Il aura suffit de peu pour que le masque du pouvoir laborieusement fabriqué à grand renfort de pub médiatique se fissure et laisse voir la vulgarité sociale du président prétendument moderne. Sa blague digne d'un militant du FN au café du commerce est édifiante. « Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien »... Tout y est, le cynisme et la morgue, le mépris social et le racisme.

C'est ce même mépris chevillé au corps qui guide sa politique qu'il met en marche sans attendre les résultats des législatives. Il s'empresse parce que son mépris ne l'aveugle pas au point de ne pas craindre celles et ceux qu'il veut rabaisser. Il les méprise parce qu'il les combat pour défendre les intérêts de sa classe, celle des riches et des possédants, des banquiers et des patrons. Il craint que les travailleurs rompent la tétanie qui frappe le pays étouffé par le déferlement de la langue de bois des fausses évidences libérales et des vrais préjugés réactionnaires. Il sait qu'il n'a pas de réel soutien ni d'adhésion, que son succès n'est que le produit d'une opération de marketing combiné à l'effondrement, aux capitulations de la gauche gouvernementale et des directions des grandes confédérations syndicales. Il sait que, sous la pression des attaques, la classe ouvrière pourrait rapidement retrouver la conscience d'elle même, de ses propres intérêts.

La campagne des législatives poursuit et achève le travail réalisé par la campagne présidentielle pour, très probablement, donner à Macron une majorité absolue face à une droite déconsidérée, une gauche laminée et un FN miné par de féroces luttes de pouvoir.

Mais déjà les affaires rattrapent le renouvellement qui vieillit avec une vitesse étonnante. Macron a tout d'un vieux politicien, aussi vieux que le système qu'il défend, vieil acteur de la scène politique, habitué des poignées de mains officielles, des manœuvres politiciennes, et autres roueries...

Lui et ses nouveaux embauchés jouent leur vaudeville sur le thème du renouvellement et de la moralisation d'un système où l'argent est roi, une pitrerie à l'image de Bayrou, un tour de passe-passe pour bluffer la galerie et camoufler les délits permanents du monde politique qui se partage postes, sinécures et privilèges, des délits inhérents au système qu'ils servent.

Dire que nous en avons assez, que nous ne sommes pas dupes, faire entendre notre voix, faire valoir les intérêts des travailleurs, c'est voter dimanche pour les candidatEs du NPA et de Lutte ouvrière.

Macron et l'union nationale contre les travailleurs

Le jeune ambitieux porte un projet qui n'a rien de progressiste, de démocratique ou de « bienveillant ». Le rêve de Macron est un État gérant hors du moindre contrôle démocratique les désordres occasionnés par les lois du marché et de la concurrence, le rapport d’exploitation capital-travail sans frein, la dissolution de la démocratie se combinant à une intégration plus grande encore des syndicats invités à dialoguer...

La prolongation de l'état d'urgence (avant que ses dispositions ne soient intégrées dans la loi), est l'occasion de tenter de souder cette union nationale autour de lui en prétextant les menaces terroristes pour mieux imposer sa politique antisociale.

Macron a mis en marche son offensive. Il espère pouvoir se revendiquer d'une large majorité pour imposer sa marche forcée et mettre les syndicats et les travailleurs à genou en invoquant la lutte contre... le chômage.

Le « programme de travail pour rénover notre modèle social » qui a été adressé mardi dernier aux dits « partenaires sociaux » est un concentré de cette hypocrisie d’État. Tout est dit en faisant semblant de laisser tout ouvert !

Une façon de permettre à ceux qui veulent se prêter à ce jeu de dupes de faire semblant de croire qu'il y a quelque chose à discuter !

Et au passage, Édouard Philippe, le Premier ministre, ne se prive pas d'attaquer ceux qui sont passés de la « lutte des classes à la guerre sociale » pour affirmer sans gêne que « la seule guerre sociale qui compte, c'est celle contre le chômage » !

Des attaques sous anesthésie...

