La réforme des retraites, les 64 ans et les 43 annuités, « ça n’est plus négociable », a déclaré Borne en déplacement dans le Calvados ce samedi. Ce serait déjà d’après elle le résultat d’un « compromis » et presque un cadeau que le gouvernement n’ait pas repoussé au-delà de 67 ans l’âge de départ sans décote. Eh bien oui, son arrogance nous donne raison, il n’y a rien à négocier, ce qu’il nous faut gagner, c’est le retrait !

Après l’énorme mobilisation du 19 janvier, elle-même et les ministres Dussopt, Véran ou Attal se sont succédé dans les médias pour tenter de convaincre contre toute vérité que leur réforme serait juste et indispensable, qu’il y aurait même des « gagnants », les plus pauvres des futurs retraités, les femmes en premier lieu. Le dernier épisode à la commission des finances de l’Assemblée où une députée Renaissance, suppléante du ministre Attal, a affiché un mépris et une indifférence inimaginables à l’égard des AESH en affirmant avec assurance qu’elles « choisissent » ce métier pour « avoir les mercredis et les vacances scolaires » en dit long sur la déconnexion des représentants des classes dirigeantes de la société réelle et de la vie de la population. Mensonges, arrogance qui cachent mal la faiblesse réelle du gouvernement, alors que la cote de popularité de Macron est en baisse, avec 65 % de mécontents et que 72 % des personnes interrogées dans les derniers sondages se disent opposé.es à la réforme. Les propagandistes de Macron obtiennent l’effet inverse, convainquent de leur hypocrisie et de leur mépris, de l’injustice de la réforme et que toute leur politique est entièrement vouée à l’augmentation continue des bénéfices des groupes capitalistes du CAC40. Sur 2022 la multinationale du luxe, LVMH, publie des résultats de 14 milliards d’euros, en hausse de plus de 20 % par rapport à 2021 tandis que les résultats nets de TotalEnergies sont attendus à plus de 25 milliards d’euros sur l’année contre 14 milliards l’an dernier. D’autres résultats eux aussi en très nette augmentation devraient être publiés d’ici mars. Des profits obtenus grâce à l’inflation, la baisse des salaires réels, l’intensification de l’exploitation et les cadeaux sans nombre de l’État, financés par les attaques contre les retraites, contre les chômeurs et les services publics.

Point d’orgue de cette offensive, l’annonce de Macron lors de ses vœux aux armées la semaine dernière d’une enveloppe budgétaire accompagnant la loi de programmation militaire 2024-2030 de 413 milliards d’euros, ce qui porte le budget de l’armée à 59 milliards d’euros en moyenne par an, contre 43,9 milliards cette année et 32,7 milliards en 2017. Alors que l’Otan et ses alliés s’engagent chaque jour plus avant dans leur guerre par procuration contre la Russie, à coups de livraisons d’armes offensives dont les chars d’assaut les plus modernes fabriqués en Europe ou aux États-Unis, Macron veut donner les moyens militaires à la bourgeoisie française de tirer son épingle du jeu, en particulier face à l’Allemagne, dans les guerres générées par la concurrence capitaliste mondialisée, la course généralisée à l’accaparement des richesses.

C’est contre cette politique du gouvernement et des classes dirigeantes, contre l’avenir encore pire qu’ils nous préparent que le monde du travail s’est levé le 19 janvier et s’apprête à le faire, plus massivement encore, le 31.

Le parti de la lutte et de la grève se mobilise, s’organise...

Dès le 19 janvier, confortés par le caractère massif des manifestations, les AG, les équipes militantes, les collectifs de lutte se sont organisés pour amplifier le rejet de la réforme, populariser la journée du 31, faire percevoir les possibilités d’obtenir le retrait, discuter de l’arme de la grève. De très nombreuses manifestations ont eu lieu, dont des marches aux flambeaux réussies. Les raffineurs qui étaient en grève jeudi et vendredi ont annoncé 3 jours de grève consécutifs du 6 au 8 février. A la SNCF, la CGT et Sud-Rail annoncent deux jours de grève les 7 et 8 février. Jeudi et vendredi dernier, étaient aussi mobilisés les salariés des ports et ces jours-là, les travailleurs du secteur de l’énergie ont organisé des actions « Robin des Bois », plaçant en gratuité des établissements d’utilité publique, hôpitaux, écoles, crèches, ainsi que des logements sociaux. Un avant-goût de ce que pourrait permettre le contrôle des travailleurs sur leur secteur d’activité et plus largement sur l’ensemble de l’économie.

