L’inflation a atteint 4,8 % sur un an en avril et l’INSEE prévoit qu’elle pourrait atteindre 5,2 % en mai et 5,4 % en juin. De tels chiffres sont inédits en France depuis plus de trente ans et les prévisions sont particulièrement inquiétantes. Le patron de Système U, bien placé pour connaître les prix et ses propres marges, parle ainsi de « 7 %, 8 %, voire 10 % » d’inflation dans les prochains mois !

Face à cette flambée des prix, Lemaire vient de déclarer : « le plus dur est devant nous »… Finis les bilans élogieux de la politique de Macron pour les présidentielles, l’heure est à préparer les cerveaux aux mauvais coups, tout en annonçant quelques mesures « ciblées » sur le pouvoir d’achat, juste avant les législatives.

Mercredi, lors du dernier Conseil des ministres de Castex, Attal a présenté le contenu du projet de « loi exceptionnelle pour le pouvoir d’achat » promis par Macron et qui sera débattu, après les législatives, par le futur gouvernement. Si le bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité semble maintenu, la remise de 18 centimes par litre de carburant sera revue, par un dispositif réservé « aux gros rouleurs ». Dans ce projet qui tient du catalogue de promesses électorales, le gouvernement rajoute la suppression de la redevance télé dès cette année, le triplement de la prime Macron qui permet aux employeurs de lâcher une prime et pas du salaire face au mécontentement des salariés, un chèque alimentaire toujours dans le flou depuis 6 mois, le dégel du point d’indice des fonctionnaires ou l’augmentation des retraites et des minima sociaux… sans le moindre chiffrage.

Mais au-delà des effets d’annonce, il est clair que le gouvernement compte resserrer les boulons dans l’aide face à l’inflation. Woerth, rallié à Macron et à la tête de la commission des finances de l’Assemblée, annonce la couleur des futures mesures sur le pouvoir d’achat : « Je suis favorable à des actions ponctuelles, ciblées sur une partie de la population. Certains Français ont les moyens de faire face, d’autres non ». Le plus dur est bien à venir pour les travailleurs, les classes populaires.

Une politique en total accord avec le Medef et De Bézieux, qui en appelle lui aussi à réduire l’aide à l’inflation pour la population car « on ne peut pas imprimer des billets éternellement »… L’égoïsme de classe le plus crasse, alors que le patronat a accaparé un « pognon de dingue » avec les aides massives de l’Etat depuis deux ans !

Il n’est pas question ni pour les classes dominantes, ni pour le gouvernement, d’indexer un tant soit peu les salaires sur les prix. Pour eux, ce sont l’ensemble des salariés qui doivent supporter le poids de l’inflation, avec au mieux quelques primes ou quelques mesures pour les plus pauvres.

La défense des profits « quoi qu’il en coûte » fait exploser la dette

De Bézieux ne fait que reprendre le boniment de l’ensemble des patrons face aux salariés qui exigent des augmentations de salaires : « Dans l'inflation telle qu'elle se présente, il y a des choses qui ne vont pas durer (…). Il ne faut pas surréagir et il faut surtout cibler très précisément ».

Mais la situation est partie pour durer, en premier lieu avec la guerre en Ukraine et ses conséquences dans la mondialisation armée qui se dessine aujourd’hui. A cela s’ajoute la situation en Chine, où la politique zéro Covid du gouvernement provoque, outre l’enfermement brutal de la population confinée, la fermeture de milliers d’usines et le ralentissement forcé des ports. Les pénuries s’aggravent de par le monde, en céréales, en carburant, en matières premières, amplifiées par la spéculation financière.

A cette situation chaotique que le capitalisme est incapable de réguler, vient s’ajouter la question de la dette. Depuis deux ans, celle-ci a explosé avec la perfusion massive d’argent public pour sauver les profits. La dette publique des pays riches a augmenté de 18 points en deux ans de pandémie et atteint 131 % du PIB.

Face à cette explosion et pour tenter de ralentir l’inflation, les banques centrales commencent à augmenter leurs taux d’intérêts. Aux États-Unis, la Fed vient de relever son principal taux directeur de 0,5 %, du jamais vu depuis 22 ans. Lagarde annonce elle aussi une augmentation des taux de la BCE pour le mois de juillet, après 8 ans de taux d’intérêts négatifs.

De lourdes conséquences en perspectives sur la dette publique, que les classes dominantes comptent faire payer aux classes populaires. Quant à la dette privée, la hausse des taux d’intérêt ne peut que fragiliser le marché immobilier en pleine surchauffe, les entreprises qui vont limiter leurs investissements ainsi que les marchés financiers, qui ont emprunté massivement pour profiter de l’euphorie boursière.

Voilà le bilan de cette politique du « quoi qu’il en coûte », exclusivement destinée à sauver le capital. Le dernier rapport de l’observatoire des multinationales consacré au CAC40 la résume brutalement. Alors que toutes les sociétés de l’indice sont largement perfusées d’argent public, 2/3 d’entre elles battent des records historiques de profits. Elles ont versé plus de 80 milliards à leurs actionnaires en 2021 (+ 200 % pour les rachats d’actions et + 33 % pour les dividendes) et leurs PDG ont augmenté leur rémunération de + 23 %. Dans le même temps, ces grands groupes capitalistes ont supprimé 17 000 emplois rien qu’en France !

