a bafoué le choix majoritaire clairement exprimé durant les AG préparatoires au congrès. Peu lui importe, sa préoccupation est d’avoir les mains libres pour mener sa politique « unitaire » en direction du nouveau réformisme, le populisme de gauche de LFI et de la Nupes, trouver une place à la marge de la gauche institutionnelle.

Ce coup de force est la conclusion logique de l’orientation politique mise en œuvre depuis le dernier congrès liquidant le projet du NPA pour aller vers sa transformation en section française de la IV alignée sur la politique des partis dits « larges ». Minorité de direction à l’issue du congrès précédent en 2018, ayant réussi à s’imposer d’abord comme « majorité de direction », majorité toute formelle, elle est devenue majoritaire après avoir poussé dehors les camarades de Révolution permanente, premier effet de son offensive contre les fractions et courants déclarée ouvertement il y a plus de deux ans. Ce processus pour prendre et garder la main sur le NPA a abouti au coup de force bureaucratique du congrès. Après avoir censuré tout débat réel en plaçant la discussion, comme la vie interne du NPA, depuis des mois sous la menace, le chantage à la scission ou à la « suspension » des fractions, elle a mené à terme le processus en excluant les autres courants du NPA sommés de se soumettre ou de se démettre.

Il y a bien une continuité politique depuis le dernier congrès qui vise à donner les mains libres à la nouvelle minorité de direction pour mener sa politique d’une « gauche de combat » et la recherche d’alliance avec la Nupes.

Cette dite séparation est en réalité une exclusion puisque les scissionnistes contrôlent l’appareil technique du NPA, ses finances, ses locaux, ses organes de presse tant papier que numérique, et comptent dans ses dirigeants ses porte-parole. Ces derniers ont toujours été totalement indépendants des instances élues du parti tels Olivier Besancenot qui n’a même pas participé au congrès, si ce n’est à la conférence de presse où a été rendue publique la séparation, ou Philippe Poutou, annonçant sur BFM la « séparation » le vendredi soir, premier jour du congrès, sans même avoir participé à ses débats. Des porte-parole qui se comportent plus comme des dirigeants d’appareils que comme des révolutionnaires respectueux de leurs camarades et de rapports démocratiques !

Ce coup de force est en fait l’expression de la faiblesse politique d’une direction qui s’est effondrée, incapable de mener une politique indépendante de la gauche institutionnelle et, en conséquence, d’associer au travail de construction du NPA les autres courants qui deviennent des obstacles à sa politique.

Rupture du compromis de la fondation du NPA, échec d’une orientation

Après le noyau dirigeant qui avait rompu avec le NPA en 2012, la Gauche anticapitaliste, pour rejoindre Le Front de gauche et s’y noyer, l’ancienne majorité du NPA poursuit le même chemin quels que soient les destins personnels des uns et des autres.

C’est le bilan d’une même orientation, celle des partis larges unitaires vis à vis de la gauche réformiste. Elle a connu une accélération très concrète, il y a presque 3 ans, à l’occasion des municipales sur Bordeaux, Philippe Poutou s’alliant avec la FI (avec alors le soutien opportuniste de Révolution permanente), puis aux élections régionales en Aquitaine, suivie aussi par le NPA en Occitanie. Cette orientation a été le fil conducteur de la campagne présidentielle dont Philippe était le candidat tout désigné pour porter cette politique qui s’est poursuivie dans les négociations aux législatives avec l’Union Populaire élargie au PC et aux Verts… jusqu’à l’appel à voter NUPES presque partout, y compris contre des candidats du NPA.

