La situation sociale et politique nationale et internationale est déterminée, quant au fond, par l’évolution du capitalisme financiarisé mondialisé qui entraîne l’ensemble de la planète dans une crise globale financière, économique, sociale, écologique sans autre réponse de la part des classes dominantes et des États qui les servent qu’une fuite en avant spéculative et guerrière, qui broie les populations et détruit la nature. Elle s’accompagne d’une offensive réactionnaire nationaliste, belliciste, d’une remise en cause des droits démocratiques et des droits des femmes en particulier au sein de la première puissance mondiale.

Il est aujourd’hui évident que la seule responsabilité criminelle de Poutine ne suffit pas à expliquer la guerre en Ukraine et son développement tragique. La politique de Biden et des USA se battant pour perpétuer leur hégémonie mondiale est un facteur déterminant dans son déclenchement, sa poursuite et aussi dans la montée du militarisme qui en est le corollaire à l’échelle internationale. Les populations d’Ukraine sont sacrifiées aux rivalités entre grandes puissances, à la concurrence globalisée et militarisée qui régit les relations internationales dans le monde capitaliste.

En toile de fond de la guerre, il y a la lutte des USA contre la Chine qui était à l’ordre du jour du G7 ainsi que du sommet de l’Otan dans le contexte des rivalités multipolaires économiques et géostratégiques dont atteste la tenue, au même moment, du sommet virtuel des 5 pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui représentent la moitié de la population et un quart du commerce dans le monde, et auquel étaient invitées 12 nations dont l’Indonésie, l'Égypte, le Kazakhstan, le Sénégal, la Thaïlande, l'Argentine, le Pakistan, le Nigeria, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis ou l'Algérie.

La pandémie de covid nous a été présentée pendant des mois comme la cause de tous les maux. Depuis son déclenchement, c’est au tour de la guerre en Ukraine d’endosser ce rôle. Mais elles sont elles-mêmes une des multiples conséquences de la marche incontrôlable d’un mode de production destructeur et prédateur mu par la seule logique du profit immédiat qu’elles contribuent l’une et l’autre à aggraver de façon dramatique.

La crise globale du capitalisme prend la forme de ce que les économistes appellent stagflation, une hausse incontrôlable des prix dans une économie en panne de croissance, voire en récession. La cause première en est que, dans sa fuite en avant folle et destructrice, le capitalisme a atteint les limites au-delà desquelles il devient incapable de tirer de l’exploitation humaine et des richesses de la nature suffisamment de profit pour satisfaire aux exigences de la concentration d’un capital en permanente expansion. La concurrence s’exacerbe, se transformant en conflits de plus en plus ouverts, jusqu’à la guerre, contribuant à perturber encore plus le système économique comme les équilibres naturels. Sur les marchés financiers, en particulier des matières premières minières et agricoles et de l’énergie, les capitalistes spéculent pour tirer profit de ces perturbations et s’enrichir de façon exponentielle. En plus de précipiter des millions de personnes dans la misère, la famine, la flambée des prix qui en résulte et qui s’étend progressivement à l’ensemble des biens et services contribue à créer les conditions de la récession.

Les contradictions entre la propriété privée capitaliste et la socialisation croissante de la production sont exacerbées à l’échelle d’une économie financiarisée et mondialisée en proie à de multiples convulsions géopolitiques sous les coups de l’exacerbation de la concurrence.

Une gifle pour Macron et la crise des institutions qui mûrit

Ce contexte international souligne le contenu dérisoire de la politique spectacle qu’a donné à voir la longue séquence électorale qui s’achève, cette machine électorale qui sélectionne celles et ceux qui vont continuer à faire vivre le théâtre d’ombres du parlement, des institutions, masque du véritable pouvoir du capital. Macron et son parti ont pris une gifle. Ils n’ont qu’une majorité relative et devront cohabiter avec une opposition où l’extrême droite, le RN, occupe une solide et menaçante position alors que la bulle Zemmour, produit du marketing médiatique, s’est dégonflée. Si Mélenchon a perdu son coup de bluff, il ne sera pas Premier ministre, la Nupes a obtenu 142 députés en recollant les morceaux d’une gauche faillie et brisée sans pour autant réaliser un score de beaucoup supérieur à celui de la gauche en 2017. Quant à LR, avec 61 députés, il espère tirer son épingle du jeu des difficultés de Macron pour monnayer son soutien… Tentant encore de se placer au-dessus de la mêlée, Macron poursuit la chimère d’un « gouvernement d’unité nationale » qu’il a chargé Élisabeth Borne de constituer, « un gouvernement d’action » qui pourrait aller « des communistes au LR », à l’exclusion de LFI et du RN qui ne seraient pas « des partis de gouvernement ». Une chimère ou plutôt une manœuvre politicienne pour tenter de garder le contrôle d’une situation qui lui échappe et tester l’opposition qui, toute, a tenu à manifester son sens des responsabilités.

