Stations-service à sec, carburants réservés aux services d’urgence, menaces de pénurie, les grèves dans les raffineries TotalEnergies et Exxon Mobil posent avec force la question de l’augmentation des salaires que le patronat voulait étouffer avec l’aide du gouvernement et de sa loi sur le pouvoir d’achat votée fin juillet. Dans de nombreuses entreprises, les salarié.es ont entrepris et organisé lors de la journée interprofessionnelle du 29 septembre, avant et après cette date, des actions, des assemblées générales, des débrayages et des grèves reconductibles sans se laisser enfermer dans le cadre routinier et institutionnel des traditionnelles journées d’action.

A Stellantis, le 28 septembre, près de 5000 salariés de PSA ont fait grève sur plusieurs sites, ce qui n’était pas arrivé depuis 1989. Inquiète d’une série de débrayages dans plusieurs usines, la direction avait appelé à une réunion sur le « pouvoir d’achat », réunion qui accouche d’une prime de 1000 euros. Cette annonce le 27 septembre a provoqué la colère, une prime dérisoire au regard des 8 milliards d’euros de bénéfices réalisés par Stellantis dans les 6 premiers mois de l’année et convainc les travailleurs qu’il faut une augmentation de salaires et non une prime. La CGT historique PSA Poissy, où milite Jean-Pierre Mercier et que la bureaucratie veut exclure, appelle à la grève dès le lendemain. Le matin du 28, sur plusieurs sites, des ouvriers n’ont pas attendu pour lancer les débrayages eux-mêmes, et il y a 5000 grévistes le 28, un événement. La lutte continue.

Dans les raffineries, la grève qui avait démarré chez ExxonMobil le 20 septembre, s’est étendue à TotalEnergies le 27. Les grévistes d’ExxonMobil réclament 7,5 % d’augmentation et 6000 euros de prime Macron, « 2 millions d’euros sur les 409 millions de bénéfices réalisés au premier semestre en France », comme le dit un délégué syndical. TotalEnergies prétendait accorder une augmentation de salaire de… 2,5 % alors que ses résultats nets ajustés sur le premier semestre 2022 culminent à 18 milliards d’euros. En grève depuis le 27 septembre, les salariés réclament 10 % de plus de salaire, 6 raffineries sur 8 sont à l’arrêt.

Le 29, jour de la journée d’action intersyndicale, la grève a été aussi très suivie à EDF, entraînant une baisse de la production d’énergie de près de 9 % et dans de nombreuses entreprises comme à Groupama.

Partout, dans tous les secteurs, mécontentement et inquiétude sont palpables, sur les salaires, sur l’aggravation des conditions de travail, d’exploitation, les fermetures d’entreprises et les licenciements comme dans le groupe Camaïeu dont les 514 magasins en France et leurs 2600 salariés ont été liquidés le 1er octobre. Lassitude, épuisement, colère.

Des millions de gens ont leurs comptes à zéro ou dans le rouge dès le 15 du mois et chacun.e voit bien que l’augmentation des prix des produits alimentaires, des carburants et de l’énergie, l’état catastrophique des services publics comme la Santé, l’Éducation, les transports, n’est pas une parenthèse, contrairement à ce que dit la propagande mensongère du gouvernement. Tout le monde sait et voit la récession en marche, la régression sociale, l’aggravation de la crise écologique et les effets catastrophiques de l’accélération du réchauffement climatique, la guerre et le militarisme… Les effets cumulatifs de la crise de sénilité du capitalisme dont les populations dans le monde entier subissent les ravages.

Dans ce climat, qui leur fait craindre une explosion sociale, les classes dirigeantes se raidissent, menacent, durcissent l’offensive contre les travailleurs tout en ayant une peur panique de leurs réactions et de celles de la population.

Le gouvernement, tout à la poursuite de son offensive, perd pied

Tout en appelant au dialogue social et en invitant les patrons, dont celui de TotalEnergies à faire « preuve de responsabilité » Macron poursuit ses attaques contre les travailleurs. Les règles de l’assurance-chômage ont encore été durcies, avec la modulation à venir des allocations en fonction du taux de chômage et un amendement prévoyant de priver un salarié qui aurait « abandonné son poste » de toute indemnisation. Des mesures destinées à promouvoir « une société du plein emploi et du travail » plutôt que la « société du rester chez soi quand on peut aller travailler » a dit sans vergogne le député macroniste Karl Olive.

