« Nous sommes en guerre, c’est un état de fait », voilà comment Macron a appelé à « être au rendez-vous de la sobriété » lundi devant la presse. Face à l’inflation et à l’annonce de l’arrêt des livraisons de gaz russe, il reprend la posture de la crise sanitaire, décrétant la « mobilisation générale » pour baisser la consommation électrique de 10 %.

Une façon de préparer l’opinion aux augmentations de l’énergie, au rationnement et aux coupures, dont il compte bien préserver les entreprises et les profits. Une situation qui risque fort de s’aggraver pour la plus grande partie de la population, qui pratique déjà largement la « sobriété » sur le chauffage pour tenter de limiter la flambée des factures. Des hausses amplifiées par la spéculation qui mise sur les risques de pénurie. Sur le marché à terme, le prix de l’électricité en France vient de franchir un record : 1000 € le mégawattheure… contre 85 € un an plus tôt !

Macron prépare une offensive contre les travailleurs et les classes populaires, posant au chef de guerre qui annonce « la fin de l’abondance » et appelle à payer « le prix de la liberté ». Une guerre pour continuer d’alimenter « quoi qu’il en coûte » la machine à profits parasitaire et destructrice.

Le « plan sobriété », l’austérité contre les classes populaires

Parmi les annonces, Macron compte mettre fin au « bouclier tarifaire » sur l’énergie en déclarant : « on ne pourra pas, pendant des mois et des mois, voir des mécanismes aussi larges qui financent aussi massivement la consommation d’énergies fossiles ».

Même si ce « bouclier » n’a pas empêché la hausse de 28 % sur un an de la facture énergie des ménages, sa suppression signifie une dégradation plus brutale encore. D’après l’Insee, l’augmentation aurait atteint 54 % sans ces mesures.

Des conséquences d’autant plus graves que le gouvernement et le patronat ont tout fait pour ne pas augmenter les salaires au niveau de l’inflation. Le salaire réel a reculé de façon importante : - 3 % sur un an en moyenne dans le privé et - 2,6 % dans la fonction publique alors que le gouvernement se gargarise de l’augmentation de 3,5 % du point d’indice !

Ce « plan sobriété », c’est cette politique d’austérité contre l’ensemble du monde du travail, frappé par l’inflation qui a atteint 5,8 % au mois d’août, avec une estimation à 6,6 % pour la fin de l’année. Ces augmentations touchent non seulement l’énergie, mais tous les produits de grande consommation qui ont augmenté de 8 % sur un an dans les grandes surfaces.

L’offensive se trouve aggravée par la nouvelle hausse des taux d’intérêts de 0,75 % annoncée jeudi par la BCE, une première depuis 1999 ! Une mesure pour soi-disant limiter l’inflation à 2 % qui ne peut que précipiter la récession, pendant que les banquiers et la finance vont pouvoir profiter de l’envolée de la dette publique et des intérêts.

Mais pour la population, cela signifie des crédits à la consommation encore plus chers et des coupes claires dans les services publics, les hôpitaux, l’éducation, alors que déjà les écoles s’inquiètent de l’explosion des factures de chauffage. Cela signifie une politique de reculs sociaux sur les retraites, la protection sociale, les droits des chômeurs.

Quant aux profits des multinationales, elles n’ont pas de quoi s’inquiéter. Après la cacophonie des déclarations de Borne et de Lemaire sur les « superprofits », Macron a tranché pour une vague « contribution » au niveau européen permettant de financer « des mesures nationales ciblées »… de la poudre aux yeux, pour une politique d’austérité qui ne cherche qu’à alimenter les profits du CAC40 !

Macron à la recherche de « l’union nationale » derrière… lui

Mais le nouveau chef de guerre peine à rassembler, tant les ficelles sont grosses et le numéro usé. Pendant les législatives, Macron avait appelé à la création du CNR, le Conseil National de Refondation, une énième mouture de « concertation » bidon après le grand débat ou la convention citoyenne sur le climat.

Jeudi, la première réunion a été largement boycottée par les partis d’opposition et la plupart des syndicats, hormis la CFDT, la CFTC et l’UNSA. De quoi agacer Macron contre « ceux qui ne sont pas là ont tort (…) et il ne faut pas expliquer après qu’on n’a pas été consulté, ou que c’est trop vertical ». Quant à son annonce de grande « consultation nationale très large » en ligne et sur le terrain, elle est passée totalement inaperçue dans le déferlement médiatique sur la reine d’Angleterre… Il n’y a eu guère que Berger pour déclarer à la sortie « mine de rien, ça a avancé » !