L’abstention est en réalité, avec près de 54 %, le fait dominant de ce deuxième tour qui, annoncé à longueur de débat comme décisif, historique, a laissé indifférent voire a suscité un rejet lucide, celui d’une démocratie soumise entièrement aux intérêts et au diktat de la finance qui non seulement contrôle et dirige l’économie mais, par la dette publique, tient l’État dans sa main sans parler de l’impuissance de ce monde politique narcissique aveuglé par lui-même.

La fonction réelle du parlementarisme est de permettre à la bourgeoise de gérer ses affaires dans une relative stabilité politique, un consensus national qu’aucun parti parlementaire ne remet en cause ni ne conteste. Le problème pour la bourgeoise est que la machine est grippée. La confrontation entre les discours politiciens et la réalité des politiques menées par les partis au gouvernement ou leur politique au parlement les discrédite de plus en plus.

La majorité de la population échappe à tout contrôle des appareils et chapelles idéologiques, les cerveaux se libèrent, la parole aussi. Le voile se lève sur la fonction réelle de l’État, de sa police, servir la bourgeoise, les classes privilégiées et maintenir un ordre injuste et inégalitaire, destructeur et prédateur. La fonction de l’État et celle aussi des politiciens parlementaires… Une profonde crise politique mûrit.

Le RN postule pour la suite comme parti de l’ordre capitaliste

Avec 89 députés, le RN est le véritable vainqueur de ces élections puisqu’il ne comptait que huit députés sous la précédente législature. Il était présent au second tour dans plus de deux cents circonscriptions, deux fois plus qu’il y a cinq ans. Scrutin après scrutin, il poursuit sa progression et confirme que dans la recomposition qui se poursuit à l’échelle nationale, il est bien une réelle menace pour l’avenir dans le contexte de guerre et de crise politique et sociale. Si Zemmour et Reconquête ont pris une claque sévère -tous leurs candidats étaient éliminés dès le premier tour-, l’écho qu’ils ont rencontré dans l’électorat de droite indique la direction que va prendre le RN « dédiabolisé ».

La « crise de la démocratie » donne à l'extrême droite sa fonction et sa raison d'être. Marine Le Pen se porte candidate à un pouvoir fort qui ferait d’une partie de la population ses supplétifs idéologiques et policiers pour propager les préjugés racistes et les mettre en œuvre dans la vie quotidienne, y compris par la violence physique, tournée aussi contre les travailleur.ses, les exploité.es, les militant.es syndicalistes et politiques du mouvement ouvrier. Il est probable qu’une partie du patronat voit dans l’extrême-droite une force qui pourrait lui être utile en préparation des tensions sociales et politiques à venir. Marine Le Pen a réussi à vaincre l’ostracisme dont elle était l’objet y compris de la part de la vieille droite issue du gaullisme que le RN se permet cependant de provoquer dès le jour de l’installation de la nouvelle Assemblée en affichant sa solidarité avec l’OAS tout en insultant la lutte du peuple algérien et ses soutiens. Une provocation à l’image de sa politique à venir. Et elle peut faire confiance à Macron pour poursuivre une politique qui nourrira le mécontentement tout en préparant le terrain idéologique de la progression des préjugés de l’extrême droite.

Un populisme de gauche qui se camoufle en union de la gauche

Le relatif succès de la Nupes n’est en rien une réponse aux attaques sociales annoncées ni à la menace de l’extrême droite. La réponse ne peut être mise en œuvre que par une mobilisation radicale qui conteste le système dans son ensemble. Mélenchon a su comprendre et saisir l’occasion pour développer une stratégie parlementaire de conquête du pouvoir y compris après son échec à la présidentielle. Il a su inscrire LFI dans une bataille électorale inédite alors que le mouvement révolutionnaire était, lui, incapable de comprendre et de saisir les possibilités nouvelles pour fonder sa propre stratégie.

Sa campagne a eu la force de poser la question du pouvoir, qui dirige au service de quels intérêts sociaux, bataille politique, prisonnière du cadre institutionnel, mais qui posait la bonne question tout en y apportant une réponse sans issue. Elle a cependant permis à Mélenchon de capter un électorat radical, ouvrier, populaire, jeune alors que le mouvement révolutionnaire était, lui, incapable de poser et de formuler une réponse à cette question centrale du pouvoir.

