Rassembler et débattre, Démocratie révolutionnaire soutient la Pf-C, « Actualité et urgence de la révolution », et présente 3 motions

Yvan Lemaitre (91- CE, Cpn), Démocratie révolutionnaire

L’actuelle majorité, le Regroupement des 3-4 octobre, a décidé de placer le congrès sous le chantage à la « suspension » des fractions par des mesures antidémocratiques inacceptables, la menace d’une scission plutôt que de mener en toute liberté la discussion sur la période et nos tâches en acceptant un bilan critique sur l’orientation fondée sur la perspective illusoire d’une « gauche de combat » et la recherche d’alliance avec la Nupes.

A l’heure où le mouvement ouvrier et révolutionnaire est confronté à une offensive mondialisée des classes dominantes propulsant les forces réactionnaires et fascisantes, un tel sectarisme contre les courants révolutionnaires combiné à un opportunisme vis-à-vis du nouveau réformisme populiste institutionnel signe l’échec de la minorité de direction issue du dernier congrès devenue majorité. Nous sommes solidaires de la plateforme défendue par les camarades de L’Étincelle et d’Anticapitalisme et révolution avec laquelle nous nous retrouvons sur la défense du NPA et d’un fonctionnement démocratique et sur deux points essentiels, la nécessité de rompre avec la politique d’alliance avec la Nupes pour engager une politique visant à l’unité des révolutionnaires.

Nous regrettons que nous n’ayons pu aller plus avant pour discuter nos différences d’appréciation de la politique de l’ancienne majo ainsi que des évolutions nécessaires pour réussir ce qui n’a pas été possible dans le passé mais le congrès en est l’occasion. C’est notre raison de soumettre à la discussion 3 motions. Certes, il faut mettre en minorité l’orientation et le fonctionnement que propose le Rassemblement des 3-4 octobre mais surtout il nous faut aider à la formation d’une nouvelle direction capable de refonder le NPA en rompant avec les logiques de fraction. Le texte de nos camarades de la Pf-C marque de ce point de vue d’importantes évolutions bien que, malheureusement, depuis le dernier congrès, du côté de ce qu’il est convenu d’appeler « la gauche du parti » les choses n’avaient jusqu’alors guère évolué.

Il était pourtant possible au lendemain du dernier congrès, alors que nous avions présenté une Pf commune avec L’Etincelle, que nous avions défendue avec les camarades de la position X une déclaration commune à la fin du congrès, d’aller plus avant pour impulser des convergences entre nous autour par exemple d’une revue commune qui aurait pu s’ouvrir aux camarades d’AetR. Cela était possible mais aussi nécessaire alors que, dès ce congrès, les camarades de la section française de la IV au sein du NPA, ossature de l’ancienne majorité, n’avaient pas caché leur volonté d’en finir avec les fractions ni les axes de leur orientation. Ils ont d’abord ciblé le CCR qu’ils ont poussé dehors tout en accentuant leur politique contre les fractions résumée dans un texte intitulé « Ça ne peut plus durer », il y a deux ans, annonçant la crise actuelle.

A l’occasion des municipales, ils ont engagé la politique d’alliance avec LFI, ce que tout le monde a voulu voir malgré l’évidence comme « une affaire bordelaise », y compris après qu’ils ont organisé une scission autour de Philippe. Ce fut ensuite les élections régionales, en Aquitaine et aussi en Occitanie, « l’affaire bordelaise » devenait une politique nationale...

Nous pensons qu’il eût été nécessaire au moment de la Conférence nationale pour la présidentielle, que celles et ceux qui n’acceptaient pas cette orientation -L’Etincelle, AetR, nous- engagent une politique dans l’objectif d’avancer vers la constitution d’une direction alternative en rupture avec la politique bien avancée de construction d’une gauche de combat. Il aurait été alors possible de faire la campagne sur nos propres bases, sans ambiguïté, plutôt que de négocier avec le Rassemblement des 3-4 octobre un accord autour des porte-parole de campagne. « Il faut sauver le NPA » définissait la priorité qui s’est avérée être le plus court chemin vers la menace de scission, la majorité mettant comme elle l’écrit dans sa pf cette orientation « au cœur de la campagne ». Il n’y a pas eu de tournant des législatives, mais la continuité d’une orientation.