L'agenda concentre l'attaque sur la réforme du code du travail autour de trois thèmes : « articulation de l'accord d'entreprise et de l'accord de branche et élargissement sécurisé du champ de la négociation collective » ; « simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs » ; « sécuriser les relations de travail, tant pour les employeurs que pour les salariés ». Des formules elliptiques qui n'évoquent pas le « contrat de travail » ou la « hiérarchie des normes ». Macron ne pense qu'à ça mais il n'en parle pas... Mais c'est bien ce qu'il veut faire passer, privilégier les négociations entreprises par entreprises

Le troisième volet de la réforme portera sur la « sécurisation des relations de travail ». C'est là que serait traité le plafonnement des indemnités prud'homales. « La barémisation », dit le document. Et pour rassurer, il signale que ne seront pas concernées les indemnités de licenciement, mais les « dommages et intérêts ».

Ces annonces qu'ils prétendent mesurées s'accompagnent d'un plan de discussion destiné à anesthésier les directions syndicales et l'opinion.

Cette concertation donnera lieu à 48 réunions (2 par thème et par organisation patronale ou syndicale), les syndicats ne seront jamais reçus ensemble. Macron fait semblant de négocier, divise pendant le temps des congés pour imposer ses décisions début septembre.

Le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance sera présenté au Conseil des ministres du 28 juin puis examiné et voté au Parlement en juillet. Quant aux ordonnances elles-mêmes, elles seront « publiées d'ici à la fin de l'été ».

Tout est cadré, planifié, encadré et, cynique, le gouvernement parle de dialogue.

Du dialogue social à l'alliance capital-travail ?

Les directions syndicales acquiescent et rentrent tête baissée dans ce qui n'est même plus un piège tant l'affaire est évidente. Elles se prêtent au jeu comme elles se sont prêtées au jeu des premières consultations qui se sont déroulées pendant quinze jours sans apporter quoi que ce soit. Chacun s'est livré à un jeu de rôle vain qui n'a d'autre fonction que de duper l'opinion servant à désamorcer toutes velléités de contestation au moment de la présentation au Parlement de la loi d'habilitation sur les ordonnances.

Sans rire, la CFDT a prévenu qu'elle ne serait pas un « allié docile ». Le syndicat chouchou du gouvernement et du patronat voudrait obtenir le prix des services rendus, il voudrait être encore plus associé à tous les niveaux du pouvoir. « Partagez le pouvoir ! » a écrit Laurent Berger à Macron ! Mais pour ce dernier, la place des syndicats est dans les branches et dans les entreprises, sinon, ils font trop de politique ! FO semble trouver sa place autour de la table et la CGT critique avec une certaine lucidité mais participe avec une certaine... duplicité.

Pourtant, Macron ne cache pas plus son intention de s'attaquer aux salariés que celle de domestiquer les syndicats. L'ordonnance « Simplifier les institutions représentatives du personnel (IRP) en prévoyant la mise en place d’une instance unique », ordonnance jugée « prioritaire », est claire. Muriel Pénicaud a parlé de « fusionner au moins les trois institutions consultatives », soit comité d'entreprise, délégués du personnel et Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Cette fusion vise à restreindre les prérogatives du CHSCT comme des délégués du personnel en les intégrant aux CE noyés dans des tâches de gestion. Il s’agit de pousser à encore plus l’institutionnalisation de la représentation syndicale afin de l’éloigner de la base des travailleurs et de la rendre plus malléable aux desiderata du patron. De faciliter aussi la création de syndicats maison grâce au « chèque syndicat » qui permet de financer directement une section syndicale. Tout ça dans le but de « renforcer la pratique et les moyens du dialogue social », c'est à dire d’intégrer et de domestiquer les syndicats.

