La réforme des retraites du gouvernement Macron présentée mardi dernier par sa première ministre Elisabeth Borne constitue une véritable déclaration de guerre contre le monde du travail et la population. La profusion des détails techniques qui l’accompagnent n’en efface pas le fait essentiel, le recul progressif dès septembre de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans d’ici à 2030 et l’accélération -par rapport à ce que prévoyait la loi Touraine de 2014- de l’augmentation du nombre d’années de cotisation nécessaire pour avoir droit à une retraite à taux plein porté à 43 ans d’ici à 2027. Tandis que les jeunes ne trouvent pas de travail ou que des emplois précaires, les plus âgés seraient contraints de se crever au boulot pour au bout du compte quelques années seulement de retraite, et encore pas toujours en bonne santé et avec des pensions misérables. Et ce n’est pas la promesse mensongère de revaloriser les petites retraites pour les porter à 1200 euros qui pourrait faire passer la pilule. Les 1200 euros, c’est en brut et ne pourront y prétendre que les salariés ayant une retraite à taux plein, c’est-à-dire pouvant faire état de 43 années de cotisation.

Ni négociable ni amendable : retrait !

Depuis la première réforme des retraites mise en œuvre par Balladur en 1993 mais préparée par le « Livre blanc sur les retraites » du ministre socialiste de Mitterrand, Michel Rocard dès 1991, c’est toujours le même cynisme qui est mis en œuvre par la propagande gouvernementale et patronale : il s’agirait de sauver le système de répartition menacé par les déficits, et d’œuvrer à la justice et à l’égalité entre tous les salariés, ceux du privé et ceux du public, ceux des régimes spéciaux que la réforme actuelle veut supprimer et ceux du régime général. L’argument du déficit des caisses de retraite, mis en avant par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, depuis 30 ans, n’a même plus une once de crédibilité. Il s’agit seulement de faire « travailler plus » et plus longtemps comme l’a répété à satiété Macron lors de ses vœux le 31 décembre dernier et de diminuer les pensions versées aux retraités.

Cette réforme comme celle de l’assurance-chômage, dite « mesures d’urgence travail » votée fin 2022 qui diminue la durée d’indemnisation de 25 % pour tout nouvel inscrit à Pôle Emploi à partir du 1er février, n’a qu’un objectif, augmenter le transfert de richesses en faveur du capital au détriment du monde du travail et de l’ensemble de la population. Elle s’inscrit dans l’offensive menée par les groupes capitalistes et leurs serviteurs à la tête de l’État pour augmenter les profits d’une infime minorité au détriment des salaires, de la protection sociale, des services publics. Elle n’est ni amendable, ni négociable, elle n’appelle qu’une réponse, le retrait pur et simple !

A l’origine de la régression sociale, le parasitisme du capital

Les médias aux ordres des Bolloré, Bouygues, et autres Lagardère, leurs commentateurs et analystes, leurs politiciens, nous abreuvent de détails techniques et d’explications prétendument savantes pour tenter de nous convaincre qu’il nous faudrait accepter comme une fatalité le chômage, l’inflation, la baisse de nos salaires réels. Ce faisant, ils s’emploient à camoufler le fait essentiel, un transfert massif de richesses des poches de ceux qui les produisent vers les groupes capitalistes.

Tandis qu’une partie toujours plus importante de la population a du mal à joindre les deux bouts et même à survivre, les entreprises du CAC40 ont reversé à leurs actionnaires 80,5 milliards d’euros, sous forme de dividendes et de rachats d’actions en 2022, un montant record jamais atteint depuis que ces statistiques existent. La palme en revient à Total avec 13,3 milliards, puis à la multinationale du luxe LVMH, 7,1 milliards, à Sanofi avec 4,7 milliards d’euros.

La fable du « ruissellement » qui profiterait à toute la population a fait long feu. Les groupes capitalistes réduisent leurs investissements, leurs dépenses en recherche, leurs effectifs comme le font, pour ne prendre que ces deux exemples, Sanofi et Stellantis. Mais tous sont arrosés en permanence de subventions, d’exonérations de cotisations sociales ou d’impôts par le gouvernement qui vide à cet effet les caisses de l’État. Dans un article publié le 9 janvier par Médiapart, la journaliste Martine Orange écrit : « D’après les travaux de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et de la CGT, des chercheurs du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), le total des aides publiques versées aux entreprises s’élevait à 157 milliards d’euros en 2019. Un «pognon de dingue» qui a encore grossi avec la pandémie et la crise. Certains évoquent désormais la somme de 200 milliards d’euros, soit plus du tiers du budget de l’État. »

Retraites, salaires, un même combat !

