Le spectacle de la coupe du monde de football occupe la une, à grand renfort de commentaires et de cocoricos ridicules, voire franchement détestables quand ils encouragent des activistes d’extrême droite à s’attaquer à des Marocains et à manifester aux cris de « dehors les Arabes » comme ils l’ont fait dans plusieurs villes le soir du match France-Maroc. Le nationalisme et le chauvinisme nourrissent le racisme.

Quant à Macron, il a fait le voyage au Qatar, où les dirigeants politiques sont passés maîtres dans l’art de la corruption, pour tenter de capter la sympathie que peuvent susciter les joueurs de l’équipe de France arrivés en finale. Il le fait à compte personnel et pour servir sa politique au service d’une minorité capitaliste parasite qui pille le travail de la grande majorité de la population.

On le voit sur la question des salaires, des attaques contre les chômeurs, la santé et l’éducation, tous les services publics qui devraient répondre aux besoins de la population du pays.

Dans cette offensive contre le monde du travail, la réforme des retraites, remballée à cause de la pandémie mais suite aux mobilisations, devait être la mère des batailles pour Macron. Il voulait agir vite en annonçant dès le 15 décembre le report de l’âge de départ de 62 à 65 ans, comme la fin des régimes spéciaux : « La réforme qu’on portera doit être celle que j’ai défendue pendant la campagne. Je n’ai pas perdu des voix pour rien » !

Au final, il tergiverse, temporise en espérant que la coupe du monde et les inquiétudes suscitées par la crise énergétique désarmeront les colères. Il vient de reporter l’annonce au 10 janvier, pour tenter de constituer une majorité ou du moins donner quelque crédit à la comédie de « concertation » du gouvernement.

Les manœuvres vont bon train vis-à-vis de Ciotti, nouveau patron de LR qui veut « poser ses conditions » à Macron, même si tous sont d’accord pour s’en prendre aux travailleurs. Depuis des années, la droite au Sénat défend le passage à 64 ans avec l’accélération de la réforme Touraine… Une réforme votée sous Hollande qui prévoit déjà les 43 annuités de cotisation pour une retraite à taux plein.

Quant aux directions des grandes confédérations syndicales, elles dénoncent le report de l’âge de départ tout en continuant de se prêter au jeu des concertations. Une façon pour Berger de se montrer disponible pour discuter du « compte pénibilité » ou d’un dispositif de « carrières longues »… Des broutilles face à l’ampleur du recul social que veut imposer le gouvernement contre l’ensemble des travailleur.es !

Mais ces manœuvres de Macron et de Borne traduisent avant tout la crainte des réactions sociales du monde du travail, de cette colère qui s’exprime à propos des salaires depuis plusieurs mois.

L’union nationale pour imposer la régression sociale

Pour tenter de contenir la contestation, Macron fait le pari de l’union nationale et des inquiétudes liées à la guerre, pour laquelle il appelle à « payer le prix de la liberté » depuis cet été.

La flambée des prix, les pénuries, l’incapacité du marché « libre et non faussé » à fournir de l’électricité ou du chauffage cet hiver, tout n’a qu’une cause externe et ponctuelle, celle de la guerre en Ukraine, même si l’inflation avait démarré avant. Mais cette guerre, comme la militarisation dans laquelle nous entrons, sont le produit même de ce système et de la concurrence effrénée que se livrent les capitalistes pour tirer le maximum de profits. Une même logique anime la guerre contre les peuples et celle contre les travailleur.es.

La campagne de Macron et de Borne sur la « fin de l’abondance » vise à préparer l’opinion et les cerveaux à l’austérité. Dans les entreprises, les patrons déclinent largement ces « plans sobriété » tant sur le chauffage des locaux que sur les salaires qu’ils comptent bien maintenir sous l’inflation.

En jouant leur partition de « partenaires sociaux », les directions syndicales participent de cette politique d’union nationale. Au lieu de dénoncer la politique globale du gouvernement et des capitalistes qu’ils servent, elles se justifient, annoncent qu’elles ont des « propositions » quand Macron ne vise qu’à aller à l’affrontement.

Cela conduit l’intersyndicale à rester l’arme au pied, incapable d’annoncer une date de grève et de manifestation. Elle attendra la déclaration du gouvernement le 10 janvier pour le faire.

