Macron vient d’annoncer Borne comme Première ministre du nouveau gouvernement qui devrait être mis en place début juillet, « un gouvernement d’action » qui pourrait aller « des communistes au LR », à l’exclusion de LFI et du RN.

Les manœuvres parlementaires battent leur plein après une semaine de tractations, de tentatives de débauchages pour tenter de constituer une majorité. Macron a multiplié les appels du pied aux 61 députés de LR, pendant que Philippe les démarchait pour tenter de créer une « grande coalition ». En vain. Si Copé se dit prêt à un « pacte de gouvernement », pas question pour LR de « sauter dans le Titanic » comme l’a dit Bertrand. Tous attendent et évaluent les rapports de force, pour leurs calculs de pouvoir.

Tentant encore de se placer au-dessus de la mêlée, Macron poursuit la chimère d’un « gouvernement d’unité nationale » auquel Roussel s’est dit prêt à participer, pendant que Bayrou expliquait « Il y a des personnes à droite, à gauche, au centre, aux extrêmes. Nous avons à inventer l’harmonie pour que toutes ces sensibilités entrent dans la symphonie qu’est la démocratie ».

Et Marine Le Pen peut se réjouir : « Je me bats depuis vingt ans pour ça. Je me réjouis qu’on rende enfin justice au mouvement que je préside. C’est la conséquence du choix des électeurs. Ils ont forcé la classe politique à arrêter de traiter le RN en paria ». Une politique qui révèle toute l’imposture du 2nd tour de la présidentielle. Macron n’est en rien un barrage à l’extrême-droite, il en fait le lit !

La crise politique qui agite l’Assemblée nationale n’a pas pour seule cause la déroute de Macron, elle prend racine dans l’aggravation de la situation sociale, économique qui avait déjà provoqué l’effondrement des vieux partis de droite et de gauche. En 2017, Macron avait pu en profiter pour se faire élire contre le « vieux monde », mais aujourd’hui, c’est tout un système qui a perdu la confiance des travailleurs et des classes populaires qui s’abstiennent massivement.

Cette crise politique traduit l’ampleur de la décomposition du capitalisme aujourd’hui, incapable de trouver une issue à sa propre soif de profits, à la dette, à la fuite en avant de cette mondialisation guerrière, créant le terreau aux idées les plus réactionnaires, à l’extrême droite.

Une menace que seuls les travailleurs, les couches populaires, les jeunes peuvent enrayer en imposant une démocratie par en bas, en prenant directement leurs affaires en main.

L’arène parlementaire, le théâtre d’ombre

Les joutes parlementaires se situent sur le terrain-même du système, rodées par des décennies de pratiques politiciennes et par un appareil d’Etat façonné par la bourgeoisie depuis bien longtemps. Un théâtre d’ombres destiné à donner l’illusion de la démocratie aux masses pour imposer une politique au service de la classe qui dirige réellement la société.

La presse agite la menace du « blocage » et certains députés Nupes s’en vantent même, mais que peuvent-ils bien « bloquer », à supposer qu’ils soient d’accord pour cela ? La droite et même la gauche gouvernementale ont voté déjà bien des textes du gouvernement. Et en réalité, la cogestion entre la droite, la gauche dans ses divers composantes, LRM est déjà bien présente dans les Conseils régionaux, départementaux ou municipaux des grandes villes.

Les députés de la Nupes posent aux premiers opposants de ce « vrai » Parlement dans lequel ils comptent changer la donne… Mais dès le lendemain de l’élection, la proposition de Mélenchon de constituer un groupe a suscité une levée de bouclier de ses propres alliés, préoccupés avant tout des intérêts de leurs appareils respectifs.

Dans la foulée de l’interpellation de Macron, Jadot s’est même précipité pour déclarer que les Verts sont « toujours prêts à des compromis », n’excluant pas de participer à un éventuel gouvernement de « coalition » dans un bel esprit unitaire !

Quant aux « 650 propositions » brandies par les députés de la Nupes, elles ne sont que des promesses électorales, sans le moindre bilan des politiques anti-ouvrières menées par les gouvernements de gauche lorsqu’ils étaient au pouvoir. Comme le commente un sénateur PS : « C’est une surprise sur le fond. Par exemple, Olivier [Faure] défendait la retraite à 62 ans, avant de passer à 60. Soit il a été touché par la grâce en lisant le programme de l’Union populaire. Soit c’était une tactique de faire le dos rond pour passer une mauvaise période politique »… Poser la question c’est y répondre.

Pour nos salaires, les retraites et nos droits, préparons-nous à débloquer la situation en bloquant le pays !

Tant mieux que Macron se trouve confronté à une telle crise politique, l’affaiblissement du pouvoir ne peut qu’encourager la riposte sur les salaires, les retraites à condition que nous soyons à même de construire une contre-offensive qui renvoie l’extrême-droite dans les cordes.

