L’odieuse agression de Poutine contre l’Ukraine a déjà causé des milliers de morts, contraint à l’exil plus de deux millions et demi de personnes, transformé des villes en champs de ruines, la barbarie de la guerre en Europe. Elle suscite partout réprobation, colère et révolte, inquiétude aussi tant elle bouscule profondément les rapports géopolitiques et l’économie mondiale, laisse entrevoir un avenir sombre où le pire devient possible. Elle déstabilise aussi les esprits submergés par une propagande qui joue des émotions pour étouffer la compréhension, paralyser la révolte.

Engagés dans cette guerre, les dirigeants européens se sont retrouvés jeudi et vendredi à Versailles. Au menu de ce sommet exceptionnel : le renforcement de la capacité de défense de l'UE, la réduction de sa dépendance énergétique, en particulier à l'égard du gaz, du pétrole et du charbon russes, le vote d’un budget destiné à financer l’envoi d’armes à l’Ukraine, la menace de nouvelles sanctions contre la Russie… Et l’ambition de Macron d’être l’initiateur d’une « Europe puissante », c’est-à-dire militariste.

Biden, lui, après avoir annoncé il y a quelques jours l’embargo sur les importations de gaz et de pétrole russes, y ajoutait, vendredi, « des mesures supplémentaires » visant « les secteurs phares de l’économie russe, notamment les produits de la mer, la vodka et les diamants », tout en s’engageant à éviter une « confrontation directe entre l’Otan et la Russie », car elle provoquerait « la Troisième Guerre mondiale »… Une façon de souligner le caractère international du conflit et les risques de son extension.

A la guerre, les dirigeants des puissances regroupées dans l’Otan ajoutent les sanctions, la guerre économique et financière. Mais pas question, pour eux, de reconnaître la moindre responsabilité dans les surenchères et agressions qui ont conduit à la folie guerrière de Poutine. Les puissances regroupées dans l’Otan sous la houlette de Biden n’ont pas cherché à prendre la moindre initiative pouvant ouvrir de véritables discussions pour sortir de la guerre. Au contraire, elles poursuivent leur propre offensive militariste et leurs provocations, ouvrant les discussions pour intégrer la Finlande à l’Otan, répondant aux demandes de Zelensky, telle la décision d’ouvrir le processus d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l’UE. Les membres de l’Otan, dont la France, livrent des armes à l’Ukraine. Ils nous expliquent le faire par solidarité avec le peuple ukrainien, pour lui donner les moyens de se défendre. En réalité, c’est l’armée de l’Ukraine qu’ils arment, l’État de la bourgeoisie ukrainienne, des oligarques, leurs alliés dans une guerre où « le peuple » est pris en otage.

Pour le mouvement ouvrier, combattre l’union nationale de Macron prétendant aider la résistance ukrainienne ne consiste pas à renvoyer dos à dos les belligérants mais bien de formuler une politique internationaliste pour combattre cette union belliciste et défendre le droit des peuples, combattre le nationalisme et la guerre dans ses racines même, la domination du capitalisme, la concurrence mondialisée contre Poutine et l’Otan.

Les peuples d’Ukraine victimes des rivalités entre les USA et leurs alliés de l’UE et l’État autocratique de Poutine

Jusqu’en 1991 et la liquidation de l’URSS, la république socialiste soviétique d’Ukraine en était une riche composante, par ses industries, ses ressources minières et agricoles. Elle constituait aussi, par ses ports sur la Mer Noire, Sébastopol et Odessa, un élément important de la défense maritime soviétique. En juillet 1991, sous la poussée de courants nationalistes et de la volonté des bureaucrates en place de s’approprier le gâteau comme dans le reste de l’URSS, la République ukrainienne était proclamée, puis, en août, déclarée indépendante. C’était le début, en Ukraine comme en Russie, du dépeçage d’une économie désorganisée, soumise à « la thérapie de choc », les réformes visant à réintroduire la propriété capitaliste sous la férule des sommets de la bureaucratie qui devinrent les oligarques qui règnent sur les deux pays.

Poutine qui succéda en 1999 à Eltsine, fut le produit politique de cet effondrement de la Russie, ce qui lui fait dire aujourd’hui que « la disparition de l’Union soviétique est la plus grande catastrophe du 20e siècle ». Il se veut le restaurateur de l’autorité de l’État et de la grandeur russe, défenseur des intérêts collectifs des classes dominantes russes tout en soumettant les oligarques à son pouvoir autocrate.