Certes, le simple fait de mener une campagne en indépendance de la NUPES, même sur un contenu confus, a permis un recrutement, en particulier dans la jeunesse du fait des évolutions politiques en cours, démonstration de la fausseté des constructions des scissionnistes pour justifier leur politique pour « une gauche de combat ». Ils invoquent la contradiction qu’il y aurait entre les conditions objectives de la révolution et les conditions subjectives profondément dégradées. C’est un raisonnement mécaniste qui ne voit pas la dynamique de la nouvelle période que nous connaissons où la déroute capitaliste suscite une profonde et radicale prise de conscience de l’impasse du capitalisme. Cette dernière exige de nous de démontrer l’actualité et la pertinence d’une stratégie révolutionnaire, en toute indépendance de la gauche institutionnelle et en rompant avec la confusion d’une gauche de combat.

C’est malheureusement en toute logique que la campagne présidentielle, qui avait surtout redonné confiance à une direction devenue majoritaire en poussant dehors le CCR, débouche aujourd’hui sur une exclusion camouflée en séparation. D’autant plus logique que la campagne du NPA, comme celle de Lutte ouvrière par ailleurs, a été incapable de répondre à celle de Mélenchon qui a réussi à gagner des voix y compris dans les rangs des scissionnistes dont une minorité était opposée à une campagne autonome du NPA !

Le mouvement révolutionnaire n’a pas été en capacité de populariser, de rendre crédibles nos propres idées, un programme pour une transformation révolutionnaire de la société, le NPA restant prisonnier des confusions de la gauche de combat et de la politique dite de front unique, qui le plus souvent met à la remorque des appareils, LO étant trop enfermée dans le passé et un repli sur elle-même.

Actualiser, populariser le programme de la révolution, refonder le mouvement révolutionnaire

Pour les camarades du NPA, au-delà de l’urgence de redonner confiance pour continuer, les leçons de ce bilan sont encore et à nouveau la nécessité de lever les ambiguïtés de la politique des scissionnistes, c’est-à-dire définir une stratégie et un programme révolutionnaire, socialiste, communiste clair, sans sectarisme ni opportunisme, ouvert et démocratique.

Nous avons perdu du temps durant les 4 voire presque 5 ans sans congrès. Bien des occasions ont été manquées pour se rassembler et discuter collectivement sans oukases ni menaces en respectant le droit des minorités et à l’expérimentation. Beaucoup de temps a été perdu depuis le congrès de 2018 pour avancer dans cette direction, c’est-à-dire mettre en route le chantier de la refondation démocratique et révolutionnaire du NPA. Les camarades de la section française de la IV ont clarifié brutalement en levant toutes les ambiguïtés par la rupture.

Ils apportent la démonstration que les questions organisationnelles, dites de fonctionnement, sont intimement liées à l’orientation. Le « centralisme démocratique » invoqué par la majorité n’a rien à voir avec le léninisme, pas plus que leur politique de front unique.

La discussion sur la période et nos tâches n’a, une nouvelle fois, pas eu lieu.

C’est ce débat que Démocratie révolutionnaire a voulu porter dans le congrès parce que nous pensons que les questions de fonctionnement et d’orientation, plus largement de programme sont intimement liées. C’est d’ailleurs cette conception qui nous a conduits dans le contexte de crise aiguë du NPA à ne pas ajouter de la division à la division, choisissant de nous rassembler pour mieux débattre. Nous avons soutenu la plate-forme C constituée par nos camarades de L’Etincelle et d’Anticapitalisme et révolution avec lesquels nous partagions la volonté de combattre la scission mais avec une divergence de fond sur l’appréciation de l’évolution du NPA depuis le dernier congrès, divergence qui se polarisait autour de l’appréciation de la campagne présidentielle. Nous pensons que dès ce moment-là il fallait nous constituer en direction alternative dépassant les clivages fractionnels et que, pour le congrès, nous ne pouvions nous limiter à nous revendiquer de la campagne, qui préparait la scission, pour démontrer la possibilité de continuer ensemble le NPA. D’autres désaccords s’inscrivaient dans cette démarche comme sur la guerre ou les rapports privilégiés avec la IV qui rompaient avec la politique en direction des différentes tendances en vue d’œuvrer à la construction d’une nouvelle internationale formulée dans les Principes fondateurs du NPA.

