Le rejet de la loi Immigration est à la fois un échec pour le gouvernement sans majorité, et une gifle à Darmanin qui voulait en récupérer les fruits pourris pour ses ambitions de leader du bloc réactionnaire. Il s’est heurté aux petites manœuvres parlementaires de LR et du RN, concurrents et rivaux dans la surenchère xénophobe et sécuritaire, et à celles de la gauche prétendant combattre les débordements réactionnaires des Darmanin-Ciotti-Le Pen par le rejet de la loi. L’insoumis Manuel Bompard sur RTL s’est dit soulagé de s’éviter ainsi « un climat nauséabond » contre les étrangers, comme si l’agitation politicienne dans le théâtre d’ombres du Parlement allait mettre un coup d’arrêt à l’offensive réactionnaire du gouvernement, de la droite et de l’extrême-droite contre les travailleurs et les classes populaires.
« Le débat doit désormais se poursuivre avec le texte adopté par le Sénat », s’est réjoui Ciotti. La commission paritaire mixte, composée de 7 députés et 7 sénateurs qui se réunira lundi 18 devra s’entendre sur le texte durci par les mesures racistes et xénophobes des sénateurs, Darmanin, Ciotti ou Le Pen y sont tout disposés et ne souhaitent pas l’abandon de la loi, annoncé en cas d’échec par Macron qui ne veut pas d’un 49-3, lui qui vient de faire adopter le budget 2024… par un nouveau 49-3, le 22ème depuis que Borne est Première ministre. « La politicaillerie », raillée par un Darmanin vexé profite à l’extrême-droite. Le RN surfant sur l’échec et la crise du camp macroniste s’est déclaré prêt à gouverner, affirmant : « Nous sommes désormais les seuls opposants crédibles à Emmanuel Macron ».
« La politique du pire », celle de Macron-Darmanin de surenchère sécuritaire et xénophobe
Macron aurait dénoncé en Conseil des ministres, selon l’AFP, le « cynisme » et le « jeu du pire joué notamment par deux partis de gouvernement qui ont dirigé le pays pendant 40 ans », le PS et LR.
Mais la politique du pire, c’est la sienne, qui prétend comme eux combattre l’extrême-droite en reprenant ses préjugés sécuritaires et xénophobes, en attisant les haines, le rejet des travailleurs étrangers, des migrants désignés comme des boucs émissaires pour masquer sa propre responsabilité et celle des classes dominantes qu’il sert dans les violentes attaques contre les travailleurs et la population.
La véritable insécurité, c’est l’insécurité sociale
Darmanin répète à l’envi que la loi Immigration est indispensable pour pouvoir expulser des « étrangers délinquants » aujourd’hui non expulsables et qui seraient responsables de la prétendue insécurité qui gangrènerait la société. Mais pour les classes populaires et les travailleurs, ce qui gangrène la société, c’est l’insécurité sociale qu’ils vivent au quotidien, la peur de perdre son travail, de tomber dans la précarité, de perdre son logement, de ne plus pouvoir se soigner, se chauffer, nourrir sa famille… C’est cette insécurité qui est le terrain de la « délinquance » que le gouvernement relayé par les médias instrumentalise pour justifier sa politique sécuritaire alors que lui-même et cette société d’inégalité et d’injustice en portent l’entière responsabilité.
Le gouvernement prétend se préoccuper de la situation des plus pauvres, des plus précaires, -c’est ainsi qu’il présente sa loi Plein-Emploi adoptée le 14 novembre dernier- mais ce sont eux qu’il attaque le plus durement. La nouvelle convention de l’assurance-chôme organise la traque des chômeurs, le doublement des contrôles, la baisse des indemnités ; les bénéficiaires du RSA vont être soumis dès le 1er janvier à l’obligation d’effectuer 15 heures de travail hebdomadaires sous peine de voir leur allocation suspendue, des mesures destinées à leur faire accepter n’importe quel travail à n’importe quel prix, objectif du cynique projet du ministre du travail Dussopt qui rappelle que « 6 % des offres d’emploi sur des métiers en tension ne suscitent aucune candidature. » et pour cause… tant ils sont surexploités et sous-payés. Dussopt, qui voudrait faire travailler plus longtemps les seniors va aussi partir en chasse contre les ruptures conventionnelles, « parfois utilisée pour les salariés de 58 ou 59 ans comme une forme de préretraite qui ne dit pas son nom. Nous devons trouver un moyen d’empêcher cet effet d’aubaine… ».
