« La crise du pouvoir d'achat se déchaîne, la confiance s'effrite, les inégalités explosent, notre planète brûle » et, malgré tout, « nous sommes bloqués par un dysfonctionnement mondial colossal » vient de déclarer le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en rajoutant : « Ne nous berçons pas d'illusion. Nous sommes dans une mer agitée. Un hiver de grogne mondiale se profile à l'horizon ».

Une déclaration qui traduit l’inquiétude des classes dominantes devant leur propre impuissance face à la faillite de leur système. Guerre, inflation, crise climatique et environnementale… Le capitalisme est à bout de souffle, hors contrôle.

La fuite en avant des banques centrales, sauver les profits quoi qu’il en coûte...

Un tournant majeur est en route. Après des années d’injection de capitaux pour tenter sans succès de faire repartir la machine économique, l’ensemble des banques centrales s’aligne sur la politique d’augmentation des taux d’intérêts des Etats-Unis. Elles prétendent ainsi lutter contre l’inflation, cette hausse mondiale des prix qui vise à alimenter les profits. En réalité, leur politique s’inscrit encore et toujours dans la sauvegarde de ces profits, tenter d’éviter la faillite du système au risque de l’accélérer.

Qu’importe le chômage et la récession, Powell, patron de la Fed, annonce la couleur : « Il faut mettre l’inflation derrière nous. J’aimerais connaître une manière indolore de le faire, mais il n’y en a pas ».

Les banques centrales ont ainsi opéré 150 hausses de taux depuis le début de l’année. Une politique qui mène droit à une récession généralisée d’après la Banque Mondiale et qui agit directement sur la dette des Etats. Mardi 20 septembre, le taux des obligations françaises à dix ans a atteint 2,5 %, contre 0,1 % en début d’année… Une première depuis 2013 !

Les bourses ont terminé la semaine sur une baisse généralisée. Les actionnaires anticipent la diminution des profits et accélèrent à leur tour la marche vers la récession. Une situation aggravée par le risque de krach immobilier aux Etats-Unis, où les emprunts à trente ans viennent d’atteindre 6,3 % après des années de marché dopé par l’argent pas cher.

Si les banques centrales opèrent un si brutal revirement, c’est avant tout parce que la masse des capitaux avides de profits explose, alors que les capitalistes ont de plus en plus de difficulté à réaliser la plus-value, à exploiter le travail vivant. L’accumulation sans fin de profits a atteint ses limites, au niveau des ressources naturelles comme des territoires à exploiter, ce qui conduit à une surexploitation du travail humain et de la nature, un capitalisme de prédation.

Cette politique de restriction monétaire ne réglera pas cette contradiction de fond du capitalisme, pas plus qu’elle ne fera baisser l’inflation et repartir la machine contrairement à ce qu’annoncent les banquiers centraux. Mais elle signifie une offensive d’ampleur contre l’ensemble des couches populaires et une régression sociale généralisée.

Salaires, retraites, chômage, l’offensive tout azimut du gouvernement

En France, les salaires réels ont reculé de 3 % sur un an pendant que le CAC 40 engrange + 24 % de bénéfices ! C’est dire le transfert de richesses qui s’opère avec l’inflation, que patronat et gouvernement veulent maintenir à tout prix.

C’est l’objectif de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage de Dussopt, qui cherche à diminuer encore les allocations des chômeurs pour maintenir la pression sur les salaires, en particulier dans les secteurs qui usent et abusent des contrats précaires. C’est la politique du « plein emploi » de Macron, visant à multiplier les petits boulots payés une misère !

Mais la régression sociale ne s’arrête pas là. Macron est reparti à l’offensive sur les retraites, menaçant de faire passer ses mauvais coups dès le projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté fin septembre, quitte à susciter quelques inquiétudes dans son propre camp.

Mais qu’importe la forme, Macron et Borne veulent aller vite pour imposer de travailler davantage, tout en baissant les pensions de tous les travailleur.es condamné.es à des décotes.

L’avenir du système de retraite n’est même pas menacé, puisque le régime est excédentaire en 2021 et 2022. L’enjeu est de faire payer le monde du travail, les retraité.es, les couches populaires, face à la dette de l’Etat qui explose et à la récession qui vient.

Le Maire le dit clairement : « Pour financer notre modèle social, soit les impôts augmentent, soit le volume global d’heures travaillées augmente. Nous ne voulons pas augmenter les impôts »… Le contraire même, puisque les impôts des riches ne cessent de diminuer, à commencer par le cadeau de 8 milliards sur les impôts de production ! Cette politique ne conduit qu’à exploiter davantage les travailleurs en faisant exploser les inégalités.

Une offensive réactionnaire pour défendre un système en décomposition

Partout, l’offensive économique et sociale des classes dominantes s’accompagne d’une offensive idéologique réactionnaire contre les acquis démocratiques qui leur ont été imposés. En Suède, le parti d’extrême-droite des Démocrates de Suède est arrivé en tête des élections législatives, dans une coalition avec les conservateurs. Toute la campagne a été dominée par « l’immigration » et « l’insécurité », jusqu’à la social-démocratie qui a durci fortement les lois contre les migrants ces dernières années.

En Italie, le parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia est donné grand favori des élections de ce dimanche. A la tête d’une coalition de droite extrême et d’extrême-droite avec Berlusconi et Salvini, Meloni a réussi sa « dédiabolisation », renforcée par les gestes politiques de Draghi lui-même. En toute continuité au sein des institutions, elle se prépare à mener une politique ultra-réactionnaire que les milieux d’affaires italiens voient d’un bon œil contre les travailleurs.