Cela lui a valu une large sympathie tout autant qu’une hostilité du bloc réactionnaire, dénonçant « la gauche néo-trotskiste… », « une gauche islamo-gauchiste » « une extrême gauche anarchiste » ! Le propos ridicule relève de la propagande la plus grossière, mais il est aussi l’expression déformée, caricaturale, de la question qui est au cœur de tout le débat politique, au cœur des luttes aussi, qui dirige, pourquoi, la question aussi de l’impérieuse nécessité de changer radicalement la façon de produire et d’échanger, de mettre fin à la domination capitaliste.

C’est là aussi le talon d’Achille de la Nupes, la contradiction entre les proclamations et la politique parlementaire qui, comme l’indiquait le programme partagé, visera à : « Assumer la place dans le monde d’une France indépendante », « Construire une défense indépendante, républicaine et populaire »… Loin de constituer une rupture avec la domination capitaliste, ce programme s’avère être une impasse politique, un leurre destiné à tenter de détourner sur un terrain électoral, de surcroît nationaliste, celles et ceux pour qui « changer le monde » est une urgence. Son échec annoncé ouvrira vite la porte à de nouveaux besoins, la nécessité de réponses politiques nouvelles, d’un programme et d’une stratégie révolutionnaire.

Développer une politique d’indépendance de classe, un plan pour les mobilisations

Les militants du mouvement ouvrier ont pour tâche d’affranchir la classe des salarié.es, des exploité.es, des préjugés électoralistes et parlementaires qui les soumettent à l’ordre bourgeois, pour les aider à comprendre le rôle de l’État et des institutions, pour prendre confiance en elles. Ils ont besoin d’un programme pour les luttes de classe qui réponde à la déroute capitaliste en cours et soit avant tout une politique qui lie les mobilisations, la lutte pour se protéger et se défendre contre les conséquences de la faillite du système, les évolutions de conscience, à la lutte pour le pouvoir.

Contribuer à l’évolution des consciences consiste à affirmer la nécessité que les travailleur.es, les classes populaires, prennent collectivement, démocratiquement, le contrôle du fonctionnement de la société, en le retirant des mains des capitalistes et des politiciens qui la conduisent à la ruine. Mettre fin aux rapports d’exploitation, c’est aussi mettre fin à l’instrument politique de domination de la bourgeoisie, son État et ses institutions, en le remplaçant par l’instrument de la domination des classes exploitées, un pouvoir ouvrier, un gouvernement des travailleurs pour prendre le contrôle de l’économie, de l’appareil de production et d’échange, en priorité des multinationales qui le structurent à travers leurs filiales et sous-traitants, en expropriant leurs actionnaires. Au contraire des souverainistes qui prétendent vouloir « relocaliser » les productions, les travailleurs se situent dans une perspective de coopération internationale pour réorganiser les chaînes de production et d’échange en fonction des intérêts généraux. Dans une même perspective internationaliste, les liens qui existent au sein de l’Union européenne sont la base objective de la construction d’une Europe des travailleurs et des peuples, étape vers la construction d’un ordre nouveau fondé sur la coopération et la solidarité.

Face à la flambée des prix, la politique du gouvernement vise à éviter l’explosion sociale tout en protégeant les intérêts du patronat. Loin de répondre aux besoins élémentaires, elle vise à mettre en œuvre « l’économie de guerre » de Macron. Les travailleurs ont besoin d’y opposer leur propre plan sans se laisser étouffer par l’union nationale pour oser remettre en cause la logique patronale. Ils ont besoin d’une augmentation générale mais aussi d’une échelle mobile des salaires, en contrôlant eux-mêmes les prix comme les spéculations des grands groupes. La défense du pouvoir d’achat, c’est aussi la lutte contre les licenciements, la précarité qui explosent. Il est indispensable de partager le travail entre tous sous le contrôle direct des salarié-e-s, en lien avec les associations de précaires et de chômeurs.

La crise politique en cours affaiblit le pouvoir comme le patronat, cela ne peut qu’aider à construire la riposte sur les salaires, les retraites à condition que nous soyons à même de construire une contre-offensive en toute indépendance sans rien attendre des jeux parlementaires.

Loin de l’agitation politicienne du Parlement, les grèves sur les salaires reprennent après une première vague en début d’année, aussi bien dans des PME que dans des grands groupes. Ces grèves se déroulent dans un contexte de luttes salariales en Europe.