La mise en place du Conseil National de la Refondation, censé réunir « les forces politiques, économiques, sociales associatives, des élus des territoires et des citoyens tirés au sort » a été abandonnée. Macron se préparait à utiliser le « dialogue social » pour légitimer son offensive sur les retraites et sa politique antisociale. Les « partenaires sociaux », du Medef à la CFDT, n’auront pas leur joujou et craignent maintenant « une forme de blocage ».

Mais si Macron est en difficulté et les capitalistes s’inquiètent, ils peuvent compter sur l'Etat, les institutions de leur République, la haute administration et le sens des responsabilités du Parlement. Ils continuent leur politique, contiennent les salaires qui reculent avec l’inflation, licencient et précarisent massivement. Oui il faut un blocage, mais pas du Parlement. Il faut celui de l’économie, de la machine à profits, par les grèves, les manifestations, pour les salaires, les retraites, contre le chômage.

La situation se détériore durement pour les classes populaires. L’inflation est attendue à 5,9 % en juin et d’après l’Insee, l'augmentation des prix devrait atteindre 6,8 % sur un an en septembre. D’après la Dares, le salaire mensuel de base n’a augmenté que de 2,3 % sur un an au premier trimestre. Partout, les patrons se servent des primes Macron pour ne pas céder sur les augmentations.

Loin de l’agitation politicienne du Parlement, les grèves sur les salaires reprennent après une première vague en début d’année, aussi bien dans des PME que dans des grands groupes. Chez Pommier à Bagnères-de-Bigorre, chez le maroquinier de luxe Arco à Châtellerault, Gerflor, le parfumeur Marionnaud, l’électricien RTE, l’assureur AG2R La Mondiale, Cap-Gémini, TotalEnergies, les éboueurs de la Ville de Paris, … la liste s’allonge de jour en jour.

Le 9 juin dernier, les salariés des différentes entreprises de l’aéroport Roissy ont fait grève tous métiers confondus pour une revendication commune de 300 € pour tous. Un quart des vols prévus ce jour-là ont été annulés et une nouvelle grève est annoncée sur Orly et Roissy le 2 juillet.

Toujours dans l’aérien, les hôtesses et stewards de Ryanair appellent à une grève européenne fin juin. Le ras-le-bol est total face à un patron voyou qui impose des salaires misérables, allant jusqu’à refuser au personnel la nourriture et l’eau durant les vols ! Même chose chez EasyJet où les syndicats appellent à des débrayages de 24h sur les gros départs du mois de juillet.

Les syndicats de la SNCF appellent aussi à la grève pour les salaires le 6 juillet, jour de départ en vacances.

Ces grèves se déroulent dans un contexte de luttes salariales en Europe. Le 21 juin, les cheminots anglais ont entamé une grève sur les salaires de trois jours, la plus importante depuis 1989, qui fait craindre à toute la presse « un été du mécontentement » ! En Belgique, la grève nationale pour les salaires a regroupé plus de 70 000 manifestants dans la capitale, du jamais vu depuis 10 ans.

C’est à une telle situation d’affrontement qu’il s’agit de préparer les consciences, en formulant une politique indépendante, de classe, pour changer la société maintenant.

Formuler dans les luttes les réponses à la crise sociale, un programme pour changer le monde maintenant

La crise politique en cours traduit les ruptures qui se sont opérées dans le monde du travail, les classes populaires, face à la régression sociale de ces dernières années. Elle est le produit d’une profonde crise sociale qui n’a pas d’autre issue aujourd’hui que dans l’affrontement avec les capitalistes qui mènent l’ensemble de la société dans le mur. Cela signifie construire la convergence de ces luttes autour d’un programme permettant à la classe ouvrière d’agir politiquement, d’imposer une démocratie par en bas contestant le pouvoir des actionnaires et des financiers.

La question des salaires ne se résout ni en une seule grève, ni entreprise par entreprise. Face à la flambée des prix, les travailleurs doivent imposer leur échelle mobile des salaires, en contrôlant eux-mêmes les prix comme les spéculations des grands groupes. Face aux licenciements, devenus si faciles avec la loi Travail de Hollande et les ordonnances Macron, face à l’intérim et la précarité qui explosent, il est indispensable de partager le travail entre tous sous le contrôle direct des salarié-e-s, en lien avec les associations de précaires et de chômeurs. Toutes ces revendications exigent d’imposer notre contrôle, de contester aux patrons le droit de faire ce qu’ils veulent.

Une telle politique signifie une totale indépendance des calculs politiciens et parlementaires de la Nupes, comme du « dialogue social » tant espéré par les directions syndicales. Notre programme est celui de la démocratie directe, de l’intervention consciente des travailleurs eux-mêmes pour trouver des réponses à la crise sociale, loin de cette démocratie bourgeoise frelatée.

Laurent Delage

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