Par ailleurs, L’Etincelle et AetR se sont, de fait, calés sur le refus de la majorité de s’atteler à la tâche de rédiger un document qui définisse les bases stratégiques et programmatiques qui nous rassemblent, décision prise lors du CPN de juillet 2020. Il n’y avait pourtant pas d’autre méthode pour tenter d’éviter la situation de scission à laquelle l’ancienne majo a conduit le NPA comme chacun en convient aujourd’hui. Et il n’y en a toujours pas d’autre.

En soutenant la Pf-C et en soumettant à la discussion nos 3 motions, nous voudrions contribuer à faire de ce congrès une première étape pour redéfinir nos bases politiques communes afin de redonner sa dynamique au projet de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires, refonder le NPA. Se rassembler et débattre afin que puisse émerger du congrès lui-même une nouvelle direction capable d’associer à tous les niveaux d’activité les militant.e.s des différentes sensibilités du NPA autour d’une orientation révolutionnaire clairement délimitée politi­quement de la Nupes, soucieuse du respect du droit de tendance et de fraction, ainsi que du droit à l’expérimentation.

 

Une discussion sur un fait majeur, la guerre en Ukraine, qui a bien du mal à s’engager

Galia Trépère, 91, CPN, DR

Nous nous accordons tous sur le fait que la guerre en Ukraine constitue un tournant majeur dans la situation mondiale. Cependant depuis le 24 février, il n’y a eu qu’un seul débat dans un CPN réduit -une quarantaine de participants- en avril sur le sujet. La fraction dite « majoritaire » y a présenté une motion reprenant les positions de la majorité de la IV, adoptée par 22 voix pour, 13 contre et 6 abstentions. Ce vote lui a suffi pour clore la discussion.

Dans son texte de Pf, le regroupement du 3-4 octobre n’a pas cru utile de développer ni d’argumenter ses positions jugeant sans doute que le vote de sa résolution de rentrée au CPN de septembre dernier, adoptée par 30 voix pour, 25 contre, 3 abstentions, suffisait. Ce vote confirmait son orientation, « guerre impérialiste de Poutine » et « soutien à la résistance ukrainienne », en n’accordant qu’un rôle mineur aux puissances occidentales. Toute autre analyse était disqualifiée par l’accusation d’un soutien campiste à Poutine contre l’Otan et donc un refus de toute solidarité avec le peuple ukrainien, une indifférence. Un raisonnement manichéen qui écarte toute possibilité de discussion, un point de vue fractionnel ne pouvant prendre en compte une orientation autre que celle de la majorité de la IV.

Résultat, alors que le congrès devrait être un moment privilégié de discussion sur les problèmes cruciaux auxquels nous sommes confrontés, dont la guerre en Europe, la militarisation du monde, la préparation par les USA d’un affrontement avec la Chine, aucun moment spécifique de débat n’est prévu sur le sujet.

La PfC présentée par AetR et l’Etincelle et que DR soutient aborde la question en prenant en compte les divergences et discussions qui traversent l’ensemble du NPA et y compris leur propre plate-forme. En effet, les camarades de l’Etincelle ont voté unanimement contre notre motion sur la guerre au CPN fin octobre, alors que nous-mêmes avions voté au CPN d’avril pour la résolution sur la guerre présentée par les camarades d’AetR bien que nous ne nous retrouvions pas entièrement dans leurs raisonnements et leurs formulations. Toujours est-il qu’ils ne ferment pas la discussion.

