« Nous sommes indignées de voir Gérald Darmanin et Damien Abad, mis en cause pour viols, respectivement reconduit ou nommé ministres de l’Intérieur et des solidarités, et Eric Dupont-Moretti, le pourfendeur de #MeToo qui a traîné dans la boue les victimes de George Tron, nommé ministre de la Justice. 5 ans après #MeToo, nous en sommes encore là ! », indiquait « Nous toutes » dans son appel à manifester le 24 mai après la formation du nouveau gouvernement Borne. La preuve s’il en était besoin que le mépris, le sexisme et les violences faites aux femmes sont partie intégrante du pouvoir des classes possédantes. L’affaire Abad, l’ancien dirigeant du groupe LR à l’Assemblée nommé ministre des solidarités malgré les accusations de viol portées contre lui en est une démonstration lamentable et éclatante.
« Pas de violeur à l'Intérieur et aux Solidarités, pas de complice à la Justice ! »
Non seulement il a été nommé ministre alors que tout laisse croire que l’Élysée et Matignon étaient au courant puisque l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en avaient averti les groupes LR et LREM de l’Assemblée, mais une fois les faits rendus publics par Médiapart, Abad a été laissé en poste au nom de la présomption d’innocence. Celle-ci n’est pourtant pas contradictoire avec un principe de précaution qui consiste à suspendre les activités d’un homme mis en cause par la parole d’une ou plusieurs femmes qui disent avoir été ses victimes, le temps de l’enquête. Mais apparemment ni pour Macron et son gouvernement, ni pour la Justice, il n’est question d’enquête.
« Pas de violeur à l'Intérieur et aux Solidarités, pas de complice à la Justice ! », scandaient avec raison les manifestantes. Avant Abad, il y avait eu en juillet 2020 la promotion au ministère de l’Intérieur de Darmanin alors qu’il était sous le coup d’une plainte pour viol et Dupont-Moretti qui l’avait défendu déjà au nom de la présomption d’innocence, s’était auparavant signalé par des injures grossières contre MeToo –« y a aussi des 'folasses' dans le mouvement #MeToo qui racontent des conneries et engagent l'honneur d'un mec qui ne peut pas se défendre car il est déjà crucifié sur les réseaux sociaux »- en défense de Georges Tron qui a depuis été condamné pour viol.
Cela fait décidément beaucoup pour un gouvernement qui a réaffirmé, comme il l’avait déjà fait en 2017, que la priorité du quinquennat était la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ! Et Macron qui voulait donner de lui l’image d’un féministe en nommant une femme Premier ministre, n’a eu aucun scrupule à faire endosser à Elisabeth Borne cette indignité comme s’y était pliée aussi Schiappa lorsqu’elle était devenue en juillet 2020 ministre déléguée de Darmanin après avoir été secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes.
En couvrant Abad et Darmanin, l’ancien ministre Hulot, le présentateur vedette PPDA, les pouvoirs en place, le gouvernement, la justice envoient des signaux clairs à l’ensemble de la société, aux hommes auteurs de violences, aux patrons ou aux cadres harceleurs, aux policiers qui ne jugent pas utile de donner suite à la plainte d’une femme, aux magistrats qui classent nombre de plaintes sans suite ou concluent à des non-lieux. Quoi d’étonnant à ce que Bouthier, patron d’Assu 2000, une des 500 premières fortunes de France, ait pu s’approprier pendant des années le corps et le travail de très jeunes filles réduites en esclavage avant d’être mis en examen et en détention le 21 mai dernier pour traite d’êtres humains mineurs et viols sur mineurs ! Un concentré de la logique du pouvoir absolu dont se croient investis les détenteurs du capital parfois jusqu’à la folie individuelle la plus barbare.
Le combat contre les violences faites aux femmes, un combat contre les rapports de domination
Ce sont les mobilisations féministes qui ont imposé par leur détermination et le courage de leur parole la reconnaissance publique des crimes contre les femmes, que ce soient les féminicides -653 depuis 2017- ou les viols et agressions sexuelles. Ce sont elles qui ont permis que soient mises en lumière les violences monstrueuses de l’inceste et du viol dans le secret du couple et des familles, de la pédophilie dans le silence de l’Église catholique, des agressions sexuelles et des viols dans les sphères de pouvoir et les institutions.
« Au nom des 94 000 victimes de viols par an, des 220 000 femmes victimes de violences au sein de leur couple, des victimes d’inceste, de LGBTQIphobies : tant que l’impunité des agresseurs perdurera, tant que vous n’engagerez pas des moyens financiers et matériels à la hauteur de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, nous marcherons ! », dénonce « Nous toutes ».
Oui, c’est seulement par nos mobilisations que nous pourrons imposer les moyens financiers et matériels nécessaires pour assurer une protection aux femmes victimes de violences et à leurs enfants, pour leur permettre de quitter le domicile conjugal, pour la construction de foyers d’accueil en nombre, le recrutement d’un personnel spécialisé, etc. De même aussi pour faire reconnaître les viols et agressions sexuelles comme un véritable crime contre les personnes.
Les violences sexistes et sexuelles, les agressions contre les femmes ou contre les personnes LGBTQI sont le passage aux actes du mépris machiste, de l’arrogance masculine, conséquences des inégalités entre les hommes et les femmes et de la domination masculine, constitutives de la société de classe, de l’exploitation et de l’oppression sociales. Toutes les différences y sont utilisées pour justifier un surcroît d’exploitation, tenter de diviser les opprimé.es entre elles/eux, voire de les dresser les un.es contre les autres. Ce sont les mêmes mécanismes, les mêmes logiques qui sont à l’œuvre dans le racisme, dans l’utilisation des différences d’origine et de couleur de peau.
L’évolution des rapports sociaux, le combat pour les droits démocratiques, pour les droits des femmes, ont fait reculer les inégalités entre les sexes, l’oppression des femmes, les discriminations de genre mais ces avancées démocratiques sont sans cesse menacées par la politique réactionnaire que les classes dirigeantes d’un système en crise imposent à l’ensemble de la population. On peut le voir entre autres aux États-Unis où le droit à l’avortement est remis en cause.
Ce gouvernement qui a fait le choix d’abriter des hommes suspectés de viol et d’agressions sexuelles est aussi peu crédible lorsqu’il prétend lutter contre les violences faites aux femmes que lorsqu’il parle d’améliorer les conditions de vie de la population ou de trouver des solutions à la crise écologique. A l’exemple des femmes qui luttent ici et à travers le monde, nous ne pouvons compter que sur nos propres forces. Notre lutte est une lutte d’émancipation collective pour imposer à tous le respect de toutes et, ensemble, femmes et hommes, travailleur.ses, jeunes, imposer les mesures qui répondent aux besoins de la lutte contre les violences faites aux femmes comme celles répondant aux besoins de la population. En tissant des liens de solidarité entre nous, en faisant converger nos combats, nous contribuons à créer une conscience commune et un rapport de forces qui permettront de venir à bout de ces rapports de domination et de cette violence, de construire un monde de sororité et de fraternité libéré de toutes les formes de violence sociale et de discriminations.
Galia Trépère