La bataille sur les retraites, pour le retrait de la réforme, s’engage alors que dans de nombreux secteurs, les travailleurs se battent pour leurs salaires qui ne cessent de baisser au regard de l’augmentation des prix. De 12 à 15 % sur un an pour les produits de l’alimentation qui constitue le plus gros poste de dépenses, après le logement. A quoi il faut ajouter la hausse des prix de l’énergie, 15 % pour le gaz au 1er janvier, la fin de la remise à la pompe de 10 centimes et l’augmentation des tarifs de la plupart des services. L’inflation, la hausse des prix, ne tombe pas du ciel, et encore moins de l’augmentation des salaires qui sont bloqués ou presque depuis des années. Elle résulte de l’augmentation de leurs marges, pour l’augmentation de leurs profits par les groupes capitalistes.

La lutte pour le retrait de la réforme des retraites procède du même combat que la lutte pour l’augmentation des salaires. Au-delà des augmentations de salaire que les travailleurs peuvent arracher, entreprise par entreprise, c’est une lutte globale qui est nécessaire pour inverser le rapport de forces contre les groupes capitalistes et leur Etat et gagner sur les retraites et l’augmentation des salaires et des pensions.

Le 19 janvier, en grève et dans la rue, prenons nos luttes en mains, une politique pour changer le rapport de force

En voulant faire passer en force sa réforme des retraites, le gouvernement veut plier le monde du travail et les syndicats à sa politique, les soumettre. Conscientes de la profondeur du mécontentement et du rejet de la réforme des retraites dont attestent les sondages, les directions syndicales ont pris l’initiative d’un appel commun à une journée de grève le 19 janvier. Une unité syndicale jamais vue qui voit Berger et Martinez la main dans la main, qu’explique pour beaucoup la crainte d’être débordés, laissés sur le côté par la colère ouvrière et populaire qui monte de partout. La grève et les manifestations du 19 seront massives et certains secteurs comme ceux du raffinage, de la RATP, conscients que cela ne peut suffire, appellent à plusieurs journées de mobilisation consécutives.

Beaucoup de travailleur.es, de militant.es en sont conscients, on ne peut s’en remettre aux directions syndicales rompues au dialogue social, à la concertation avec le gouvernement et le patronat, pas plus qu’aux joutes parlementaires qui restent dans le cadre bien huilé des institutions. Ce qui fait notre force, c’est la conscience de nos intérêts communs de travailleur·es qui font tourner toute la société sans en tirer de privilèges.

La bataille est politique, il s’agit de construire un autre rapport de force, contre la droite et Macron mais aussi contre les démagogues d’extrême-droite qui se disent opposés à la politique de Macron pour conquérir la place et servir à leur tour et de manière encore plus brutale les intérêts des classes dominantes.

La bataille dans laquelle nous nous engageons vise à renverser les rapports de force en notre faveur pour mettre un coup d’arrêt à l’offensive réactionnaire du patronat et de ses serviteurs. La force est de notre côté, la force de celles et ceux sur qui tout repose, dont tout dépend. Nous ne pouvons laisser cette bataille entre les mains des directions syndicales.

C’est la conscience de cette solidarité d’intérêts qui peut nous permettre de diriger nous-mêmes nos luttes en travaillant à leur organisation démocratique. D’ores et déjà, de nombreuses équipes militantes, des cadres collectifs d’organisation de la lutte qui se sont formés lors des précédentes mobilisations, unitaires à la base, se réactivent, retissent leurs liens et en créent de nouveaux.

Pour préparer le 19 janvier et ses suites, pour le retrait de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires, des pensions et des minimas sociaux. Une bataille décisive pour stopper la régression sociale et préparer une contre-offensive globale du monde du travail, des femmes et de la jeunesse pour changer le monde.

Galia Trépère

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn