« Alors que le carnage à Gaza atteint chaque jour de nouveaux niveaux d'horreur, le monde continue d'être sous le choc alors que des hôpitaux sont la cible de tirs, que des bébés prématurés meurent et qu'une population entière est privée de moyens essentiels de subsistance. Cela ne peut pas continuer », déclarait Martin Griffiths, le chef des Affaires humanitaires de l’ONU mercredi dernier alors que des unités de l’armée israélienne avaient commencé à investir dans le nord de la bande de Gaza l’hôpital Al Chifa. Le complexe hospitalier où se trouvaient pas moins de 2300 personnes, malades, soignants et réfugiés était encerclé depuis plusieurs jours par des chars et des batteries d’artillerie et soumis à des tirs incessants empêchant quiconque d’en sortir, ne serait-ce que pour enterrer les morts. Dès leur entrée, les commandos israéliens ont ordonné à tous les réfugiés hommes de plus de 16 ans de se rendre, puis dans les heures et jours qui ont suivi, ils ont détruit des services entiers, précipitant la mort de dizaines de malades, bébés prématurés ou blessés supplémentaires.

Devant l’émotion provoquée par de telles monstruosités, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pas pu faire moins que d’appeler dans la soirée à « des pauses et couloirs humanitaires étendus et urgents pendant un nombre de jours suffisants » pour permettre d'apporter une aide humanitaire aux civils de la bande de Gaza. Les Etats-Unis qui n’ont pas osé voter contre se sont abstenus ainsi que le Royaume Uni et la Russie. Cette énième résolution qui ne dénonce même pas les crimes de guerre d’Israël restera lettre morte comme tant d’autres avant elle. Quelques heures auparavant, le sinistre ministre de la défense israélien Yoav Gallant avait déclaré au coordinateur américain pour le Proche-Orient, Brett McGurk, qui assiste quotidiennement l’armée israélienne : « Pas question d’arrêter nos opérations à Gaza tant que la mission n’est pas accomplie ».

Jeudi soir, les communications en provenance de la bande de Gaza ont été à nouveau interrompues faute d’électricité et de carburant. Un million et demi de ses habitants ont fui vers le sud, 200 000 en trois jours, sans pouvoir trouver le moindre abri sûr pour se protéger des bombardements incessants, sans nourriture ni eau potable. Les autorités du Hamas à Gaza ont fait état vendredi de 12 300 morts, dont 5000 enfants, mais ces chiffres officiels ne tiennent pas compte des centaines, voire des milliers de corps qui n’ont pu être retrouvés sous les immeubles et les habitations effondrés sous les frappes israéliennes.

En Cisjordanie, les exactions des colons et des soldats israéliens contre les Palestiniens, de véritables pogroms pour les chasser de leurs maisons et de leurs terres, sont en augmentation constante. On y compte plus de 200 tués et des milliers d’arrestations, et sont harcelés aussi quotidiennement les habitants palestiniens de Jérusalem-Est et les Arabes d’Israël. Pas un Palestinien n’est épargné par cette folie meurtrière du régime sioniste qui poursuit son offensive génocidaire sous la protection de l’armada américaine et de ses alliés occidentaux positionnée au large des côtes israéliennes.

La terrible logique d’une guerre sans fin hors de contrôle

Personne ne peut présager de la suite ni de l’extension de la guerre au Moyen-Orient, mais celle-ci est contenue en germes dans la situation. L’armée israélienne a déjà bombardé des positions du Hezbollah au Liban, en réponse à ses tirs de roquettes et à ses drones et Yoav Gallant a prévenu le 12 novembre que « ce que nous faisons à Gaza, nous pouvons aussi le faire à Beyrouth si le Hezbollah franchit une ligne rouge ».