L’Ukraine était confrontée, dès sa fondation, aux appétits des puissances européennes et US qui s’étaient empressées, dès la chute du mur de Berlin, de mettre la main sur les économies des pays du « bloc de l’Est ». Ravagée par les oligarques et des gouvernements qui balançaient entre accords avec la Russie et accords avec l’UE, l’économie du pays n’a jamais rattrapé son niveau d’avant 1991. La croissance y est une des plus faibles du monde. En 2013-2014, une crise économique importante déclenchait le soulèvement populaire de Maïdan, l’effondrement du pouvoir pro-russe de Ianoukovitch et l’arrivée au pouvoir de celui, pro-européen, de Porochenko -remplacé en 2019 par Zelensky. Ce gouvernement était qualifié de « démocratique » par les puissances occidentales. Il était en réalité dominé par les ultra-nationalistes ukrainiens dont six dirigeants devenaient ministres. Un des groupes paramilitaires lié au parti d’extrême droite Svoboda, se revendiquant du nazisme, était intégré dans l’armée nationale, formant le « régiment d’Azov » présent depuis sur les champs de bataille du pays.

Le gouvernement Porochenko en place, le FMI lui apportait son soutien financier en échange des habituelles « réformes structurelles », tandis que Poutine annexait la Crimée et envoyait ses troupes soutenir les séparatistes pro-russes du Donbass. L’état de guerre permanent qui règne en Ukraine depuis lors, la perte de ressources liées aux annexions russes comme le coût social des réformes imposées par le FMI font que la situation des travailleurs ukrainiens ne s’est que très peu améliorée depuis lors, les salaires réels moyens n'ont pas augmenté depuis 12 ans. Les oligarques ukrainiens, qui entretiennent de juteuses relations d’affaires avec les milieux financiers du monde entier, y compris leurs comparses russes, continuent, eux, d’accumuler des fortunes. Selon un site ukrainien proche du gouvernement, en 2017, « les revenus des 10 Ukrainiens les plus riches s’élèvent à plus de 11 milliards de dollars. Cela fait pratiquement 13 % du PIB de l’Ukraine de 2015 ». Quant à la lutte contre la corruption que promettait Zelensky au moment de son élection, elle est manifestement passée à la trappe…

L’affrontement entre les puissances occidentales et la Russie dont l’Ukraine est le terrain a pour une part des causes et des enjeux économiques. Les multinationales agricoles US et européennes lorgnent depuis longtemps sur ses immenses étendues de « terre noire », parmi les plus fertiles de la planète. Leur exploitation permet à l’Ukraine, malgré des rendements agricoles faibles, d’être le premier producteur mondial d’huile de tournesol, le quatrième de maïs, de fournir 30 % des exportations mondiales de blé… La loi interdit aux propriétaires de vendre leurs terres, cultivées par quelques grandes exploitations ainsi que par une multitude de paysans sur des petites parcelles. Une des principales revendications des « conseillers » du FMI était que l’Ukraine « libéralise » le marché foncier, afin, selon eux, de « déclencher une dynamique de croissance prospère »… Prospère pour les prédateurs de l’agriculture industrielle mondiale dont les vœux ont été exaucés fin mars 2020. A l’initiative du gouvernement de Zelensky, le parlement votait une réforme foncière qui, tout en prétendant refuser de vendre des terres à des étrangers, décidait de mettre en vente, dès 2024, à des personnes morales ukrainiennes -autrement dit à des entreprises dont le siège social est en Ukraine- des lots pouvant aller jusqu’à 10 000 hectares, pour une superficie totale de 42,7 millions d’hectares, l’équivalent de l’Italie. La Banque mondiale jubilait : « Il s'agit sans exagération d'un événement historique, rendu possible par le leadership du président ukrainien, la volonté du parlement et le travail acharné du gouvernement ».

Mais les visées sur les terres agricoles, tout comme celles sur les réserves potentielles de gaz ou les mines du Donbass, ne sont qu’une partie des enjeux de la guerre en cours. Depuis la chute de l’URSS en 1991, le pouvoir russe vit comme une agression la mainmise des multinationales d’Europe de l’Ouest et des USA sur l’économie des anciennes démocraties populaires, pour la plupart intégrées à l’UE. Un pas de plus dans ce sens vient d’être franchi avec la décision de l’UE d’ouvrir les procédures d’intégration de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie. Mais à cela s’ajoute surtout l’avancée des bases de l’Otan, en particulier autour de la Mer Noire, débouché maritime de la Russie vers la Méditerranée. Actuellement, seules les côtes de l’Ukraine et de la Géorgie ne sont pas sous contrôle de l’Otan. Et l’encerclement de la Russie se poursuit au nord, avec la demande d’intégration de la Suède et de la Finlande à cette organisation de brigands. Derrière sa posture « défensive », l’Otan poursuit en réalité une offensive militaire, celle des USA de Biden qui, dans la foulée de Trump, mène sa politique, « America is back », cherchant à s’opposer au recul d’une hégémonie de plus en plus contestée. En déclenchant la guerre contre l’Ukraine, Poutine a donné à Biden l’occasion de développer ses propres projets militaristes, dans lesquels il entraîne l’Europe. Il lui permet en même temps, ainsi qu’à ses congénères européens, de tenter de justifier ses manœuvres aux yeux de l’opinion mondiale.

