Dans ses vœux pour 2024, Macron s’est posé en chef du « réarmement » de la France, ridicule posture qui ne pouvait masquer le discrédit, la crise politique profonde accentuée par le vote de la loi Immigration, « victoire idéologique » de l’extrême-droite dont Le Pen espère bien encaisser les dividendes.

Forme de lucidité sur ses moyens, il tente surtout et d’abord le réarmement de son gouvernement, affaibli par les menaces de démission en son propre sein, quelques ministres ayant manifesté lors du vote de la loi des velléités contestataires, vite oubliées, et la démission bien réelle du ministre de la santé Aurélien Rousseau.

Il tente de faire du remaniement ministériel son cheval de bataille pour poursuivre son offensive contre le monde du travail et les classes populaires. Il aura bien du mal à résoudre la quadrature du cercle pour réussir à manœuvrer la nouvelle majorité qui s’est constituée autour de la loi Immigration à l’Assemblée avec la droite et l’extrême-droite, pour l’essentiel contre lui. La concurrence avec l’extrême-droite pour le pouvoir s’exacerbe… sur les mêmes bases politiques, la même instrumentalisation du nationalisme et du racisme au service des intérêts et des profits des classes dominantes. Quel que soit le résultat des calculs et tractations à venir autour du remaniement, Macron est sans majorité, le pouvoir affaibli et sans attendre quoi que ce soit des élections, obsession du microcosme politicien, le monde du travail a l’avenir entre ses mains pour défendre ses droits et renvoyer l’extrême droite dans les cordes.

La loi Immigration, la fuite en avant répressive, raciste et xénophobe...

La loi Immigration est celle qui, depuis 40 ans attaque le plus durement les droits des immigrés en reprenant le programme du RN. Elle franchit un seuil jusque-là jamais atteint en remettant en question le droit du sol, en instaurant des quotas migratoires, la préférence nationale pour de nombreuses prestations sociales dont le RSA, le délit de séjour irrégulier pour faciliter les expulsions, le paiement d’une caution de plusieurs milliers d’euros pour les étudiants étrangers qui fermera la porte aux plus pauvres. Comme promis par écrit aux députés et sénateurs LR, le gouvernement va engager dès janvier la réforme de l’AME, l’Aide Médicale d’Etat, réduisant son accès et la restreignant à des soins d’urgence.

Darmanin s’est réjoui des expulsions « d’étrangers délinquants » en hausse de 30 % en 2023. Il s’est félicité de « ce premier bilan » et a demandé aux préfets d’« accélérer encore en la matière ». Le rapport du Conseil Constitutionnel vient à point nommé pour justifier des demandes de crédits. Il a jugé « inefficace » la stratégie de l’Administration en matière d’OQTF (Obligation de quitter le territoire français), « seule une petite minorité – autour de 10 % – des OQTF sont exécutées », et globalement « déficiente » la politique de lutte contre l'immigration au regard des « moyens importants qui lui sont alloués, 1,8 milliard d'euros annuel. »

Certains préfets se sentent encouragés pour organiser de véritables rafles, comme celui de l’Isère qui a fait arrêter à Grenoble une dizaine de salariés sans papiers de différentes plateformes de livraison, placés en garde-à-vue, avec OQTF et IRTF (Interdiction de retour sur le territoire français).

Cette loi est le fruit pourri du nationalisme, du racisme et de la xénophobie, de la folie sécuritaire de la classe politique réactionnaire qui sert la minorité richissime, sème la haine, alimente les peurs en prétendant leur apporter un remède, empoisonne le climat politique et la société. « On veut ceux qui bossent, on veut pas ceux qui rapinent » ne cesse de répéter Darmanin. Les travailleurs migrants, étrangers sont présentés comme une menace, des délinquants ou de potentiels terroristes. Cette politique criminelle des classes dirigeantes est une réponse à leur propre crise et à leur faillite, leur incapacité à répondre aux besoins sociaux et démocratiques des travailleurs et des classes populaires, une abjecte fuite en avant face à leur peur de la révolte et de la contestation du monde du travail et de la jeunesse, qui révèle leur faiblesse.

En avril dernier, les États membres de l’Union européenne adoptaient le pacte sur l’asile et l’immigration qui renforce l’Europe forteresse, une Europe militariste « plus forte », plus meurtrière pour ceux qui espèrent venir y trouver une vie meilleure.

Une année riche… d’attaques contre les travailleurs et la jeunesse

En s’en prenant aux travailleurs étrangers, la fraction de la classe ouvrière la plus exploitée, la plus précaire, Macron attaque l’ensemble des travailleurs et il entend « accélérer encore » sa politique au service du patronat et des multinationales pour baisser le coût du travail, aggraver l’exploitation.