De notre point de vue, dire comme ils le font que les « gouvernements des puissances occidentales [qui] profitent de la guerre pour défendre leurs intérêts économiques » en rajoutant à l’égard de l’Otan : « Troupes de l’OTAN, dont au premier titre les troupes françaises, hors de tous les continents où elles prétendent gendarmer le monde, que ce soit Europe de l’Est, au Moyen-Orient ou en Afrique ! » ne décrit pas la réalité et avance une exigence qui ne peut être qu’un vœu pieux. C’est exonérer de leurs responsabilités les fauteurs de guerre que sont les puissances occidentales qui mènent une guerre par procuration contre la Russie et laisser croire qu’on pourrait « réformer » le monde. Par contre ils refusent de participer à une quelconque union nationale pour affirmer la nécessité de « renverser le capitalisme » pour en finir avec la guerre. C’est absolument essentiel mais il nous faut lier étroitement lutte des travailleurs pour leur existence, lutte contre l’union nationale à laquelle participent tous les partis y compris la NUPES, et lutte contre la guerre dans un même combat contre le capitalisme, pour le pouvoir des travailleurs et de la population pour une société socialiste, communiste.

Si dans les textes de toutes les plateformes, la guerre est dénoncée et caractérisée comme une conséquence du maintien du capitalisme, une affirmation par trop générale mais qui différencie heureusement le NPA des partis institutionnels, aucune par contre n’y voit la guerre par procuration que les Etats-Unis et leurs alliés font mener au peuple ukrainien « pour mettre la Russie à genoux ».

Il est difficile de penser aujourd’hui, alors que l’armée ukrainienne est armée et équipée de pied en cap par les puissances occidentales que cette guerre est une guerre de libération nationale. C’est ce qu’aurait voulu faire croire la propagande guerrière orchestrée par les Etats américain et européens, de la même façon que ces derniers justifient les colossales augmentations de leurs bud­gets militaires par les menaces russe ou chinoise.

Oui bien sûr, nous dénonçons l’agression meurtrière de Poutine contre l’Ukraine mais nous sommes conscients aussi que cette agression s’inscrit dans la logique arriérée des rapports entre les Etats soumis à la loi du plus fort. Et l’État ukrainien, aussi gangre­né par la corruption de ses oligarques que l’Etat russe, ne peut pas y échapper. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est in­compatible avec la concurrence capitaliste mondialisée et militarisée. Il ne pourrait résulter que de l’intervention directe des travailleur.ses et des peuples.

Nous sommes solidaires des peuples d’Ukraine et de Russie et pour cela nous sommes opposés à toute manifestation d’étroitesse nationale contre la population russe, ce qui est la meilleure manière de la rejeter dans les bras de Poutine.

Il n’y a pas d’issue à la logique militariste et guerrière dont la guerre en Ukraine marque l’accentuation, pas de paix démocratique possible sans politique de classe internationaliste, sans fraternisation par-delà les frontières pour en finir avec la réaction capita­liste belliciste.

 

Une politique et un front de classe pour combattre l’offensive réactionnaire, fascisante des classes dominantes

Laurent Delage (33-CPN), Démocratie Révolutionnaire

Victoire de Meloni et de sa coalition avec la droite extrême en Italie sous la bienveillance de Draghi et des milieux patronaux, arrivée en tête du parti d’extrême-droite allié aux conservateurs en Suède, élection de 89 députés RN en France,… Il est clair qu’aujourd’hui, l’offensive économique et sociale des classes dominantes se combine, sur le plan politique et idéologique, à une offensive réactionnaire qui alimente la montée de l’extrême droite.

Face à cette situation, les camarades de la pfB n’ont comme seule politique que d’en appeler au « front-unique » dans le cadre de leur politique vis-à-vis de la Nupes pour pousser « à la création ou au renforcement de cadres de discussion et d’élaboration d’une politique de front unique pour préparer les affrontements à venir sur les terrains des salaires, des retraites, de l’urgence climatique ainsi que de la lutte contre l’extrême droite ».

Une politique pas vraiment nouvelle et surtout vouée à l’impuissance face aux évolutions des rapports entre les classes qui nous impose de sortir des vieux schémas et des formules toutes faites.

Le RN, un parti pas comme les autres ?