Les conséquences sans limites des rivalités et concurrences capitalistes dans une économie-monde interconnectée

Profitant des circonstances pour avancer leurs pions le long de la frontière russe, et tout en fournissant des armes à l’armée ukrainienne, les forces de l’Otan s’interdisent, jusqu’à maintenant, toute intervention militaire directe. Elles ont refusé en particulier de créer l’espace d’exclusion aérienne que leur a demandé Zelensky, ce qui constituerait une déclaration de guerre à la Russie et déboucherait sur un affrontement direct, une escalade dont personne n’est capable d’évaluer les conséquences. C’est à travers la mise en place de sanctions économiques et financières contre Poutine, ses proches et les oligarques russes qu’elles ont décidé de faire reculer Poutine. « Une guerre économique et financière totale [qui va] provoquer l’effondrement de l’économie russe » selon Bruno Lemaire…

Dès le premier jour de l’intervention, l’UE décidait le gel des avoirs et l’interdiction de séjour en UE pour les députés de la Douma qui ont voté la reconnaissance des républiques autonomes du Donetsk et de Lougansk, la limitation de la capacité des banques russes à emprunter sur les marchés internationaux, l’accès des industries russes aux « technologies cruciales », comme les puces électroniques… Sont venues ensuite la fermeture de l’espace aérien des pays européens, des USA, du Canada, de la Suisse aux compagnies aériennes russes, la suppression de l’accès d’une majorité de banques russes au réseau international SWIFT à travers lequel se traitent les transactions financières internationales, etc., suivies, mardi 8, par la décision prise par les USA et la Grande Bretagne de l’embargo sur les importations de pétrole et de gaz russes.

Sous le coup de ces mesures, le rouble s’est effondré face au dollar et à l’euro, le blocage de l’accès à SWIFT empêche le pouvoir russe d’utiliser ses réserves monétaires pour s’approvisionner sur les marchés internationaux, la Russie semble au bord de la banqueroute. La population russe en paie durement le prix, frappée par un appauvrissement brutal et une inflation qui s’envole. Quant à évaluer à quel point ces mesures influeront sur la politique de Poutine et l’inciteront à accélérer les négociations en cours entre Ukrainiens et Russes, il serait vain de s’y essayer...

Mais les armes économiques et financières que brandissent les USA et leurs complices sont à double tranchant et se retournent contre ceux qui les manient. La chute des bourses, leur instabilité, expriment les inquiétudes des capitalistes sur les conséquences de ces sanctions sur l’économie mondiale. Ces mesures frappent aussi les nombreuses entreprises d’origine européenne ou US implantées en Russie. C’est le cas entre-autres de quelque 500 entreprises françaises, dont 35 du CAC40. La question la plus cruciale est celle de la dépendance de divers États européens aux ressources venues de Russie, le pétrole, le gaz, l’aluminium, le blé… C’est pourquoi on assiste à un jeu schizophrène sur la question des sanctions économiques censées asphyxier l’économie russe. L’Union européenne a refusé de suivre les USA et la Grande Bretagne sur l’embargo du gaz et du pétrole russes, qui continuent d’alimenter l’Europe. Mais leurs cours flambent, comme ceux de l’aluminium, du palladium ou encore du blé, dont la Russie est un de principaux producteurs mondiaux. Ce qui se traduit par la hausse folle du prix des carburants, suivi par ceux des denrées alimentaires.

Certains commentateurs économiques parlent de « choc de l’offre », qui se serait effondrée. En réalité, l’envolée des cours est avant tout le produit de la spéculation qui joue sur la crainte de cet effondrement pour s’enrichir sur le dos des acheteurs, particuliers comme entreprises qui voient leurs coûts de production s’envoler. Et avec eux le coût de la vie. Selon les Echos, en zone Euro, « L'inflation va continuer de grimper, les économistes de Bank of America tablant sur une moyenne de 6 % en 2022 contre 2,6 % l'an dernier, et la croissance sera nettement plus faible qu'escomptée jusqu'ici, les risques de récession n'étant pas exclus », autrement dit la stagflation.

C’est l’illustration de la contradiction profonde dans laquelle est empêtrée l’économie mondiale, prise entre une imbrication internationale sans précédent des réseaux d’approvisionnement, de production et d’échange, et l’archaïsme de la soumission de cet appareil de production globalisé au pouvoir économique, politique et militaire de classes dominantes en concurrence les unes avec les autres. Le capitalisme financier domine l’ensemble de la planète et a intégré au marché mondial, au monde capitaliste, l’ensemble des nations. De nouveaux rapports de force se sont créés et continuent d’évoluer sous l’exacerbation de la concurrence qu’elles se livrent.