Ce sont autant d’occasions de mutualiser les raisons de la colère, de la révolte, qui vont bien au-delà de la réforme elle-même, qui sont le rejet de l’injustice sociale, de l’accaparement des richesses par une infime minorité privilégiée et totalement parasitaire. L’occasion de dépasser les divisions et rivalités des appareils syndicaux ou politiques pour nous rassembler et nous unir autour de la défense de nos intérêts collectifs, nous organiser en assemblées générales, comités de mobilisation et de grève.

Une conscience commune se forge de la force que représentent les travailleurs ensemble et le fossé qui sépare la population de ces politiciens réactionnaires et hors-sol qui soutiennent les politiques d’enrichissement des capitalistes. C’est un véritable affrontement de classe.

La politique pour défendre nos intérêts ne se mène pas au Parlement

Le projet de réforme des retraites sera discuté à l’Assemblée nationale à partir de lundi, en commission des Affaires sociales d’abord puis en séance plénière. Près de 7000 amendements ont été déposés sur les 20 articles du projet de loi, dont 86 % par la NUPES et 48 % par LFI. Les autres amendements sont présentés par les députés de LR et aussi par les députés macronistes de Renaissance. Si LFI a déclaré vouloir faire porter la discussion sur l’essentiel de la réforme, les 64 ans et les 43 annuités, les autres députés vont discuter d’aménagements de détail. Dans le meilleur des cas, de toutes les façons, la discussion ne portera que sur l’aggravation programmée des conditions de départ quand la situation actuelle, les 62 ans et les 43 annuités telles qu’elles étaient programmées par la loi Touraine en 2014, est déjà inacceptable.

Le gouvernement aurait besoin d’une quarantaine de voix supplémentaires, au-delà des rangs de son groupe parlementaire pour faire voter sa réforme et il n’est pas du tout sûr de les obtenir, une partie plus importante que prévu des députés LR ayant indiqué qu’ils pourraient bien s’abstenir, voire voter contre. L’impopularité de la réforme est telle que chacun craint pour sa réélection prochaine s’il vote pour.

Le gouvernement a prévu de toute façon de faire passer sa réforme au cas où elle risquerait d’être rejetée par une majorité de députés. En la présentant sous la forme d’un projet de loi de finances de la Sécurité sociale rectificative, il s’est réservé la possibilité, outre l’utilisation éventuelle toujours possible d’un 49.3, d’activer « l’article 47.1 » de la constitution qui limite l’examen du texte au Parlement à 50 jours. Après quoi celui-ci pourrait être adopté par ordonnance.

Une manœuvre qui ne lui permettra pas de se soustraire à la colère du monde du travail et qui pourrait faire « exploser le pays » comme le craint Pradié, un député LR qui, soucieux de se donner une image proche du « peuple » et responsable, menace de voter contre la réforme.

Préparons l’affrontement pour le retrait !

« 14 % des Français envisagent d’aller manifester le 31 janvier de façon certaine », indiquait un sondage de l’IFOP le 25 janvier dernier, un chiffre en hausse de 2 points par rapport aux sondages sur le 19. Le mouvement qui a démarré le 19 a touché des catégories de travailleurs qui n’ont pas l’habitude de se mettre en grève ni de participer à des journées d’action syndicales. Les manifestations du 19 regroupaient beaucoup de salariés du privé mais rarement dans des cortèges identifiés par des banderoles syndicales ou autres. Par contre de très nombreux groupes de salariés faisant partie des mêmes entreprises se sont retrouvés dans les manifestations, de même que les amis, les voisins, autant de rencontres qui confortent le sentiment d’une révolte légitime.

Le 31, la mobilisation sera plus massive encore que le 19, un mouvement déterminé, sûr de son bon droit et qui ne se laissera arrêter ni par des ruses parlementaires ni par les atermoiements syndicaux mais prendra, par les manifestations et la grève, la prise en main de leurs luttes par les travailleurs eux-mêmes, par l’entrée dans la mobilisation de la jeunesse, l’allure d’un soulèvement social et politique généralisé dans tout le pays prêt à affronter le pouvoir pour le faire plier, lui imposer le retrait de la réforme, nouvelle étape d’une contre-offensive du monde du travail.

Galia Trépère

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