L’heure est au blocage de l’économie, de la machine à profits, par les grèves, les manifestations, pour les salaires, les retraites, contre le chômage.

Pour une stratégie d’unité des révolutionnaires

A travers les élections, se sont exprimés un rejet sans perspective du système, un réel écœurement des jeux politiciens, en même temps que renaît, en particulier dans les milieux militants, l’espoir de pouvoir changer le monde, même s’il prend la forme d’illusions électoralistes et parlementaires, institutionnelles. Il y a là deux formes d’expression des évolutions des consciences, d’une révolte ouvrière et populaire qui prépare des explosions sociales et politiques à venir, premiers moments d’affrontements plus larges. L’enjeu de la bataille politique qui commence est de les dépasser l’une et l’autre pour construire une perspective révolutionnaire qui permette d’armer la révolte d’une volonté politique indépendante des illusions parlementaires, électoralistes, qui encourage chacune et chacun à devenir les acteurs conscients d’un mouvement collectif par en bas. Oser imaginer, penser le pouvoir hors de cette république dont les uns et les autres nous rebattent les oreilles pour imaginer une république sociale, démocratique et révolutionnaire.

Ces évolutions sont inscrites dans les transformations de la société sous la pression de la déroute du capitalisme à l’échelle mondiale. Un conflit de classe international est en cours, qui entraîne les travailleurs à entrer en lutte et accroît la conscience d’intérêts communs par-delà les frontières. Il porte en lui les réponses à l’impasse dramatique du capitalisme dans la perspective de la contestation du pouvoir de la finance pour transférer le pouvoir aux travailleurs, à la population.

Notre tâche est de trouver notre place dans ces évolutions spontanées naissant du conflit de classe pour leur donner la conscience d’elles-mêmes, de leurs ennemis et faux amis afin de changer les rapports de force, rompre avec le nationalisme et le parlementarisme pour conquérir des positions dans l’objectif de prendre en main le contrôle de la marche de la société.

Assumer ses responsabilités suppose de la part du mouvement révolutionnaire esprit critique et lucidité pour faire le bilan d’une séquence électorale qui a révélé ses limites au regard des enjeux de la période. Lutte ouvrière se referme dans une attitude sectaire alors que le NPA s’égare dans la recherche hier d’alliance avec LFI aujourd’hui avec la Nupes. Cette politique aboutit à un échec, une impasse et accentue les divisions en notre sein d’autant que, non contente d’appeler à voter contre les candidats révolutionnaires, Lutte ouvrière, la majorité a tenu à faire le geste d’appeler à voter en faveur de candidats de la Nupes contre des candidats du NPA qui n’étaient pas dans la ligne.

Divisé par ses échecs passés, le mouvement révolutionnaire n’a pas été capable de s’unir pour porter une réponse radicale, globale à la fuite en avant des classes dominantes pas plus qu’aux prétentions du nouveau populisme de gauche réformiste de Mélenchon. Au contraire même, une partie du mouvement s’est ralliée à lui.

A défaut de réussir à rassembler ses forces autour d’un programme et d’une stratégie inscrite dans les bouleversements en cours provoqués par la nouvelle phase de développement du capitalisme mondialisé, de les avoir anticipés, les révolutionnaires sont marginalisés et leur division s’accroît. Alors que nos idées prennent pour beaucoup un contenu plus concret, plus crédible, les divisions et rivalités détournent de nous.

Militer pour le nécessaire rassemblement des différentes fractions, tendances ou courants du mouvement révolutionnaire participe d’un choix stratégique. Un choix, c’est-à-dire une volonté qui se décline tant dans la recherche de cadres communs d’action, de discussions visant à l’efficacité, à construire des liens de solidarité, démocratiques que dans la volonté de construire le cadre stratégique et programmatique qui permette le rassemblement, en définisse le contenu.

Le rassemblement des révolutionnaires passe par la coordination de ses différentes fractions, tendances ou courants mais cette coordination n’est efficace ou simplement possible que si elle repose sur un accord définissant les bases stratégiques et programmatique qui nous réunissent.

Le congrès à venir doit avoir pour objectif de tourner la page de l’orientation erronée et confuse, « Construire une gauche de combat », afin d’élaborer collectivement ces bases pour redonner sa dynamique à notre projet, l’actualiser, définir les rapports démocratiques entre les différentes sensibilités, refonder le NPA comme instrument du rassemblement des révolutionnaires en vue de la construction d’un parti du monde du travail.

Le 29/06/2022

Texte collectif dans le cadre des discussions au sein du NPA

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