La modification par décret des conditions d’indemnisation du chômage en fonction de la conjoncture économique a été présentée, lundi dernier, par le ministre du travail Olivier Dussopt. « Simple, utile, lisible » selon le Medef, les patrons applaudissent à une réforme qui s’attaque directement aux indemnités des chômeurs et vise l’ensemble des travailleurs en contribuant à diminuer le coût du travail. Après avoir durci les conditions d’accès et diminué les allocations avec la réforme entrée en application le 1er octobre qui avait conduit à une baisse de 43 % des indemnités pour 40 % des assurés, Macron s’attaque maintenant à la durée d’indemnisation. Le décret prévoit de la moduler en fonction du taux officiel de chômage, loin de la réalité, dans le but fallacieux de « mieux protéger en cas de retournement conjoncturel ».

Étrange perversion ! En effet, à partir du 1er février, lorsque le taux de chômage sera inférieur à 9 %, et qu’il n’aura pas connu de progression supérieure à 0,8 point sur un trimestre, la situation sera considérée comme bonne. La durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi sera réduite de 25 %, en respectant une durée minimale de 6 mois. A l’inverse, si le taux de chômage est supérieur à 9 % ou en progression de 0,8 point sur un trimestre, alors la situation économique est considérée comme dégradée, et les règles actuelles font leur retour.

Contrairement au mensonge officiel, loin de « protéger » la réforme est un recul puisque les chômeurs auront au mieux les mêmes droits qu'aujourd'hui lorsque le chômage sera très élevé mais une protection moindre dans tous les autres cas.

Flatter les préjugés réactionnaires contre les chômeurs ou le mépris de l’ensemble du monde du travail

L’attaque pourrait toucher plus de 300 000 travailleurs, tout particulièrement les chômeurs de plus de 55 ans qui, au lieu de pouvoir prétendre à trois ans d’indemnisation, verront leurs droits limités à deux ans et trois mois. Elle est d’autant plus scandaleuse que se profile la réforme des retraites qui n’a d’autre but que de les maintenir jusqu’à 64 voire 65 ans… au chômage.

Les mensonges et l’hypocrisie du gouvernement sont patents. Il invoque les difficultés de recrutement des entreprises et l’objectif du retour au plein emploi et affirme avec mépris et arrogance que les chômeurs ne cherchent pas de travail sauf sous la contrainte de la baisse des indemnités en réduisant cette durée. Le ministre du travail prétend ainsi obtenir « 100 000 à 150 000 retours à l’emploi » supplémentaires en 2023. Ces chiffres totalement fantaisistes ignorent la cause réelle du chômage, la politique patronale, pour mieux en rendre les victimes coupables et responsables.

Sa préoccupation serait aussi, prétend-il, de répondre aux difficultés de recrutement dans certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration. En réalité, les dites pénuries de main d’œuvre ont des explications bien plus simples, les conditions de travail, les bas salaires, les frais conséquences des déplacements, de la garde d’enfants, des distances liées au logement… Ce qu’il veut éviter surtout c’est que ces « tensions sur le marché du travail » n’entraînent une hausse des salaires.

Les jérémiades impuissantes des directions syndicales engluées dans le dialogue social

Les directions syndicales ont dénoncé une réforme scandaleuse ce qui ne les a pas empêchées de se prêter docilement à la « concertation » organisée par le ministre du Travail. La CFDT qui avait annoncé début septembre qu’elle « ne tomberait pas dans le piège du gouvernement » a, au final, participé aux discussions alors que la CGT qui avait, elle, annoncé le 17 octobre refuser d’y participer pour protester contre les réquisitions des raffineurs a fini par se rendre au ministère du travail. Pour les directions syndicales, il n’est pas question de rompre le jeu de dupes qui légitime leur existence comme interlocuteurs reconnus du patronat et de l’État.

Le gouvernement n’avait pourtant laissé aucune place à la surprise en jouant cartes sur table depuis ses premières annonces. Dans ce cadre, en participant aux « négociations » ouvertes le 17 octobre dernier, les directions syndicales ont accompagné cette offensive qui n’est qu’un premier round de la bataille qui s’annonce.

Et le gouvernement continue de se jouer de directions en fait complices. La réforme s’appliquera du 1er février au 31 décembre 2023 puis sera renégociée dans le cadre de négociations sur le fonctionnement de l’assurance-chômage. En l’annonçant, le ministre du travail a tenu à dire, sans ironie, parlant des dits partenaires sociaux, ils « souhaitent retrouver leurs prérogatives, ce que nous partageons ». Ce qui ne l’a pas empêché de préciser que de toute façon sa réforme ne pourrait être suspendue. Il s’agit pour lui de maintenir un semblant de dialogue social pour faire entériner par les organisations syndicales les choix du patronat ou au moins les y associer.

Une attaque contre tous les travailleurs qui prépare le terrain à l'offensive contre les retraites

Tant l’argumentation que la méthode préparent l’étape suivante pour imposer la réforme des retraites. « Si on veut préserver le système de retraite par répartition, auquel nos concitoyens sont attachés, explique la Première ministre, il faudra progressivement travailler un peu plus longtemps. » En écho, un chœur unanime de politiciens, journalistes et experts se démultiplie pour nous expliquer : « Travaillons plus pour sauver nos pensions »...

Pas plus que pour le chômage aucun argument concret ne vient accréditer cette justification mais qu’importe, la répétition vaut argument. La vérité est bien plus simple et pragmatique. La réforme vise à allonger le temps de travail, à diminuer les pensions comme leur durée de versement. Le nombre de retraités par rapport au nombre de cotisants va mécaniquement baisser, notamment parce que plus on recule l’âge de la retraite et plus nombreux sont ceux qui décèdent avant de pouvoir en bénéficier ; c’est en même temps faire que chaque travailleur bénéficie moins longtemps d’une pension de retraite, et d’autant moins longtemps qu’on a eu un travail plus dur, ruinant la santé.

La politique du gouvernement a reçu la bénédiction du Fonds monétaire international (FMI). Il faut en finir avec le quoi qu’il en coûte et appliquer la sobriété budgétaire, réduire les dépenses sur le dos des travailleurs et des services publics. Ce à quoi Borne s’emploie avec ténacité de 49.3 en 49.3, sans faillir.

Par contre le budget des armées comme celui de la police, 15 milliards sur 5 ans, prévu par la loi de programmation et d’orientation de Darmanin que vient d’adopter l’Assemblée nationale ne connaissent plus de limite. La logique destructrice du capitalisme est à l’œuvre. Sous le fouet de la concurrence mondialisée et de la course au profit, les classes dominantes accentuent les tensions internationales et nationales, les tensions entre les États et les classes. Elles provoquent une régression sociale et politique mondialisée qui se répercute brutalement ici comme dans l’ensemble des pays. Les travailleurs, les classes populaires en sont les premières victimes, victimes de la guerre mais aussi de la guerre sociale que leur livrent les classes dominantes et leurs États. Il faut faire baisser le coût du travail pour faire face à la concurrence, il faut prendre sur les services publics pour subventionner le patronat et l’armée et la police pour maintenir leur ordre social corrompu…

La lutte contre le chômage, pour le partage du travail, contre la baisse des salaires et des pensions, la lutte contre la pauvreté et l’insécurité sociale, contre la vie chère remet directement en cause cette logique du capital pour mettre en œuvre une autre logique de classe, celle de la solidarité, de l’entraide, de la défense des intérêts collectifs contre l’égoïsme de classe d’une minorité de possédants.

Yvan Lemaitre

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