Cette fuite en avant est restée totalement impuissante à relancer la machine économique. Après un processus de reprise qui a suivi le pic de la crise sanitaire, le premier trimestre de cette année affiche une croissance nulle. La raison essentielle étant le décrochage de la consommation des ménages qui recule de 1,3 %. Une chute considérable qui traduit le recul des salaires et des revenus face à la hausse des prix.

Plus que jamais, la lutte pour l’augmentation des salaires, des pensions, des allocations est une lutte d’utilité publique, la seule qui puisse en finir avec cette politique de subvention permanente du capital qui mène droit au krach. Cela signifie combattre la politique du gouvernement, dans la continuité de celle des gouvernements de droite et de gauche qui se sont succédé au pouvoir. Les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs propres luttes pour inverser le cours des choses, pas sur les marchands d’illusions électorales.

Les promesses électorales de NUPES, rien contre le capital, promesses, promesses...

Concernant les salaires et le pouvoir d’achat, le programme de l’Union Populaire comme l’accord LFI-PS de la toute nouvelle NUPES, ne disent rien des surprofits du CAC40 et des mesures à imposer aux capitalistes. Ils en restent aux mêmes généralités d’un programme responsable devant le patronat.

Il prévoit le Smic à 1400 € net, alors qu’il vient de passer à 1303 € depuis le 1er mai, une augmentation tellement dérisoire que Mélenchon vient de déclarer qu’il faudrait passer à 1500 €… Une promesse électorale de plus ! Quant au reste, la Nupes avance « l’organisation d’une conférence sociale sur les salaires, la formation, les conditions de travail et les retraites » et le blocage des prix de première nécessité.

Pas un mot sur la question de l’indexation de l’ensemble des salaires sur la hausse des prix, pourtant indispensable face à la montée de l’inflation. Sur le fond, ce programme n’envisage que le « dialogue social » comme réponse à la situation, une « conférence sociale » comme il y en a eu tant, sous la droite, sous la gauche dans toutes ses configurations. Ce fameux « dialogue social » n’a jamais rien donné aux travailleurs, il n’a servi qu’à rouler dans la farine les directions syndicales, les « partenaires sociaux » et à paralyser l’ensemble de la classe ouvrière.

Ces dernières années, l’ensemble des salaires ont reculé et s’il y a eu quelques augmentations ces derniers temps, c’est grâce aux grèves de ces derniers mois qui se sont multipliées dans les entreprises, aux « kilomètres de manifestation » comme le dirait Mélenchon.

Rompre avec la logique du système, nous payer sur le capital

La question des salaires signifie un affrontement avec le pouvoir et le patronat. S’ils font mine aujourd’hui d’annoncer des mesures pour le pouvoir d’achat, leur seule préoccupation reste la maîtrise de l’inflation, qui crée une instabilité préjudiciable à leurs affaires, bien qu’elle opère un énorme transfert des richesses des poches de la population dans les coffres des banques.

Tous nous expliquent qu’il ne faut pas augmenter les salaires pour éviter à tout prix la fameuse boucle « prix-salaires », cette soi-disant logique infernale qui fait que toute hausse des salaires accroîtrait la hausse des prix et l’inflation… Totalement faux, l’augmentation des salaires aurait avant tout pour conséquence la baisse du taux de profit !

Aujourd’hui, le retard cumulé de l’ensemble des salaires est tel qu’il exige une lutte d’ensemble de la classe ouvrière. Suite à l’augmentation du SMIC le 1er mai, 85 % des branches professionnelles en plus de l’ensemble de la Fonction publique se retrouvent avec des niveaux en dessous du SMIC, l’ensemble des salariés sont touchés par le retard des salaires par rapport au coût de la vie. Exiger 400 € d’augmentation net pour tous, le SMIC à 1800 € net ne sont qu’un rattrapage d’une situation qui se dégrade depuis des années en faveur du capital. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter à de telles revendications, qui risquent fort d’être reprises d’une autre main par les capitalistes avec la flambée des prix.

Le retour de l’inflation pose l’urgence de l’échelle mobile des salaires et du contrôle des prix par les travailleurs eux-mêmes. Les salariés n’ont pas à supporter le poids de l’inflation, c’est au capital de payer la différence. Le prix du renouvellement de la force de travail augmente par la flambée des prix de l’alimentation, du carburant, du logement, etc. Le capitaliste doit augmenter les salaires au même titre qu’il paye plus cher les matières premières aujourd’hui. De même pour les pensions, les allocations, les minima sociaux alors que la précarité explose. L’ensemble du monde du travail doit disposer d’un revenu qui lui permet de vivre décemment, indexé sur l’augmentation réelle des prix.

La lutte pour les salaires ne peut rester cantonnée entreprise par entreprise, enfermant les salariés dans le cadre des comptes présentés par la direction et des chantages à l’emploi des patrons. La question des salaires est un rapport global entre l’ensemble des travailleurs et les capitalistes, qu’il s’agit d’inverser par les méthodes de la lutte de classes.

Rendre les luttes actuelles sur les salaires contagieuses c’est, y compris, utiliser la tribune des élections législatives, la campagne qui s’engage pour défendre une politique de classe indépendante de la gauche institutionnelle pour aider le monde du travail à faire de cette lutte un combat collectif, un mouvement de contestation globale du système contre la politique de subvention du capital « quoi qu’il en coûte » du gouvernement. C’est « votez révolutionnaire » pour indiquer le chemin, faire de notre bulletin de vote un geste de conscience et de confiance, un encouragement pour toutes et tous.

Laurent Delage

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