Il nous faut tourner la page de l’antifascisme comme dénonciation morale du RN, bien impuissante face aux succès électoraux de l’Extrême-droite depuis 20 ans. Ce parti n’est pas « hors du système », il a mille liens avec l’appareil d’Etat, l’armée, la police, comme avec des milieux de la bourgeoisie qui anticipent les tensions sociales à venir.

Avec les législatives et l’arrivée de 89 députés RN, Le Pen a réussi son pari de « dédiabolisation » en particulier vis-à-vis de la vieille droite gaulliste. Depuis, elle poursuit cette institutionnalisation en donnant des gages aux classes dominantes, en montrant son utilité pour diviser les opprimés et en postulant à répondre à la crise politique.

Mais elle est loin d’être la seule. Toutes les forces de droite se disputent le terrain, de Le Pen à Macron en passant par Ciotti, Darmanin et autres. Ils se nourrissent d’une idéologie de classe qui ne connaît pas les barrières entre droite, droite extrême et extrême droite, à commencer par Macron. Mercredi, il lançait son offensive sur les retraites, contre les augmentations de salaires au nom « du mérite, de l’ordre, du travail » en annonçant un débat sur l’immigration dès le début 2023, dans le prolongement de la campagne raciste suite au meurtre de la petite Lola.

Un populisme de gauche dans le cadre du système

Les références au « front unique » pour justifier la politique de la majorité de la direction du NPA vis-à-vis de la Nupes, sont hors de propos tant la gauche gouvernementale n’a rien à voir avec les partis du mouvement ouvrier des années 30.

Ces partis sont effondrés et surtout profondément déconsidérés par leur responsabilité dans l’offensive libérale de ces dernières années. Aujourd’hui, ils font place à un populisme de gauche suite à la mise en place de la Nupes. Mais celui-ci n’a d’autre ambition que d’accéder au pouvoir par le jeu des institutions, pour opérer à la marge une meilleure répartition des richesses, sans s’attaquer à la racine du problème, le pouvoir des capitalistes. Son soi-disant radicalisme « contre les élites » le conduit à bien des confusions, dans une idéologie qui mélange progressisme et nationalisme.

Une politique que nous venons de voir à l’œuvre avec la motion de censure de la Nupes, ne formulant aucun sujet de désaccord ni avec la droite, ni avec l’extrême-droite, dans le but de « faire tomber » le gouvernement. Non seulement cette mascarade parlementaire n’avait aucune chance d’aboutir, mais elle ne fait qu’entretenir les ambiguïtés, qui au final profitent aux forces les plus réac­tionnaires.

Mélenchon a aussitôt déclaré : « La droite sauve le gouvernement de justesse. Il manquait 50 voix pour éjecter le gouvernement. Nous sommes prêts pour la relève »… Comme si le pouvoir avait tremblé et surtout, comme si la question du poids de l’extrême-droite dans le vote de cette motion ne se posait pas. Quel aveuglement de ces jeux parlementaires et de la politique de la phrase, visant à « renverser » Macron pour mettre Mélenchon 1er ministre !

Une politique globale contre le capitalisme et son idéologie réactionnaire

Il est illusoire de combattre l’extrême-droite par des dénonciations morales, des proclamations « antifascistes » unitaires sans une politique pour intervenir dans les luttes de classes réelles, combattant les idées réactionnaires en même temps que le système qui les engendre. Et sans une rupture de fond avec la gauche « populiste » de Mélenchon qui défend la patrie, la République, ses institutions, son État, son armée et sa police.

L’enjeu de la période qui s’ouvre et la responsabilité du mouvement révolutionnaire, est de regrouper largement des travailleur. es, des femmes, des jeunes autour d’une politique, d’un programme pour prendre en main la société face au capitalisme de préda­tion. Un programme qui s’adresse à toutes les couches de la société, la fraction du monde du travail déboussolée qui vote RN, la petite-bourgeoisie ruinée, les artisans asphyxiés par les banques,… en formulant des réponses qui posent la nécessité du pouvoir du monde du travail.