En Syrie, l’aviation israélienne mais aussi l’aviation américaine ont mené plusieurs raids sur des positions tenues par des groupes armés proches de l’Iran qui avaient mené des attaques contre des bases américaines en réaction aux bombardements sur la bande de Gaza. Contre les Houthis du Yemen, soutenus également par l’Iran, un général israélien a déclaré jeudi dernier : « En tant que bras stratégique de l’État d’Israël, l’IAF [l’aviation israélienne] est prête et opère dans tout le Moyen-Orient, dans tous les domaines, partout où c’est nécessaire ». L’Iran n’a certainement pas envie d’une guerre avec Israël et les Etats-Unis non plus mais l’exacerbation des tensions provoquées par la politique génocidaire d’Israël pourrait y conduire par la logique hors contrôle de l’escalade militaire.

C’est ce à quoi les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux se préparent par l’augmentation de leurs moyens militaires et une intense propagande belliciste destinée à soumettre leurs opinions publiques pour l’instant hostiles à un engagement plus poussé dans la guerre.

En France, la projection à l’Assemblée nationale le 7 novembre et au Sénat le 14 de la vidéo montage d’images -insoutenables- des tueries du Hamas le 7 octobre, produite et diffusée largement par les autorités israéliennes, s’inscrit dans cette offensive.

Les tueries perpétrées délibérément par le Hamas le 7 octobre contre des civils israéliens mais aussi des travailleurs immigrés, contre des enfants, des femmes, ne servent en rien la cause des Palestiniens. Cette violence aveugle et meurtrière a pour objectif de détruire toute possibilité de rapprochement entre les deux peuples, israéliens et palestiniens, de les assujettir à la seule haine nationaliste dans le but de sauvegarder leur pouvoir. Mais le Hamas lui-même n’est que le produit de l’oppression exercée depuis des décennies contre la population palestinienne par l’État d’Israël, de l’impasse de la politique des organisations nationalistes palestiniennes, de l’absence d’une alternative progressiste, internationaliste, ouvrant la voie à une véritable émancipation des peuples.

Écrasée sous les bombes, en proie à la famine et aux exactions d’une soldatesque israélienne ivre de haine et de peur, la population palestinienne lutte pour sa survie et sa jeunesse mûrit sa révolte, sa haine de l’oppresseur. Le peuple, les travailleurs israéliens ne pourront vivre en paix sans se débarrasser non seulement de Netanyahou mais aussi de sa bourgeoisie et de son Etat théocratique qui assoient leur pouvoir sur le mythe religieux de la terre promise. Un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre.

Non à l’union nationale militariste derrière le soutien à Netanyahou

En France, les manifestations de dimanche dernier « contre l’antisémitisme » ont été de fait des rassemblements de soutien à Netanyahou et à sa guerre génocidaire contre le peuple palestinien. Organisées par le pouvoir et les sommets de l’État, rassemblant toute la classe politique institutionnelle à l’exception de LFI, elles s’inscrivent dans le soutien inconditionnel de Macron et de l’État français au « droit de se défendre » de l’État israélien alors même que celui-ci a déclenché, suite à l’offensive du Hamas du 7 octobre, une guerre génocidaire, une terreur de masse qui frappe sans relâche la totalité de la population palestinienne, en premier lieu dans la bande de Gaza mais également en Cisjordanie et à Jérusalem Est.

Le pouvoir voudrait construire une « unité républicaine » alors que toutes les manifestations de solidarité avec les Palestiniens ont été interdites ou menacées de ne pas pouvoir se tenir, alors que toute expression de contestation de la sale guerre du pouvoir israélien est assimilée à de l’antisémitisme et que les médias aux ordres déversent jour après jour une propagande unilatérale écœurante. Ces manifestations du 12 novembre n’étaient ni populaires ni jeunes, à la différence des manifestations en soutien à la population palestinienne, elles ont été l’occasion d’un rassemblement des forces réactionnaires Macron-Darmanin-Ciotti-Le Pen-Zemmour qui exige en réponse un sursaut pour une alternative progressiste, internationaliste, révolutionnaire.  

… Union des peuples et des travailleurs de tous les pays contre leurs exploiteurs

Depuis le 7 octobre, des millions de manifestants se sont levés contre les crimes de l’armée israélienne à travers le monde, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis, en Europe et jusqu’en Asie, en Indonésie et au Japon, aux cris de « Assez de massacres », « soutien à la Palestine », malgré leurs gouvernements et la répression. Cette révolte en soutien à la population palestinienne exprime plus largement une hostilité profonde à la guerre et la conviction partagée par de larges masses que ce déchaînement de violences meurtrières et de massacres est de la responsabilité des classes possédantes et exploiteuses.