Pour une politique d'indépendance de classe

La seule façon d'enrayer le processus en cours dépend de la capacité des travailleurs, des classes populaires et de la jeunesse à intervenir directement sur le terrain social et politique avec leurs propres armes de classe, l'organisation, la grève, les manifestations. On le voit bien, le rapport de force est très défavorable, la grande majorité des travailleurs ne croit plus, à ce stade, à la possibilité de changer les choses. L'échec du mouvement contre la loi travail ainsi que, pour une part, la pression policière constante tout au long du mouvement et la répression, pèsent aujourd'hui sur les esprits alors que la conscience de classe se délite sous la pression patronale et gouvernementale et l'abdication des organisations ouvrières.

Préparer la contre offensive, c'est d'abord et avant tout armer les consciences, faire de la politique.

Ce qui se discute à travers la nouvelle offensive déclenchée par Macron est la question politique centrale, le partage des richesses, la répartition de la plus-value produite par l’exploitation. C'est bien cette lutte autour de l'appropriation du surproduit social qui est l'enjeu de la lutte politique. Et c'est bien pourquoi la lutte syndicale s’intègre dans le combat politique global de la classe ouvrière pour imposer une répartition des richesses qui lui soit moins défavorable, combat qui ne peut être mené de façon conséquente que si on refuse la logique de l'économie de marché, la concurrence et le profit, l'appropriation privée des richesses.

Toutes les initiatives qui expriment une volonté d'affronter le gouvernement et le patronat comme la journée du 19 du Front social sont utiles à condition qu'elles ne soient pas une autoaffirmation d'une minorité combattive mais cherchent à s'adresser à l'ensemble du monde du travail en fonction des rapports de force et des niveaux de conscience.

La préparation de la nécessaire riposte ne peut se faire par des proclamations ou l'incantation mais par un travail au sein de nos organisations syndicales pour bousculer les routines et la passivité, contribuer à regrouper les militantEs combatifs, par un patient et méthodique travail d'implantation, d'organisation, de construction dans la clarté politique autour d'un programme et des perspectives fondées sur l'indépendance de classe.

Une campagne politique pour préparer la riposte

C'est le sens de la présence du NPA et de Lutte ouvrière dans la campagne des élections législatives, faire entendre la voix des travailleurs, contribuer à l'émergence d'une compréhension commune de la politique du gouvernement et du patronat, donner confiance pour engager l'offensive.

Malheureusement, au sein du NPA, l'importance de cette bataille n'a pas été comprise assez largement. Le NPA se présente seulement dans 27 circonscriptions.

Beaucoup trop de camarades n'ont pas vu l'importance de cette bataille politique soit parce qu'ils pensent que les choses se passent hors des élections soit parce qu'ils voudraient croire à « une nouvelle représentation du monde du travail » unitaire. Ainsi, des camarades ont écrit dans un communiqué : « Dans les dernières semaines, nous avons pris contact avec les différentes forces de gauche pour leur indiquer que nous souhaitions une candidature unique pour garantir la défaite de la droite dans le 17e et 18e arrondissement. Après ces rencontres, nous actons l'impossibilité d'une telle unité, ce que nous regrettons. Le comité 17-18 n'a pas vocation à trancher entre les différentes candidatures capables d'infliger une défaite de la droite dans les urnes, mais nous sommes heureux des contacts qui ont été liés ou renoués ces dernières semaines. Nous espérons qu'ils perdureront ».

Notre participation aux élections ne vise pas à vaincre la droite grâce à l'unité de la gauche radicale mais à défendre nos idées et un programme qui arment les travailleurs, les classes populaires, les jeunes pour s'organiser et se défendre. Nous nous présentons pour qu'ils puissent voter pour nous, voter pour ces idées et ce programme, le faire leur, participer par ce geste à la construction d'un rapport de force politique. Oui, il est important qu'il y ait le plus de voix possible sur nos candidats même si nous savons que nos scores seront très modestes. Et ce n'est pas par simple solidarité que nous appelons à voter pour les camarades de LO là où nous ne présentons pas de candidatEs mais bien parce que nous sommes persuadés qu'il est de l'intérêt de l'ensemble du mouvement, des travailleurs, que le plus de voix possible se portent sur les anticapitalistes et révolutionnaires.