 

Au coeur de nos débats, la faillite du capitalisme financiarisé mondialisé et la nécessité d’actualiser la perspective révolutionnaire

Daniel Minvielle (33) - Démocratie révolutionnaire

Un point semble faire accord entre nous : le capitalisme est entré dans une phase de crise aiguë et multiforme dans laquelle il s’enfonce de plus en plus, nous entraînant dans sa faillite. Après le Covid, la guerre en Ukraine est à la fois un révélateur et un accélérateur des bouleversements en cours. Des enchaînements irréversibles se produisent, conséquences de la crise du capitalisme financiarisé mondialisé et des politiques des classes dominantes censées y remédier. C’est une situation inédite, signe que le développement du capitalisme a atteint ses limites historiques, signe de sa faillite, un tournant majeur à l’échelle internationale.

L’enjeu du congrès devrait être de prendre en compte cette évolution du capitalisme, des rapports entre les classes pour discuter stratégie et programme. Et c’est à la lumière de ces évolutions que se discutent les deux orientations en présence au congrès, faire du NPA le flanc gauche de la Nupes, ou avancer dans la nécessaire refondation du NPA autour de la compréhension de la période et de l’actualisation de la perspective révolutionnaire.

La spécificité historique du capitalisme financiarisé mondialisé

Le capitalisme, à plus ou moins long terme, ne nous offre pas d’autre perspective qu’une régression sans fin sur une planète où la vie devient peu à peu impossible. Dire cela n’est pas du catastrophisme, c’est prendre la mesure de l’évolution engagée, de ce à quoi elle mène.

Le soutien des Etats et des banques centrales après la crise de 2007-2009 a sauvé le système tout en aggravant la maladie. La guerre en Ukraine, l’inflation mondialisée, la crise de l’énergie, l’emballement du réchauffement climatique, la pandémie du Covid sont autant de signes que la maladie chronique qui touche le moteur même du capitalisme, l’accumulation du capital, est entrée dans une phase aiguë.

Devenu pléthorique, ce dernier ne trouve plus assez d’opportunités d’investissements dans la production. L’exploitation du travail humain ne produit plus assez de plus-value au regard des investissements qu’elle exige. Le marché se rétrécit alors que la masse de capitaux explose du fait de l’intervention des Etats et des Banques centrales qui maintiennent la machine à profits sous perfusion, opérant un gigantesque transfert de richesses. Confronté à un ralentissement chronique des gains de productivité, le capital n’a pas d’autre choix que d’extorquer toujours plus de plus-value absolue par la surexploitation, la violence, le pillage, la concurrence généralisée et la guerre.

En 1916, dans L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine montrait comment le capital, englué dans une crise profonde, avait trouvé une nouvelle perspective de développement dans les conquêtes impérialistes. De la même façon, la mondialisation libérale commencée dans les années 1980 répondait à la crise mondiale des années 1970. Aujourd’hui, alors qu’il a globalisé le marché et la concurrence, il n’est plus possible au capitalisme de répondre à sa crise par une politique d’expansion géographique. Il est à bout de souffle, de plus en plus parasitaire et prédateur, destructeur, générateur d’un état de guerre permanent, devenu hors contrôle.

Les réponses des dirigeants économiques ou politiques, soumises aux impératifs à courte vue de la sauvegarde du système face au mécontentement croissant des classes populaires ne peuvent qu’aggraver la situation, de façon accélérée. Et si personne d’entre nous ne croit qu’un « bon gouvernement », « Mélenchon premier ministre », pourrait y changer quelque chose, pour répondre à cette impasse, nous ne pouvons pas nous contenter de proclamations révolutionnaires. Nous avons besoin de redonner crédibilité à la possibilité de la transformation révolutionnaire, à notre programme, sans entretenir les confusions autour de l’illusion d’une « gauche de combat ».

Actualiser la stratégie et le programme révolutionnaire

Cette tâche n’est pas un travail abstrait d’élaboration mais bien la prise en compte des bouleversements sociaux et politiques en cours provoqués par l’évolution des rapports entre les classes sous la pression de l’offensive capitaliste. Le prolétariat n’a jamais eu une telle puissance à l’échelle internationale tant sur le plan numérique, de ses liens et de sa coopération que sur le plan de ses capacités à l’auto-organisation, à utiliser toutes les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies. Le monde est traversé par une profonde contestation sociale qui a atteint une intensité nouvelle depuis plus de 10 ans, véritable « mondialisation de la révolte » dont la dernière en date est la puissante révolte des femmes en Iran, force motrice d’une nouvelle révolution montante qui entraîne avec elle toutes les couches sociales victimes de la dictature religieuse des mollahs et de l’armée. La lutte des migrants pour échapper à la misère et à la guerre participe de cet essor des luttes de classes.

Il n’y a pas de raccourci ni de médiation ni de proclamation qui puissent nous épargner ce travail collectif qui devrait nous rassembler -les 3 plates-formes l’abordent chacune à sa façon-, et nous permettre de dépasser les divergences tactiques entre fractions. La refondation du NPA passe par cette étape indispensable. Elle représente plus largement la réappropriation de l’héritage du trotskysme dans une période radicalement nouvelle.

 

Face à l’impasse de la Nupes et du populisme de gauche, surmonter le sectarisme et oeuvrer à l’unité des révolutionnaires

Isabelle Ufferte (CPN 33) – Démocratie Révolutionnaire

Dans une récente interview en marge de la fête de Bordeaux, Philippe, porte-parole du NPA, expliquait « Il y a une partie du mouvement qui entend militer de manière plus ouverte sans être neutralisé par les conflits internes […] On entend être présent pour mettre la pression sur cette gauche qui est en train de se reconstruire. On pense qu’il faut aller vers plus de radicalité, mais on a tout à intérêt à sortir du sectarisme […] On peut jouer à l’infini le jeu du gaucho et faire les malins à coups de petites phrases, ça ne chan­gera pas les choses. On a envie d’être efficace ». Ou encore « La colère est dans la tête des gens. Il y a aussi la peur de l’avenir, pour la planète. Pourtant, c’est le sentiment d’impuissance qui domine. Notre mouvement doit libérer les cerveaux ».

Mais qui peut sérieusement penser que se placer en dépendance de la Nupes, car c’est bien de cela qu’il s’agit vu le rapport de force et pas de « faire pression » sur elle, peut permettre un tant soit peu de « libérer les cerveaux » ?

Chacun sait que le populisme de gauche prépare des lendemains douloureux au monde du travail et aux opprimé.es… De Mitterrand à Jospin et Hollande, la gauche au pouvoir a mis en œuvre l’offensive libérale, et un certain nombre des ministres d’alors sont membres de la Nupes, en commençant par Mélenchon. Les travailleurs ont durement payé les illusions qu’ils avaient eues, une situation sur laquelle l’extrême-droite a su prospérer. Les expériences depuis de Podemos, de Syriza… ou encore du PT brésilien sont riches d’enseignements.

Alors oui, l’Union Populaire puis la Nupes ont pour une part réussi à canaliser sur un terrain électoral et institutionnel le renouveau des luttes qui remettaient pourtant en cause les trahisons de la gauche politique et syndicale et cherchaient des réponses radicales. Même si depuis l’engouement s’est en partie tassé, Mélenchon a réussi à donner aux illusions réformistes qu’il vend la forme d’un programme anticapitaliste radical plus crédible pour de nombreux travailleurs et jeunes que les appels à une « gauche de combat » de notre candidat ou que les « leçons » révolutionnaires de Lutte Ouvrière malgré la sympathie pour les idées révolutionnaires.

Et il faudrait aujourd’hui essayer de mettre le crédit du NPA et ses militant.es, de notre « radicalité » au service de la Nupes ou de son aile « anticapitaliste » ? L’enjeu est au contraire de nous regrouper et de réactualiser le programme révolutionnaire, non comme un avenir hypothétique mais en l’inscrivant dans la réalité de la lutte de classe et de l’évolution de la faillite du capitalisme, en s’adressant à la révolte et à l’aspiration à changer la société de toute une fraction de notre classe et de la jeunesse. Seuls ces débats, cette élaboration collective peuvent nous permettre de surmonter nos divisions. Ils exigent d’avoir une politique vis-à-vis de l’ensemble du mouvement révolutionnaire et de s’interroger sur nos bilans et difficultés collectives.