Sur les retraites, le gouvernement veut faire travailler les salariés plus longtemps en reculant l’âge légal de départ jusqu’à 65 ans et baisser les pensions. A l’image de toute sa politique, diminuer au maximum la part qui revient aux travailleurs par le biais de la protection sociale -assurance-chômage, Sécu et retraites- et des services publics, pour consacrer toujours plus d’argent public aux subventions de toutes sortes aux groupes capitalistes, baisses de leurs impôts et cotisations, marchés d’État juteux comme les fournitures militaires, lois leur permettant d’exploiter toujours plus durement les travailleurs.

Macron aurait aimé faire passer le recul de l’âge légal de départ en retraite par le biais d’un amendement au projet de budget de la Sécu. Il y a renoncé, les directions syndicales affirmant leur opposition à la méthode… pour toutes accepter au final la concertation prévue par le gouvernement dont l’issue est évidemment sans surprise.

Macron peut les remercier d’autant que lui-même et son gouvernement sont dans une situation de fragilité. Non seulement ils n’ont pas la majorité à l’Assemblée mais deux poids lourds du gouvernement ont affaire avec la justice. Dupond-Moretti devra comparaître devant la Cour de justice de la République, il est accusé d’avoir fait pression sur plusieurs magistrats anti-corruption. Un comble pour un ministre de la Justice, mais il a déjà reçu le soutien de Borne. Alexis Kohler secrétaire général de la Présidence de la République depuis 2017, autant dire le bras droit de Macron, a été mis en examen le 23 septembre dans l’enquête sur ses liens avec l’armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC), propriété de la famille Aponte, dont il est cousin. Lui non plus ne sera pas licencié.

Deux épisodes de plus de la longue histoire des liens entre milieux d’affaires, groupes capitalistes et personnel politique.

Le gouvernement aussi affaibli soit-il n’a pas grand-chose à craindre tant que la contestation est enfermée dans le cadre institutionnel soit du dialogue social avec les « partenaires sociaux » soit du Parlement. Il n’a pas grande difficulté à instrumentaliser la guerre en Ukraine pour afficher une union nationale rassemblant l’ensemble des partis institutionnels. Il a d’ailleurs tenu à ce que le premier débat à l’assemblée nationale le 3 octobre y soit consacré. Aucun des députés présents n’a élevé d’objection contre le récit fait par la première ministre Borne des actions de soutien de l’État français à la guerre que les États-Unis et l’Otan mènent contre la Russie en utilisant le peuple ukrainien victime de l’agression de Poutine, les exactions et les horreurs qu’il a commanditées ou la menace nucléaire qu’il a brandie ces derniers jours. Comme si Biden, Macron, l’Otan et l’UE, n’étaient pas, eux aussi, des fauteurs de guerre.

Travailler ensemble à rendre les grèves contagieuses, pas d’union nationale, indépendance de classe !

La grève des salariés de Total et d’ExxonMobil, la pénurie de carburants qu’elle provoque, montrent quelle force peuvent avoir les travailleurs parce que ce sont eux qui font tourner l’économie. Un « pouvoir de nuisance » ne manqueront pas de dire tous ceux qui passent leur temps à justifier l’enrichissement d’une infime minorité sur le dos de toute la population, les journalistes aux ordres qui trouvent normal que Total ne propose que 2,5 % de hausse des salaires alors qu’il vient de décider le versement de dividendes exceptionnels supplémentaires de 2,9 milliards d’euros à ses actionnaires. Total ne veut pas entendre parler des revendications des grévistes avant les négociations qu’il prévoyait le 15 novembre prochain pour discuter des salaires de 2023.

Pour nous, il y a urgence !

Une bataille décisive est engagée contre l’un des groupes capitalistes les plus riches et les plus puissants du CAC40, TotalEnergies, et sur un problème qui touche l’ensemble des travailleurs, les salaires.

Alors que les directions syndicales restent l’arme au pied, les équipes militantes, toutes celles et ceux qui comprennent les enjeux de cette bataille, peuvent unir leurs forces pour combattre la propagande anti-ouvrière et anti-syndicale, faire de l’agitation sur la nécessaire augmentation des salaires, organiser des réunions dans ce sens sur leurs lieux de travail, sur leur ville ou leur département. Développer une politique de classe offensive.

Sans exclusive ni sectarisme, en favorisant l’unité à la base, et les rapports démocratiques qui la permettent, il s’agit de discuter ensemble des moyens de défendre les travailleurs en grève et de travailler ensemble à rendre ces grèves contagieuses, comme l’ont fait les travailleurs en Grande Bretagne, d’aider à la construction d’un mouvement général pour imposer aux patrons et au gouvernement l’augmentation des salaires et leur indexation sur le coût de la vie pour qu’ils suivent la hausse des prix.

Galia Trépère

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