Macron a pris tout son temps pour désigner sa Première ministre, histoire de bien faire savoir à l’opinion, à l’opposition, dont le postulant Premier ministre Mélenchon, mais aussi et surtout à son propre personnel politique qu’il était bien le chef de l’État, lui et lui seul. Comme il le fit lors de sa campagne présidentielle sans campagne ni débat, il affiche ouvertement un mépris qui touche tout ce qui n’est pas sa propre personne, parle de « renaissance » en reprenant les mêmes dans son gouvernement sous la houlette d'une ex-ministre qui le suit depuis le début…
Ancienne ministre du travail, seconde femme à occuper ce poste après Edith Cresson en 1991, Borne a un parcours politique ou plutôt une carrière professionnelle dans la haute administration sans faille. Certains même la disent de gauche parce qu’elle aurait commencé sa carrière dans les sommets de l’État dans le cabinet de Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale, en tant que conseillère technique, en 1991. Tout un programme, elle est de cette gauche de droite ou de cette droite de gauche dont Macron se veut la synthèse et dont les confusions, les contradictions et rivalités sont en réalité sa force principale.
Venue de Polytechnique, elle est après un long et dévoué parcours -elle fut aussi préfète- toute désignée pour assumer le poste tout en faisant valoir un féminisme pour le moins bourgeois. Son programme n’est pas réellement l’égalité des sexes mais le droit à la réussite pour toutes… C’est indiscutablement mieux que le grossier machisme affiché des politiciens en général et des chefs des partis qui se retrouvent dans la majorité présidentielle en particulier, ceux dont Macron l'a affublée dans son gouvernement, les Darmanin, Le Maire ou autres Moretti ou Abad qui fait l’objet d’un signalement pour des faits présumés de viols...
Elle répond au portrait-robot que Macron avait dressé du Premier ministre idéal, « attaché à la question sociale, environnementale et productive ». D’abord chargée des transports, puis de la transition écologique et solidaire, avant d’être ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, elle est responsable du fait qu’un million de chômeurs ont leurs allocations baissées de plus de 17 %. Elle a ouvert le rail et le transport à la concurrence et modifié le statut des cheminots, de même qu’elle a été la patronne de l’ouverture à la concurrence de la RATP… Son bilan ne peut donner le change, le fait d’être femme ne change rien à l’affaire. Elle et son gouvernement sont là pour servir la classe dominante et son État. Et les tollés stupides, haineux et racistes que déchaîne à l’extrême droite la nomination de Pap Ndiaye ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse n’y changent rien non plus. Ils ne sont qu’une démonstration de plus de la bêtise réactionnaire dont Le Pen et Zemmour sont l’expression.
Le troisième tour, pour préparer la suite, un vote de classe et révolutionnaire
Mélenchon, candidat sinon à la députation du moins pour son élection en tant que Premier ministre, a aussitôt rappelé : « Il y a bien un troisième tour […] Il existe une possibilité pour les Français de renvoyer Mme Borne et de faire un autre choix ». Il a tout à fait raison d’annoncer que « c’est donc en quelque sorte une nouvelle saison de maltraitance sociale et écologique qui commence... », mais nous ne pourrons y faire face avec une montagne en papier de bulletins de vote. D’abord, ces élections législatives sont taillées sur mesure pour donner au Président élu une majorité et si tant est que la machine puisse s’enrayer, le Président, la haute administration, l’appareil d’État ont tous les moyens de mettre en échec la moindre tentative de remise en cause des intérêts des classes dominantes. Chaque fois qu’elle est arrivée au gouvernement dans le passé, la gauche s’est pliée à leur volonté, elle n’avait pas le choix et en réalité n’a trahi que celles et ceux qui ont cru qu’elle pourrait changer la vie. Changer la vie passe par la mobilisation des masses ouvrières et populaires pour conquérir le pouvoir, mettre en place leur propre gouvernement sous leur contrôle à travers de nouvelles institutions, des Assemblées démocratiques et révolutionnaires.
Cela n’est pas l’enjeu de ces élections mais ce n’est pas une raison pour s’abstenir. D’une façon ou d’une autre nous ne devons pas rester passifs, subir. Le bulletin de vote peut au moins nous servir à exprimer notre colère, nos idées, la perspective d’un gouvernement des travailleurs pour changer le monde maintenant.
Faire savoir au patronat, aux riches, aux politiciens que nous sommes déterminés à les faire céder
Politiciens, économistes, grands patrons nous disent tous d’une même voix que l’avenir qu’ils nous préparent sera sombre. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, la concurrence de plus en plus acharnée, la course aux profits et les spéculations, la sécheresse dans le monde, la persistance de la pandémie signifient pour la grande majorité une dégradation des conditions de vie, parfois dramatique.
L’inflation, la hausse des prix n’est pas une fatalité naturelle ni la seule conséquence de la guerre à laquelle nous ne pourrions rien. Elle est la conséquence des politiques de la minorité qui tient les rênes d’une économie soumise aux lois de la concurrence et du profit, des États et des banques centrales qui les servent.
Les économistes et autres experts nous expliquent qu’il n’est pas possible d’augmenter les salaires car cela augmenterait les coûts de production et donc l’inflation ! Pourtant les multinationales en particulier celles de l’énergie, n’hésitent pas, elles, à indexer leurs bénéfices sur l’inflation en fixant elles-mêmes leurs prix de vente, au-delà même de l’inflation qu’elles nourrissent en spéculant. En réalité, la question des salaires comme des prix est une question de rapport de force.
Pour éviter de voir une partie du monde du travail sombrer dans la détresse, les conditions de vie de toutes et tous se dégrader, il nous faut remettre en cause la logique de leur système. Revendiquer des hausses de salaires, des pensions et des minima sociaux, indexer les salaires sur la hausse des prix, sur l’inflation passe par une lutte d’ensemble des classes exploitées qui se combine avec la lutte contre le chômage pour le partage du travail. Remettre ainsi en cause les profits, c’est remettre en cause le pouvoir de la classe capitaliste.
Les élections ne permettent pas un tel changement du rapport de force mais elles peuvent y contribuer si nous utilisons notre bulletin de vote pour défendre ensemble cette perspective sans être dupes des jeux parlementaires et politiciens, si nous en faisons un geste de conscience et de confiance, un encouragement à s’organiser, se mobiliser.
Alors votons révolutionnaire, votons pour les candidat.e.s du NPA et de Lutte ouvrière.
Yvan Lemaitre