Des camarades de Perpignan écrivent à ce propos dans un communiqué public : « Le NPA n’est pas propriétaire des voix qui se sont portées sur notre camarade Philippe Poutou. A celles et ceux qui se reconnaissent dans nos engagements anticapitalistes, nous ne donnons aucune consigne, chacun(e) étant libre de porter son suffrage sur les candidats réellement de gauche (ce qui exclut de fait le PS ou ce qu’il en reste). Ils peuvent également faire le choix de ne pas se déplacer ou de voter blanc, face au triste spectacle offert par la gauche. ». Ce refus d'appeler à voter Lutte ouvrière qui se drape dans l'indignation face à la gauche est quelque peu ridicule au regard du passé de cette dite gauche. Cette politique tourne le dos aux idées défendues lors de la présidentielle par Philippe Poutou et le NPA. Elle abandonne le projet initial du NPA de rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires dans la perspective de la transformation révolutionnaire de la société.

C'est cette perspective qui justifie et légitime le fait que le NPA présente ses propres candidatEs même si nous savons que les divisions du mouvement révolutionnaire représentent pour beaucoup une énigme et un obstacle.

Présenter nos propres candidatEs, c'est porter une politique de rassemblement en réponse à l'autoproclamation de LO. Cela implique de voter... LO là où nous ne sommes pas présents.

« Complémentaires et solidaires » disait Nathalie Arthaud durant la présidentielle en parlant des deux candidatures révolutionnaires. Nous sommes d'accord et notre politique à venir continuera de tracer ce sillon même si pour LO il s'agit bien plus d'une formule de campagne électorale que d'une politique…

Préparer la riposte, s'organiser, construire un parti des travailleurs

Le besoin d'un parti qui représente les travailleurs et soit leur instrument est inscrit dans la situation sociale et politique. Le PS qui s'effondre, c'est celui du congrès d'Epinay de 1971. Le PC qui disparait, c'est celui de l'union de la gauche qui servit de marche pied à Mitterrand, puis Jospin et enfin Mélenchon... Il s'est lui-même sabordé en voulant trouver le chemin pour aller au gouvernement gérer les affaires de la bourgeoisie.

Les travailleurs n'ont pas à chercher à reconstruire d'une façon ou d'une autre ces partis faillis. La page est tournée, il faut faire du neuf, construire un nouveau parti, un parti des travailleurs.

Tout dans la situation sociale et politique internationale et hexagonale ou européenne en affirme le besoin. Les bases sociales et politiques objectives existent pour la construction d'un parti démocratique et révolutionnaire.

La longue période de l’après 68 s'achève sur le plan politique alors qu’à l'échelle internationale le capitalisme globalisé entre dans une phase de violentes contradictions entre la libre concurrence et les luttes de domination et d'influence impérialistes, entre libéralisme et impérialisme.

Les conditions qui existaient déjà après 1995 ont mûries.

Tracer la perspective d'un parti des travailleurs, ce n'est pas s'autoproclamer de façon volontariste communiste révolutionnaire. Nous inscrivons notre combat dans la continuité du socialisme et du communisme, du marxisme, mais ces mots ont été vidés de tout contenu révolutionnaire pour prendre le visage repoussant de dictature, trahison, répression, dogme et religion. Il faut tourner la page, faire du neuf.

La fidélité au passé, aux luttes ouvrières et révolutionnaires, au marxisme, n'est pas de préserver de vieilles formules dépassées par l'histoire. Le drapeau de la révolution que nous voulons brandir est libre du passé des usurpateurs et des imposteurs, il est démocratique. C'est le sens du trostskysme, ce qu'il nous a transmis.

Une nouvelle page est à écrire avec celles et ceux qui, dans la continuité du mouvement du printemps, rompent avec le syndicalisme de collaboration de classe, qui ne se reconnaissent plus dans le populisme de gauche de Mélenchon ou l'impuissance du PC incapable d'avoir sa propre politique. Avec la jeunesse qui ne veut pas subir le futur que lui préparent les classes capitalistes...

Yvan Lemaitre

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