Quant à la Nupes, elle affirme son opposition à Macron bien à l’intérieur du cadre de la République et des institutions. Après Jean-Luc Mélenchon qui appelait à voter « pour économiser des kilomètres de manif » lors des présidentielles, Fabien Roussel appelle maintenant à un referendum : « Ça ferait du bien à la démocratie. Mieux vaut ça plutôt qu’un blocage du pays, avec manifs, grèves et compagnies » !

Cette semaine, toutes les composantes de la Nupes posaient pour la photo pour montrer « un front uni » sur les retraites. Une unité bien factice, comme en témoigne l’initiative de la marche de LFI du 21 janvier à laquelle n’appellent ni le PC, ni les Verts, ni le PS. Ce « front », dominé par les calculs d’appareils des uns et des autres, ne peut conduire qu’à enfermer les luttes dans l’impasse parlementaire.

Une politique de régression sociale

Il n’y a rien à attendre ni du dialogue social, ni du théâtre d’ombre des institutions. La seule logique qui guide le gouvernement est la défense des marchés financiers, de ces profits qui cherchent à s’accroître en pillant le travail.

Pour justifier l’offensive sur les retraites, Dussopt met en avant les 12,5 milliards de déficit estimés en… 2027, alors que le régime est excédentaire cette année. Rapportés aux 345 milliards de pensions versées l’an dernier, on est loin de la faillite du système ! Preuve que le seul objectif de la réforme est bien de verser moins de pensions de retraite et de les diminuer. Qu’importe l’explosion du chômage pour les plus jeunes et les plus âgés !

Même cynisme et même brutalité sociale quand il s’agit de s’en prendre aux chômeurs et aux plus précaires. Dussopt prétend qu’il faut diminuer la couverture de l’assurance-chômage car « tout va bien » sur le terrain de l’emploi, sans parler des 19 départements qui vont expérimenter la réforme visant à imposer le travail gratuit aux bénéficiaires du RSA.

Mais le seul objectif du gouvernement est de faire pression sur les salaires, les maintenir au plus bas quitte à précipiter dans l’extrême précarité de plus en plus de monde. 39 associations viennent ainsi de dénoncer une « année noire » pour les mal-logés et les sans-abris. Comme le rapporte l’une d’elle : « le 5 décembre, 5 400 personnes ont appelé le 115 sans obtenir de logement ou d’hébergement d’urgence et, parmi elles, 1 346 enfants »… en pleine vague de froid !

Face à « l’union nationale » de Macron, construire « l’union de classe » par en bas

Retraites, salaires, chômage… le monde du travail est confronté à une même offensive, face à laquelle une forte colère s’exprime depuis des mois pour exiger des augmentations.

A la SNCF, après les contrôleurs, les aiguilleurs font grève pour les salaires et leurs conditions de travail durant ce premier week-end de départ en congés. Chez Air France, les syndicats de stewards et hôtesses ont déposé un préavis de grève jusqu’au 2 janvier par rapport à leur accord collectif. Même chose chez Air Antilles et Corsair, où les salarié.es réclament des augmentations et un retour « à leurs conditions de travail pré-Covid ».

Les grèves continuent d’éclater comme à Covéa, qui réunit les assureurs MAAF, MMA et GMF, un groupe qui s’est offert le réassureur PartnerRe pour 9 milliards d’euros cette année. Pour les salariés, les 4 % d’augmentation pour les plus bas salaires sont loin du compte par rapport à l’inflation !

Même chose pour les salariés des 17 sites de Sanofi qui font grève depuis le 14 novembre à l’échelle de l’ensemble du groupe, une première. Ils réclament des augmentations de salaires et l’embauche des intérimaires, alors que Sanofi a versé 4 milliards d’euros de dividendes en 2021. Malgré les manœuvres de division de la direction, qui a trouvé des syndicats pour signer avec 4 % d’augmentation, beaucoup de grévistes comptent bien continuer, à partir des liens qu’ils ont construit dans la grève.

C’est bien cette unité de classe qu’il s’agit de construire aujourd’hui face aux attaques sur les retraites, les salaires, le chômage. Cela signifie mettre en œuvre une politique pour que les travailleurs prennent en main leurs propres luttes, se regroupent à la base, prennent des initiatives de rencontres, d’Assemblées Générales ouvertes à des salariés d’autres secteurs, pour construire une réelle convergence des luttes et des colères. Une politique pour diriger nos propres luttes et postuler à prendre en main toute la société.

Laurent Delage

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