Macron a donc choisi Gabriel Attal pour son entreprise de « réarmement », le jeune loup aux dents longues héraut de l’interdiction de l’abaya, chargé de rivaliser avec le RN à cinq mois des Européennes. Sur les 14 ministres annoncés, 8 sont issus de l’UMP dont, au Travail et à la Santé, Catherine Vautrin, ancienne ministre de Chirac, opposée au mariage pour tous et à la PMA, désormais numéro 3 du gouvernement. Avec aussi, dans ce paquet réactionnaire, la désormais connue Amélie Oudéa-Castéra (Renaissance) à l’Education, faisant pour sa première sortie la promotion du lycée privé réactionnaire, homophobe et sexiste de ses enfants.

« Je ne conçois pas de société sans ordre et sans règles » expliquait Attal aux côtés de Darmanin qui promettait de « finir le travail » de la loi immigration sur laquelle le conseil constitutionnel doit se prononcer le 25 janvier.

Ce gouvernement souligne un peu plus la faiblesse de Macron, qui a déjà « usé » 3 premiers ministres et plus de 100 ministres, et au-delà de l’ensemble des forces institutionnelles. La « prise » improbable de Rachida Dati promue à la Culture, sous le coup d’une mise en examen, en est une illustration. LR impuissant a exclu l’impudente. Quelques heures plus tôt, Larcher, président du Sénat, expliquait : « Nous serons fidèles à notre ligne politique, un contre-pouvoir exigeant mais dans le dialogue à chaque fois qu’il s’agira de l’intérêt de la France »… L’extrême-droite attend elle son heure, repoussant l’hypothèse d’une motion de censure, « Je ne pense pas que les Français veuillent qu’on ferme la porte a priori, qu’on censure a priori un gouvernement qui n’a encore rien fait », a assuré Tanguy, député RN.

A gauche, tous dénoncent un gouvernement droitisé et promettent… une motion de censure si Attal ne demande pas de vote de confiance. Mardi matin, Fabien Roussel, PCF, répondait sans rire à France Info sur son hypothétique participation au gouvernement Attal, « Tout dépend du projet qui est mis sur la table […] Je répondrai toujours à une demande qui va dans le sens de la défense de l’intérêt du pays, des travailleurs […] Les communistes ont participé à la reconstruction de la France en 45, avec De Gaulle qui n’était pas de notre bord politique ». Ian Brossat pensant bon de tempérer : « C’est une position de principe […] il ne faut pas griller les étapes » !

Au-delà du ridicule, ces propos rappellent que le PCF a moultes fois participé à la gestion des affaires de la bourgeoisie. Ce sont bien ces politiques de la gauche qui ont semé la démoralisation parmi les travailleur.es et les classes populaires, nourri l’extrême-droite, permettant à Le Pen père d’arriver au second tour de la Présidentielle de 2002 en balayant Jospin.

La décomposition politique s’accélère de tous les bords, ainsi que les rivalités à l’approche des Européennes que les extrêmes-droites entendent dominer. Les derniers sondages donnent le bloc RN-Reconquête-Debout la France à 39 % contre 20 à 21 % à la majorité présidentielle, 8 ou 9 % à LR. Le PS plafonne à 9 %, LFI à 6,5 %, le PCF à 3 %, sur fond d’une abstention massive.

Personne n’attend rien de ces jeux politiciens, de ce concours cynique pour « la défense de l’intérêt du pays » tandis que les classes dominantes mènent la guerre aux travailleur.es, aux pauvres, aux immigré·es, aux jeunes, et que les extrêmes-droite prospèrent sur le pourrissement social. L’inquiétude et la révolte sont grandes dans le monde du travail, la jeunesse, chez tous ceux que révoltent la violence sociale et qui éprouvent le besoin de discuter comment nous protéger des mauvais coups à venir.

Décomposition économique, sociale, superprofits et explosion des inégalités

La décomposition politique et la dérive réactionnaire qui pavent le terrain à l’extrême-droite trouvent leur source dans l’explosion des contradictions de classe, le pourrissement du capitalisme. Les superprofits et les dividendes records exigent l’appauvrissement continu des classes populaires et des travailleur.es. « Je rappelle que nous devons trouver au minimum 12 milliards d’euros d’économies en 2025. Appelons donc un chat un chat : en matière de finances publiques, le plus dur est devant nous […] Nous ne reculerons pas devant la difficulté de ces décisions […] nous serons intraitables sur les annonces ministérielles non financées » a prévenu Le Maire en présentant ses vœux.

La dette publique a dépassé les 3 000 milliards € (111,7 % du PIB) assurant aux banques 51,7 milliards € d’intérêts en 2023, prélevés dans les caisses publiques alors que les hôpitaux eux-mêmes surendettés et l’ensemble des services publics manquent du minimum !

« Tout a changé en sept ans parce que le monde a changé. Nous vivons un moment historique, qui définira les rapports de force mondiaux des cinquante prochaines années. Historique, la réorganisation des chaînes de valeur. La mondialisation ne sera plus jamais comme avant » a continué Le Maire. « Historiques » en effet la prédation et la dégénérescence du capitalisme financiarisé mondialisé ! D’après la Banque de France, 55 492 sociétés ont été concernées en 2023 par une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, + 34,4 % en un an. Parmi elles Casino, Habitat, Lejaby, Naf Naf, Camaïeu, Kookaï, Chauss’expo, Minelli…

La consommation des ménages, tous niveaux de vie confondus, a diminué de 7,8 % en deux ans, soit bien plus chez les plus pauvres. 20 % des étudiant·es ne mangent pas à leur faim. Des centaines de milliers de personnes dont des milliers d’enfants vivent dans la rue. Deux personnes viennent d’y mourir de froid. Mais « Les géants du CAC 40 ont reversé un record de près de 100 milliards à leurs actionnaires en 2023 » titrait le journal Les Echos. « Historique »…

Décomposition politique

L’exacerbation de la guerre de classe use en accéléré le personnel politique. Un député LR s’exclamait à l’annonce du gouvernement : « Ex-RPR, ex-UMP, ex-chiraquien, ex-LR, ex-sarkozystes... Rien que des "ex" ! […] Marine Le Pen et Jordan Bardella se frottent les mains ! ». Il oubliait les « ex-PS » Gabriel Attal et Stéphane Séjourné qui y ont fait leurs premières armes, y prenant part à l’opération de jeunes loups affairistes « en marche » autour de Macron.

Sept ans après, la Macronie, née sur les ruines des partis discrédités par des décennies d’alternance au pouvoir et de cohabitation, est à bout de souffle. Confronté à la contestation sociale, à sa radicalisation et sa politisation avec les Gilets jaunes, les luttes pour les retraites, contre les violences policières, les mobilisations de la jeunesse, Macron « ni de droite ni de gauche » a intensifié les passages en force, les politiques réactionnaires et sécuritaires, jusqu’à la loi immigration adoubée et revendiquée par l’extrême-droite qui postule désormais à prendre le relai au service des classes dominantes.

Solidarité internationaliste des exploité·es contre la politique extrême du capital

Face au danger réactionnaire et sécuritaire, à la loi Macron-Le Pen, nous étions nombreux·ses dans les manifestations ce 14 janvier à l’initiative de la Marche des solidarités et de collectifs de sans-papiers, rejoints par de nombreuses organisations. Nombreux·ses à dire notre révolte face aux politiques racistes, sécuritaires au service des exploiteurs, leur opposant notre solidarité internationaliste.

Dimanche prochain, 21 janvier, une nouvelle manifestation est appelée par « 201 personnalités pour l’égalité, la liberté et la fraternité » dont nombre sont issues de la gauche syndicale et politique. « Dans notre diversité d’idées, d’engagements, de professions, nous exprimons notre grande inquiétude […] C’est un tournant dangereux dans l’histoire de notre République » expliquent-elles. Comme si cette « République » au service des possédants pouvait offrir quelque protection aux travailleurs et aux migrants ! Comme si elle n’était pas au service de l’offensive réactionnaire en cours, dans la continuité des attaques contre les immigré.es menées par tous les gouvernements depuis des décennies. S’il y a bien un « tournant », c’est dans la brutalité de la politique du capital pour se survivre dans un contexte d’exacerbation des tensions sociales dans une société devenue insoutenable au plus grand nombre.

Les institutions, les élections ne feront pas barrage à l’extrême-droite, pas plus qu’à l’intensification de l’offensive économique et sociale. Mais à travers les mouvements, celles et ceux qui luttent, s’organisent, cherchent les moyens de résister et faire reculer la réaction, sont amené·es à remettre en cause les bases mêmes de l’exploitation. C’est dans notre organisation à la base, dans la prise en main par les exploité·es et opprimé·es eux-mêmes de notre combat commun, dans les débats qui les nourrissent que se construit la compréhension de la situation et des possibilités de transformer la société.

Le capitalisme a unifié le monde en un immense marché, il a mis l’ensemble des travailleur·es en réseau et en concurrence à l’échelle internationale pour baisser le « coût » du travail. Des centaines de millions d’ouvrières et d’ouvriers sont aujourd’hui lié·es par les « chaînes de valeur », les différentes étapes de la production de par le monde. Une classe ouvrière jeune, moderne, connectée s’est constituée, avide de vivre et d’accéder à l’ensemble des richesses qu’elle produit, à la culture, en fuyant la misère, la répression, les guerres, un mouvement général que ne pourront empêcher miradors et barbelés.

Même si toutes celles et ceux qui les mènent n’en ont pas aujourd’hui une conscience claire, cette lutte pour la vie, la solidarité internationaliste qu’elle suscite participent de la lutte pour changer le monde. En contestant les frontières et les Etats, l’ordre capitaliste, ils et elles transforment la perception du monde de centaines de millions de personnes et tracent la perspective d’une société basée sur la coopération internationale des travailleur·es et des peuples, libérée de la dictature de la finance et des multinationales.

 Isabelle Ufferte

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