Même chose en France, où la montée de l’extrême-droite, de Le Pen à Zemmour, est le produit de cette même politique des classes dominantes, qui jouent des peurs pour affronter la colère sociale. Avec ses 89 députés, le RN postule au pouvoir en montrant son utilité pour dresser les travailleurs les uns contre les autres, les affaiblir et les mettre au pas... Une menace qui pourrit la vie sociale et politique, que seules les mobilisations des travailleur.es, des femmes, des classes populaires, de la jeunesse peuvent enrayer en défendant leurs droits sociaux et politiques pour remettre en cause ce système en déroute.

Il n’y a pas de riposte possible en restant prisonniers des institutions

Les capitalistes comme les États n’ont plus de marge de manœuvre, pris entre l’inflation et la dette. Incapables de rompre avec l’ordre établi, les appareils syndicaux ou de la gauche gouvernementale sont totalement impuissants, quand leur politique ne conduit pas à paralyser la colère qui s’exprime dans le monde du travail.

Ainsi, lorsque Dussopt a invité cette semaine les « partenaires sociaux » à discuter du « partage de la valeur » dans les entreprises pour remettre sur le tapis la participation et l’intéressement, les directions syndicales qui appellent au 29 septembre ne l’ont même pas renvoyé immédiatement dans les cordes en exigeant du salaire !

Quant à la Nupes, elle se retrouve derrière Faure et son referendum d’initiative partagée pour taxer les superprofits. L’affaire n’est pas gagnée puisque le texte déposé mercredi doit être validé par le Conseil Constitutionnel puis recueillir 5 millions de signatures pour en arriver à un référendum bien encadré par l’Etat. Les capitalistes ne sont pas inquiets, ils savent mieux que quiconque que ces institutions sont là pour protéger leur droit de propriété !

Quant aux positionnements sur l’appel au 16 octobre et à la marche « contre la vie chère et l’inaction climatique », ils relèvent bien plus des calculs d’appareil que de l’intérêt des travailleurs. Pour justifier la non-participation de la CGT, Martinez a déclaré qu’il fallait des « mots d’ordres plus offensifs »… L’intitulé de cette journée est en effet bien creux, mais les appels à la grève du 29 qui ne mentionnent même pas l’échelle mobile des salaires ne sont pas bien « offensifs » non plus !

En réalité, la timidité des directions syndicales sur les salaires, comme la volonté de déporter la colère sur le terrain du parlement de la part de la Nupes, sont la conséquence de leur incapacité à rompre avec l’ordre établi pour affronter le grand patronat et l’Etat.

S’organiser à la base, nous armer d’une perspective, d’un programme

Depuis la semaine dernière, des débrayages ont éclaté à Stellantis Hordain, Douvrin et Valenciennes, suivis par les salariés de Sochaux mardi, pour exiger 400 € nets d’augmentation. Les salarié.es de Carrefour se sont aussi mis en grève dans les entrepôts et les magasins, face à l’augmentation de 2 % annoncée par la direction après un bénéfice record de + 40 % en 2021. La colère s’exprime dans le monde du travail.

Dans ce contexte, la journée de grève du 29 septembre prend une importance particulière, même si elle apparait à beaucoup comme une journée sans lendemain ni utilité. Nous avons tout intérêt à nous en saisir pour discuter partout de l’offensive en cours du patronat et de l’Etat, nous organiser à la base, défendre une perspective de renversement du capitalisme, manifester notre colère et notre volonté d’agir.

De même pour la journée du 16 octobre, où la vraie question est de savoir quelle perspective défendre. On ne peut se cantonner à la revendication de mesures « contre la vie chère », à une taxe contre les superprofits qui resterait aux mains de l’Etat et de ses institutions. Mais on ne peut en rester non plus à la revendication d’une « autre répartition des richesses » sans poser le problème de qui dirige, sans contester le pouvoir des capitalistes de décider des prix et des salaires, sans poser la question de l’affrontement avec l’Etat.

A leur façon, la bourgeoisie et ses journalistes prennent la mesure des bouleversements en cours, comme l’exprime Les Echos cette semaine : « Guerre contre Poutine, guerre contre l’inflation, et enfin guerre contre le réchauffement climatique : nous sommes sur tous les fronts. C’est le moment d’inverser la perspective. Les guerres débouchent toujours sur des mondes nouveaux, celles que nous vivons s’inscrivent dans cette histoire longue »… Ils rêvent de l’impossible, ce système capitaliste n’est pas réformable, il est à bout de souffle.

Il nous faut « inverser la perspective » du point de vue de notre camp social et de l’humanité, en finir avec ce système, ses institutions, pour formuler un programme, une politique pour l’intervention directe des travailleur.es.

Face à la déroute en cours, il est urgent d’imposer l’échelle mobile des salaires, des pensions et des allocations, comme l’échelle mobile du temps de travail sous le contrôle des salarié.es face au chômage. Cela ne pourra se faire sans abolir la dette, ni sans imposer un monopole public bancaire pour en finir avec le parasitisme de la finance, sans la lutte pour conquérir la démocratie, le droit de diriger la marche de la société.

La crainte de Guterres d’un « hiver de grogne mondiale » est fondée. La lutte de classe se développe à l’échelle internationale, une lutte démocratique et révolutionnaire pour en finir avec la domination d’une classe minoritaire et parasite. Partout, les exploités et les opprimés relèvent la tête. La révolte des femmes qui embrase l’Iran et conteste le régime théocratique des Mollahs, sa police des mœurs, sa dictature contre les travailleur.es, les classes populaires et la jeunesse, malgré une terrible répression en est une nouvelle démonstration. Comme la révolte de celles et ceux qui, en Russie, défient Poutine et sa folie guerrière. L’avenir appartient à la lutte internationale des classes exploitées et dominées.

Laurent Delage

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