Cette insécurité sociale dans laquelle la politique du gouvernement et du patronat plonge toujours plus de travailleurs et de jeunes va encore s’aggraver avec l’inflation qui, contrairement aux prévisions mensongères de Bruno Le Maire, ne faiblit pas. A partir du 1er janvier, les classes populaires vont payer plus cher entre autres choses leurs mutuelles, les transports en particulier en région parisienne, l’électricité qui pourrait atteindre +10 % en février, le paquet de cigarette de + 50 centimes à 1 euro…
En rupture avec le jeu parlementaire, pas de dialogue social, une politique de lutte de classe
La surexploitation capitaliste, qui conduit à une profonde régression sociale, au mépris des travailleurs, de leurs droits et de leurs conditions de vie, de leur dignité, suscite une révolte qui se manifeste par la multiplication de luttes dans les secteurs les plus exploités de la classe ouvrière comme celles des sans-papiers, les livreurs des plateformes, les ouvriers des chantiers de nettoyage ou des grands chantiers de construction pour les Jeux olympiques qui pourraient bien se faire entendre à cette occasion, avec ceux de la SNCF et de la RATP et bien d’autres.
Ils ne peuvent compter sur une intersyndicale où, après le mouvement contre les retraites, chacun reprend ses billes pour un nouvel agenda social avec le gouvernement qui n’est qu’un jeu de dupes, à l’image des discussions sur le futur haut conseil aux rémunérations dont Thomas Vacheron, de la CGT, se réjouissait en disant qu’il avait été « arraché à la conférence sociale pour, notamment, mettre fin à la trappe à bas salaire ». La nouvelle secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon a déclaré « On a toujours dit que l’intersyndicale telle qu’elle existait pendant les retraites était utile et importante. On est dans un autre moment aujourd’hui. ». Sophie Binet quant à elle, a donné des gages de responsabilité au pouvoir, en déclarant sur France-Info que la CGT n’appellerait pas à la grève pendant les Jeux olympiques, « La CGT ne va pas s’amuser à gâcher la fête pour des millions de Françaises et de Français ».
Les attaques globales des classes dominantes pour leurs profits égoïstes rendent nécessaire une réponse globale du monde du travail pour ses droits, pour les salaires, contre les licenciements et la précarité, contre les profits des marchands de canons et l’économie de guerre à laquelle Macron veut soumettre les travailleurs au profit de la folle course aux profits et des intérêts des multinationales en concurrence sur le marché mondial.
Cette politique suppose de rompre avec la politique de dialogue social des directions syndicales et les jeux parlementaires de la gauche institutionnelle et d’affronter ce gouvernement dans la perspective de prendre nous-mêmes en main la marche de la société, d’en finir avec le capitalisme fauteur de guerres et l’exploitation. « C’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons » scandions-nous dans les manifestations contre la réforme des retraites.
Aux politiciens réactionnaires, serviteurs des possédants et des nantis, nous répondrons en participant lundi 18 décembre, journée internationale des migrant·e·s, aux manifestations et initiatives contre la loi Immigration Darmanin appelées par des collectifs de Sans-papiers, la Marche des Solidarités et plus de 300 organisations.
Travailleurs de toutes origines, avec ou sans papiers, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, sur notre solidarité et notre organisation démocratique, pour nous regrouper et faire vivre les idées de l’internationalisme et de la lutte de classe pour notre émancipation et celle de toute la société.
Christine Héraud