A vouloir de trop jouer les Bonaparte au-dessus de la mêlée, Macron se ridiculise et s’isole, le pouvoir s’affaiblit. Pour le monde du travail, c’est le moment de prendre l’offensive contre la vie chère et pour les salaires.

L’impasse des institutions et du « dialogue social »

Prendre l’offensive signifie rompre avec toutes ces machines à illusions, celles des concertations et des manœuvres de Macron, comme celles des institutions ou du « dialogue social ».

Depuis cet été, Mélenchon appelle à une marche contre la vie chère un samedi au mois d’octobre. Une marche face à la flambée des prix et au recul des salaires, oui, mais pour quel objectif ?

Pour Mélenchon, l’enjeu est de précipiter une dissolution de l’Assemblée Nationale. Cette « grande marche » s’inscrit dans la perspective du « front populaire », de nouvelles élections pour permettre à la Nupes d’arriver au pouvoir.

Une perspective qui mène droit à l’impasse. Les travailleurs ont payé cher ces illusions dans la gauche au pouvoir, qui a participé pleinement à l’offensive libérale au service des classes dominantes, de Mitterrand à Hollande en passant par Jospin.

Les débats à la fête de l’Huma ce week-end ont illustré ces contradictions qui traversent la gauche entre le discours qui se veut radical de Mélenchon et les autres courants, chacun soucieux de jouer sa partition. Grand rendez-vous populaire et militant, elle était cette année mise au service de la Nupes et des calculs de chacune des composantes de cette gauche moulée dans le parlementarisme, les institutions et les préjugés sociaux qui vont avec. Le dirigeant du PCF, Fabien Roussel, a cherché à prendre la vedette en déclarant au moment où le gouvernement veut sortir une nouvelle loi contre les chômeurs : « la gauche doit défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations, minimas sociaux et revenus de substitution »… On est loin de la lutte de classe, de la solidarité de l’ensemble des travailleurs, avec ou sans emploi, précaires ou embauchés, face à l’ensemble de la classe capitaliste !

Les directions syndicales sont sur le même terrain dans leur rôle de « partenaires sociaux », tout en défendant leur pré carré face à Mélenchon qui veut prendre l’initiative sur le mouvement social. Mais si les directions syndicales mettent en avant « l’indépendance » vis-à-vis de la politique, c’est pour défendre avant tout leurs positions d’appareil et pas une politique d’indépendance de classe pour les travailleurs.

Les journées du 22 dans la santé et la grève interprofessionnelle du 29 septembre sur les salaires se préparent sans plan de bataille, sans une politique pour construire l’affrontement face à Macron et au patronat, avec les mêmes routines d’appareil. Pourtant, suite aux grèves de juillet sur les salaires, beaucoup de travailleurs, de militants, sont à la recherche d’une telle politique pour construire une véritable lutte d’ensemble.

Face à l’offensive, une politique d’indépendance de classe

Macron en difficulté, les travailleurs ont tout intérêt à prendre l’initiative. Mais cela signifie prendre en main nos propres luttes, en commençant par utiliser ces journées de grève pour discuter, s’organiser, se regrouper, faire converger les mécontentements, comme le font les travailleurs en Angleterre malgré les directions syndicales qui ont cru bon d’appeler à suspendre les grèves en hommage à la famille royale !

Macron et le patronat sont en guerre pour les profits, cherchant à généraliser l’austérité contre l’ensemble du monde du travail. Se battre pour les salaires, c’est contester le pouvoir même de la bourgeoisie. Les surprofits du CAC40 ne sont pas mystérieux. Les capitalistes utilisent l’inflation pour prendre dans la poche des travailleurs en baissant les salaires réels tout en augmentant leurs prix et leurs marges. Ce ne sont ni une « contribution », ni même une « taxe » qui changeront un tant soit peu les choses, mais bien de s’attaquer au pouvoir des capitalistes de décider des prix et des salaires en fonction de leurs seuls profits.

Cela signifie préparer un affrontement face au patronat et au gouvernement pour imposer une augmentation générale et l’échelle mobile des salaires, des pensions et des allocations. Face à l’explosion des prix de l’énergie, au rationnement et aux coupures d’électricité, on ne peut laisser les mains libres au patronat et au gouvernement. Il est urgent de mettre en place le contrôle par les travailleurs eux-mêmes et la population de l’énergie, des prix comme de la distribution, en commençant par en finir avec la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz.

Préparer les journées de grève du 22 et du 29 septembre, c’est discuter largement d’un programme, d’une perspective commune, en toute indépendance des marchands d’illusions. Une politique pour l’intervention démocratique et directe des travailleurs face à la fuite en avant brutale et destructrice du capitalisme.

Laurent Delage

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