Dans les textes que nous avons publiés pour ce congrès et que nous rassemblons ici, figure le projet de texte de plateforme que nous avions soumis à discussion à L’Etincelle et AetR quand ont commencé les discussions en vue de constituer une plateforme commune et qu’ils ont ignoré.

Nous le regrettons car le refus de cette discussion sur la période et nos tâches est au cœur de la déroute du NPA ainsi que des difficultés du mouvement révolutionnaire dans son ensemble. Le légitime volontarisme militant peut aussi être un habillement de l’incapacité du mouvement révolutionnaire de s’approprier les conséquences des bouleversements de ces dernières décennies qui ont transformé les conditions de la lutte de classe. Nos camarades de L’Etincelle n’ont cessé de nier la nécessité d’une élaboration stratégique et programmatique collective.

C’est une erreur d’autant que l’explosion du NPA participe des difficultés globales du mouvement révolutionnaire qui ne cesse de se diviser au risque de perdre tout crédit, y compris dans son propre milieu.

Cette discussion est d’autant plus importante que le contexte social et politique, géostratégique, écologique, illustre la déroute du capitalisme dont une large fraction de la jeunesse, des femmes, du monde du travail prend de plus en plus conscience.

Les évolutions des conditions objectives, celles du capitalisme financiarisé et mondialisé se combinent aux évolutions subjectives, une compréhension de l’impasse de la politique des classes dominantes et de leurs États, contradiction qui s’exprime à travers le regain international des luttes de classes.

C’est là l’illustration de l’actualité et de l’urgence de la révolution pour reprendre l’intitulé de la plateforme C, actualité qu’il s’agit de démontrer, de rendre consciente, d’armer par une politique d’unité des révolutionnaires, deux démarches qui passent par une refondation du NPA et un travail collectif d’élaboration pour donner toute son actualité, sa modernité au programme socialiste et communiste.

C’est cette orientation que nous avons voulu soumettre à la discussion à travers 3 motions. La première, « Contre la folie guerrière de Poutine, contre les USA et l’Otan, fauteurs de guerre, pour une paix démocratique respectant le droit des peuples, solidarité internationaliste des travailleurs », a obtenu dans les AG préparatoires du congrès 14 % des voix et 59 % de contre, 27 % d’abstention ou NPPV. La deuxième, « La lutte contre l’extrême-droite, partie intégrante de la lutte contre l’offensive d’un capitalisme en décomposition, une lutte globale », 28,5 % pour, 41 % contre, 30 % abstention ou NPPV. La troisième, « Refonder le NPA, faire vivre la démocratie, reconstruire le lien programme et stratégie révolutionnaire pour œuvrer à notre unité », 13 % pour, 42,5 % contre, 45 % abstention ou NPPV.

Dans les votes du congrès qui a poursuivi ses travaux après le départ des délégués de la plateforme B, scissionnistes, la première motion a obtenu seulement 7 voix pour et 69 contre, 12 abstentions, 4 NPPV, la deuxième 86 pour, 0 contre, 7 abstentions et 2 NPPV, et la troisième 32 pour, 6 contre, 54 abstentions, 1 NPPV.

Ces votes illustrent les confusions qui persistent y compris parmi les camarades qui veulent « continuer le NPA » selon l’intitulé d’une motion qui a obtenu 57 % des voix dans les AG locales. Ainsi que le dit notre troisième motion, si la priorité du moment est de maintenir le NPA, nous ne pouvons nous limiter à cet objectif sans discuter des moyens de le refonder. Il a explosé et ne s’en relèvera pas. Cette fin ouvre une nouvelle étape dans la bataille pour le rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires dans la perspective de la construction d’un parti des travailleurs. Elle passe par une reconstruction des comités en tant qu’instruments ouverts et démocratiques pour l’organisation des travailleur.es et de la jeunesse, pour la lutte de classe hors des illusions électorales et électoralistes, du jeu institutionnel. Elle passe par l’intervention démocratique et militante avec les autres organisations révolutionnaires, voire la construction de cadres locaux communs. Elle nécessite aussi une large et publique discussion sur la période et nos tâches.