C’est plus ou moins confusément l’expression d’une prise de conscience du tournant qui s’opère dans la situation politique en France, comme à l’échelle internationale, de cette mise en condition des opinions publiques pour les préparer à une guerre de la prétendue civilisation occidentale contre la « barbarie islamiste », une guerre des « démocraties civilisées » contre les « dictatures obscurantistes ». Les USA, déjà engagés dans la guerre d’Ukraine contre la Russie et dans la guerre d’Israël contre les Palestiniens, n’en préparent pas moins le conflit qu’ils savent, du point de vue de leurs propres intérêts, inévitable à plus ou moins long terme avec leur principale rivale, la Chine. La rencontre entre Biden et Xi Jiping mercredi dernier, en marge de la réunion annuelle de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) à San Francisco, s’est parée de dehors pacifiques mais derrière ces faux semblants diplomatiques, reste la réalité de la concurrence économique entre deux brigands dont le plus puissant, les Etats-Unis sont engagés dans une offensive diplomatique et militaire pour sauvegarder leur hégémonie de plus en plus contestée, pour maintenir et accroître leur part des richesses qu’ils tirent de l’exploitation des travailleurs, des peuples et de la nature.

La lutte pour la mainmise sur les matières premières, les biens de production et des infrastructures, les marchés, une main d’œuvre à exploiter est en dernier ressort la raison de fond de la guerre, quelles qu’en soient les justifications mensongères. Les guerres se mènent entre rivaux capitalistes et contre les populations exploitées des camps en présence et du monde entier.

La guerre barbare que mène Israël contre les Palestiniens est non seulement une guerre coloniale mais elle s’inscrit dans la guerre que mènent les vieilles puissances impérialistes contre les peuples du Moyen-Orient depuis des décennies, pour le contrôle du pétrole en particulier.

La lutte du peuple palestinien, nation prolétaire dont une majorité chassée par Israël vit en Jordanie, au Liban, en Syrie, a toujours été considérée par les classes possédantes et les Etats de la région comme un problème épineux, un facteur d’instabilité et un danger majeur pour l’ordre social dans leur pays comme dans tout le Moyen-Orient.

Elle l’est d’autant plus aujourd’hui sous le règne mondialisé du capitalisme. Après l’effondrement de l’URSS et le chaos créé par les guerres américaines contre l’Irak, toutes les classes dirigeantes des pays du Moyen-Orient se sont intégrées au règne du capitalisme mondialisé et jouent leur propre jeu dans ce Monopoly géant. Ainsi de la rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran. La lutte des Palestiniens comme les révoltes qui ont éclaté dans les pays arabes au printemps 2011 met en cause directement l’ordre social, l’ordre du capitalisme mondialisé.

Le soutien, la solidarité que nous pouvons apporter au peuple palestinien, les manifestations, les prises de position, les mouvements qui dénoncent l’oppression de l’État israélien et exigent l’arrêt des massacres, participent aussi d’une lutte contre notre propre gouvernement, contre ses lois ultra-réactionnaires contre les migrants et les immigrés, contre les chômeurs et les pauvres, contre l’État militariste, pour les droits sociaux et démocratiques, un combat pour en finir avec le pouvoir des actionnaires du CAC40 et mettre en place un pouvoir démocratique des travailleurs et des classes populaires.

L’entente fraternelle entre les peuples, contre leurs gouvernements et leurs classes possédantes, est l’avenir du monde. Seuls des gouvernements et des pouvoirs laïcs, démocratiques, issus de la révolte des classes populaires contre l’exploitation économique et l’oppression sociale, libérées de la concurrence capitaliste à l’origine des guerres, peuvent garantir la coexistence pacifique des peuples, leurs droits nationaux, le libre usage de leur langue, le respect de leurs convictions y compris de leur religion.

Galia Trépère

 

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