Les succès de Mélenchon renvoient aux difficultés et responsabilités du mouvement révolutionnaire

En 2002, les 3 candidats trotskistes rassemblaient plus de 10 % des voix à la présidentielle, bien loin des 1,4 % obtenus au total par le NPA et LO cette année. Nous n’avons, alors que de larges fractions de la population regardaient vers nous, collectivement pas été capables d’appeler à se regrouper autour d’un programme révolutionnaire, de porter la perspective socialiste et communiste autrement que de façon proclamatoire ou comme une utopie.

En 2009, la création du NPA a été une tentative de surmonter les divisions et d’œuvrer au « regroupement des anticapitalistes et révolutionnaires ». Un pas en avant combattu par Lutte Ouvrière et par une partie de l’ex-LCR avec plusieurs départs vers le Front de Gauche, la GU dès 2009, CetA et, en 2012, la GA avec une partie de la direction et une des deux porte-parole.

Faute d’avoir su ou voulu trancher les débats laissés ouverts et formuler une stratégie et un programme révolutionnaire, le NPA ne pouvait pas faire face à l’offensive du populisme de gauche de Mélenchon. Le débat sans cesse remis a laissé le NPA entre deux orientations. Il ne peut être reporté.

Trancher entre deux orientations

Il nous faut rompre avec l’impasse de la politique engagée il y a plus de deux ans avec les alliances avec LFI aux municipales de Bordeaux puis aux régionales en Nouvelle Aquitaine et Occitanie. Une politique qui a été le fil conducteur de la présidentielle et s’est concrétisée dans les négociations aux législatives avec l’UP élargie au PC et aux Verts… jusqu’à l’appel à voter Nupes presque partout, y compris contre des candidats du NPA.

Il est urgent de tourner la page, d’affirmer une orientation révolutionnaire et de construire le lien entre notre programme et la stratégie révolutionnaire. Sans s’arrêter au milieu du gué comme le font les camarades de la PFA en essayant de concilier refondation d’un NPA révolutionnaire et politique vis à vis de LFI sous couvert de front unique.

Cette refondation ne peut se faire qu’en rompant avec les divisions sectaires du mouvement révolutionnaire, en pensant le NPA comme un instrument du rassemblement des révolutionnaires en vue de la construction d’un parti du monde du travail, pour la révolution. C’est le sens de la motion 3 que nous portons.

 

Guerre en Ukraine, préparatifs de guerre autour de Taïwan, la lutte pour la paix et le droit des peuples, une lutte de classe internationaliste

François Minvielle (33, Comité Bordeaux-Nord), Démocratie révolutionnaire

Avec les enjeux de la guerre en Ukraine, le renforcement de la dictature de Xi Jinping face à une politique de plus en plus agressive des USA, et la menace de guerre pour la « réunification » des deux Chines, mettent au centre des questions politiques la lutte contre le militarisme, pour la paix et le droit des peuples.

Biden, dans la continuité de Trump, poursuit les sanctions commerciales et industrielles contre l’Etat chinois. La compétition entre capitaux se poursuit sur le terrain du militarisme. Le Pentagone vient de publier dans un rapport que « le danger le plus profond et le plus grave pour la sécurité nationale des États-Unis, ce sont les efforts coercitifs et de plus en plus agressifs de la Chine ». L’administration US se fait particulièrement provocante avec ses patrouilles de la Navy dans le détroit de Taïwan. Biden promet pour 1,1 milliards d’armes à Taïwan et l’envoi de son armée en cas « d’attaque sans précédent » de l’île.