Les prix continuent de flamber. Le ministre des finances Bruno Le Maire se réjouit d’une « désinflation », alors que les prix continuent de grimper et que les classes populaires vont avoir à faire face à de nouvelles augmentations. L’alimentation va encore augmenter de 1,9 %, après les 16 % d’augmentation en 2023 et alors que beaucoup de familles ne mangent déjà plus à leur faim, - la consommation alimentaire a chuté de 17 % depuis le début de l’année 2022 -. Le prix des carburants va se maintenir à un haut niveau alors que l’indemnité carburant travailleur n’est pas renouvelée. Les prix de l’électricité (+ 10 % au 1er février), des loyers (+ 3,5 %, le gouvernement refusant d’imposer un gel des loyers), des dépenses de santé avec le doublement des franchises médicales et l’augmentation annoncée de 8,1 % en moyenne des Mutuelles, vont peser lourdement sur le budget des familles.

Après la réforme des retraites qui impose à tou·te·s de travailler plus, la réforme de l’assurance-chômage qui a diminué les droits et indemnités des chômeurs, France Travail va aggraver la traque des demandeurs d’emploi. Un salarié du privé qui refusera deux fois en un an l’offre de CDI de son employeur à l’expiration de son CDD ne pourra plus bénéficier de l’allocation chômage. Le 15 décembre, Olivier Dussopt, ministre du Travail confirmait qu’il allait doubler le nombre de contrôles des recherches d’emploi en 2024.

Le « réarmement économique » de Macron, c’est la poursuite d’une politique qui conditionne l’explosion indécente des profits du CAC 40 et des bourses mondiales à la surexploitation du travail. Les profits des multinationales, comme ceux de TotalEnergies qui après avoir doublé en 2022 ont été de + 12 % en 2023, continuent à nourrir l’inflation. C’est aux travailleurs que Macron fera payer les 413 milliards du budget militaire pour les 5 ans à venir et la militarisation de l’économie pour la défense des multinationales en concurrence sur le marché mondial.

Pour le retrait de la loi Macron-Le Pen, rassembler le camp de l’internationalisme

La loi Immigration, le racisme anti-immigrés suscitent une révolte profonde parmi les travailleurs, les classes populaires et la jeunesse et de nombreuses organisations associatives, syndicales et politiques, à l’initiative de la Marche des solidarités et d’organisations de jeunesse, commencent à organiser la mobilisation pour le retrait de la loi et appellent à descendre dans la rue le 14 janvier.

Les partis de la gauche parlementaire, PS, PC, EELV et LFI qui n’ont pas contesté le principe d’une loi parce qu’ils partagent avec ses promoteurs l’idée qu’il faut « réguler les flux migratoires » ont saisi le conseil d’Etat pour la « rejeter dans son ensemble », manœuvre dilatoire et illusoire.

A la CGT, Sophie Binet appelle aujourd’hui à la « désobéissance civile et à la multiplication d’actions de résistance contre cette loi à l’image de ce qu’ont fait 32 départements » et évoqué la préparation d’initiatives « d’ampleur »... sans s’engager à participer au 14 janvier. Une attitude à mettre en rapport avec sa demande « solennelle » à Macron, au moment du vote de la loi en décembre, contre « les divisions sociales, le poison grandissant de la haine et du rejet de l’autre » dont il est responsable « de ne pas promulguer ce texte, le Président de la République a la responsabilité de rassembler le pays, de faire respecter nos principes républicains ».

Il est bien sûr de l’intérêt de tous les travailleurs de préparer ces « initiatives d’ampleur », de participer massivement à la journée du 14, en ne comptant que sur nous-mêmes, nos organisations démocratiques, collectifs, AGs de lutte, sections syndicales en toute indépendance de la gauche politique institutionnelle et des appareils syndicaux dont la passivité désarme les travailleurs, les militants.

Contre le nationalisme, le racisme et la xénophobie du bloc réactionnaire Macron-Darmanin-Ciotti-Le Pen, nous ne pouvons compter que sur nos mobilisations, qu’opposer aux « fiertés nationales » de Macron, les fiertés internationalistes et la solidarité du monde du travail, des femmes et de la jeunesse, nos droits sociaux et démocratiques, la perspective d’en finir avec cette société d’exploitation. Bien souvent, et à juste titre, le 14 janvier, les manifestations contre la guerre génocidaire d’Israël et contre la loi immigration convergeront. C’est un même combat de classe, de solidarité internationaliste.

Il est de plus en plus évident aux yeux de nombre de travailleurs, de jeunes, que les questions sociales et politiques se rejoignent, participent d’un même combat contre cet ordre social injuste, violent et inhumain. Dans le creuset de cette lutte des travailleurs du monde se forge le mouvement internationaliste des travailleurs et de la jeunesse pour nos luttes par-delà les frontières, pour changer le monde.

Christine Héraud

 

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