Il y a 15 jours, Lutte ouvrière tenait son congrès à huis clos, nos camarades de Révolution permanente ont tenu ce week-end le congrès de fondation de leur nouvelle organisation dans les mêmes conditions. Chacun défend son pré carré, il y a urgence à rompre avec ces pratiques. Le mouvement révolutionnaire doit être capable d’affronter la publicité et la transparence des discussions. La construction d’un parti des travailleur.es sera l’œuvre des travailleur.es eux-mêmes.

Le processus de fondation du NPA a représenté un processus inédit, public d’élaboration politique comme il a représenté un processus inédit de politique de rassemblement qui lui a valu une large sympathie dans ses premières années. Il rompait avec les habitudes d’auto-affirmation des groupes gauchistes. Son échec n’était pas seulement dans le compromis du projet mais dans l’incapacité des mêmes groupes de s’en emparer pour s’emparer des discussions que les Principes fondateurs avaient laissées en suspens et qui n’ont jamais été menées jusqu’au bout. L’échec actuel est aussi la conséquence du refus des différentes tendances révolutionnaires de s’engager dans la direction du NPA après le départ de la Gauche anticapitaliste en 2012. Tout cela, certes, appartient au passé, il ne s’agit ni de reproches ou autres accusations mais d’éléments de bilan politique d’une riche expérience. La suite dépend pour une large part de la compréhension que nous en avons.

A travers la phase actuelle de divisions et d’affrontements commence une nouvelle étape pour rompre avec le passé de divisions sectaires pour nous dégager de ses effets délétères et, ensemble, œuvrer à refonder le mouvement révolutionnaire, avancer vers la construction d’un parti des travailleurs.

Démocratie révolutionnaire

 

Textes et contributions de Démocratie révolutionnaire au congrès du NPA

 

Avant le CPN des 22-23 octobre :

Au CPN du 22-23 octobre, notre déclaration et les 3 motions :

Dans le cadre de la discussion préparatoire au congrès :

Contributions au BI de discussion n°1 du 3 novembre

  • Rassembler et débattre, Démocratie révolutionnaire soutient la Pf-C, « Actualité et urgence de la révolution », et présente 3 motions – Yvan Lemaitre
  • Une discussion sur un fait majeur, la guerre en Ukraine, qui a bien du mal à s’engager – Galia Trépère
  • Une politique et un front de classe pour combattre l’offensive réactionnaire, fascisante des classes dominantes – Laurent Delage
  • Au cœur de nos débats, la faillite du capitalisme financiarisé mondialisé et la nécessité d’actualiser la perspective révolutionnaire – Daniel Minvielle
  • Face à l’impasse de la Nupes et du populisme de gauche, surmonter le sectarisme et œuvrer à l’unité des révolutionnaires – Isabelle Ufferte
  • Guerre en Ukraine, préparatifs de guerre autour de Taïwan, la lutte pour la paix et le droit des peuples, une lutte de classe internationaliste – François Minvielle
  • Contributions au BI de discussion n°2 du 18 novembre
  • Face aux dirigeants du monde qui préparent la guerre : quelle politique pour les révolutionnaires ? – François Minvielle
  • Devenir la section française de la IV ou « la perspective de la constitution d’une nouvelle internationale » ? Deux orientations en contradiction – Yvan Lemaitre
  • Fin du mois, fin du monde, la catastrophe écologique élément de la déroute globale du capitalisme qui exige une réponse globale, internationaliste – Bruno Bajou
  • 3 motions de Démocratie révolutionnaire en soutien et complément de la PfC – DR
  • « Centralisme démocratique » ou démocratie, vivante, révolutionnaire ? – Galia Trépère
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