L’UE emboîte le pas. Une note récente prévient les 27 pays membres : « nous nous dirigeons vers une concurrence totale sur le plan économique mais aussi politique. »

L’Etat chinois répond par la concurrence économique et financière, l’extension de ses zones d’influences, le contrôle de matières premières, la militarisation de la Mer de Chine, etc. Xi Jinping assume l’intensification des tensions : « Nous œuvrerons … pour une réunification pacifique [avec Taïwan], mais nous ne renoncerons jamais au recours à la force »... Les sommets de l’Etat chinois sont bien incapables de sortir du piège qu’ils contribuent à mettre en place, un scénario identique à celui qui a conduit Poutine à agresser l’Ukraine. D’ailleurs, au congrès qui l’a reconduit, Xi a annoncé qu’il fallait que la Chine se prépare à faire face à la même politique d’enserrement qu’a subie la Russie : « Les tentatives d’endiguement venues de l’extérieur risquent de s’aggraver à tout moment ».

Une logique folle est en marche, excitée par le rétrécissement des marchés et la crise globale du capitalisme. Elle s’accompagne de déclarations nationalistes des deux côtés, visant à embrigader les populations.

La complexité des relations économiques et de la concurrence internationale qui nourrit la montée du militarisme et du nationalisme, les menaces de guerre, disqualifient les visions unilatérales « qui a agressé le premier ? » ou « qui a déclenché la guerre ? ».

Nous avons besoin d’une tout autre boussole que cette lecture imposée par l’OTAN pour dédouaner les responsabilités des vieilles puissances dans la montée des tensions jusqu’à la guerre et leur instrumentalisation du nationalisme ukrainien provoquée par l’odieuse agression de Poutine.

Loin d’aider à s’émanciper de cette propagande, la position des camarades de la PFB, reprenant celle de la IV, y a cédé par bien des côtés, notamment en présentant la défense de l’Etat ukrainien comme « une lutte pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » en réponse à l’agression russe, une « guerre impérialiste en Ukraine », jusqu’à revendiquer l’envoi d’armes à l’Ukraine, comme si cela pouvait échapper aujourd’hui à la férule de l’OTAN et des USA.

La PFA de son côté fait le lien entre guerre et « la crise de rentabilité » du capital, ce qui est effectivement déterminant, mais se contente de parler d’un « retour des guerres impérialistes » comme si l’histoire était un simple recommencement.

La PFC, que Démocratie révolutionnaire soutient, dénonce « les unions sacrées » et affirme clairement que la seule façon d’en finir avec le militarisme et la guerre est « la perspective de renverser le capitalisme », mais il nous reste à construire le lien entre les évolutions du capitalisme et cette perspective stratégique. Elle ne peut rester une proclamation associée à une condamnation morale aussi légitime soit-elle. C’est bien l’enjeu de la discussion.

Dans les trois PF, les camarades font référence à l’impérialisme ou à des « conflits inter-impérialistes », sans préciser le contenu de ces notions et le sens qu’elles prennent aujourd’hui. Nous ne sommes plus à l’époque où le capitalisme trouvait un nouveau souffle en se lançant dans des offensives guerrières pour conquérir de nouveaux marchés...

La situation mondiale est celle d’un capitalisme à bout de souffle, dont le militarisme est une fuite en avant pour retarder l’effondrement, un état de guerre permanent où les grandes puissances tentent d’instrumentaliser les rivalités entre puissances et Etats capitalistes. Oui, une crise globale de rentabilité du capital où, comme nous l’écrivons dans notre motion 1, « Les gains de productivité ne répondent plus aux besoins du capital qui n’a d’autre choix que d’extorquer toujours plus de plus-value absolue par la surexploitation, la violence, le pillage, une concurrence généralisée, le militarisme et la guerre. »

Il me semble que c’est bien là le centre de la discussion, l’appréciation de la nouvelle phase de développement du capitalisme pour donner un contenu concret à notre choix stratégique révolutionnaire internationaliste, seule perspective possible pour la lutte pour la paix et le droit des peuples, une discussion repoussée depuis la fondation du NPA pour laisser place à une confusion qui a produit notre crise actuelle.

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