La guerre de Poutine contre l’Ukraine s’inscrit dans des rapports de force globaux en pleine évolution. On peut parler de guerre impérialiste ou inter-impérialiste au sens où les puissances engagées dans le conflit ont des politiques expansionnistes, agressives, qui nient les droits des peuples. Mais ces formules, qui renvoient à l’organisation économique du monde que décrivait Lénine en 1916 dans l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, ne décrivent pas la réalité complexe du monde d’aujourd’hui. Cela revient à plaquer des formules abstraites sur une réalité mondiale qui s’est profondément transformée à travers un siècle de luttes de classes. Les puissances qui s’affrontent aujourd’hui sur la scène géopolitique internationale sont le produit de cette histoire, leurs relations ne peuvent être comprises que dans la continuité de cette histoire.

Nous sommes aujourd’hui face à une lutte acharnée de la plus grande puissance mondiale pour maintenir sa domination en essayant d’entraîner à son service les vieilles puissances européennes et non à une lutte entre puissances impérialistes pour le partage du monde. Les unes et les autres défendent et cherchent à élargir leur zone d’influence mais ne remettent pas en cause le leadership mondial des USA qui, eux, défendent leur hégémonie. C’est en cela que les USA, l’UE, l’Otan sont les principaux fauteurs de guerre même si c’est Poutine qui a mis le feu aux poudres par son agression insensée et barbare contre l’Ukraine.

Depuis la fin des guerres coloniale, puis l’effondrement de l’URSS, les États-Unis ont engagé une offensive économique, financière militaire pour renforcer et élargir leur domination sur le monde. La première phase de cette offensive armée menée par la coalition militaire des vieux impérialismes a débouché sur un échec pour les USA avec la crise financière et économique de 2008-2009, la catastrophe de la guerre en Irak et la déroute en Afghanistan, en même temps que l’Otan déployait ses forces contre la Russie. Réponse à ces échecs, la politique engagée par Trump et poursuivie par Biden pour reconquérir le terrain perdu s’est affrontée aux ambitions et au délire grand-russes de Poutine et a plongé l’Ukraine dans une guerre qui n’est en rien un conflit local. La politique de l’État ukrainien trouve sa signification dans sa volonté de rejoindre et servir l’Otan. La discussion n’est pas de savoir s’il en a ou pas le droit, mais c’est une politique belliciste qui ne sert en rien la cause de l’indépendance de l’Ukraine, des droits des peuples et les intérêts des classes exploitées. Elle n’est pas une réponse démocratique à la folie du régime autocrate de Poutine mais s’inscrit dans l’escalade militaire de l’Otan sous la houlette de Biden.

De la guerre militaire et économique à la guerre sociale

L’agression guerrière de Poutine comme le déploiement militariste de l’Otan sont liés aux luttes de classes à l’intérieur des pays engagés, plus largement à l’évolution des luttes de classes à l’échelle mondiale. Les politiques internationales de Poutine, de Biden comme de Macron répondent aux difficultés des classes dominantes et de leurs Etats. Leur politique aggrave inévitablement les tensions sociales intérieures. Macron a tenu à prendre les devants en annonçant que « la défense de nos valeurs avait un coût », en clair ce sera le coût de la guerre que devront supporter les classes populaires alors que Total et d’autres engrangent des profits de guerre exorbitants.

Jeudi 10, sous le titre « Energie, défense, réfugiés : ce que la guerre en Ukraine va coûter aux Européens », Les Echos estimaient que le « surcroît de dépenses publiques dans l'Union européenne qui vont devoir être engagées pour faire face aux conséquences de la guerre atteint 175 milliards d'euros dès cette année », un chiffre certainement sous-estimé. Question dépenses militaires, Macron a annoncé sa volonté de les porter à 2 % du PIB d’ici 2025. Et lors de la conférence de presse de clôture du sommet européen, il s’est félicité que l’ensemble des membres de l’UE suivent le même chemin.

Il a confié à Castex la mise en œuvre d’un « plan de résilience » destiné à « accompagner » les entreprises directement frappées par les sanctions contre la Russie, de « sécuriser les approvisionnements en matières premières », de trouver des solutions pour « faire face aux fortes hausses du coût de l'énergie ». Au niveau de l’UE, c’est un « plan d’autonomie et de résilience économique » qui est en préparation.

De nouveaux titres pour une nouvelle vague des plans de relance financés sur les fonds publics. Un pas de plus dans le « quoi qu’il en coûte », selon un schéma bien rodé : emprunt des États auprès des banques privées, lesquelles pourront se débarrasser de leurs titres de dette auprès des Banques centrales… Il y a quelques semaines à peine, la FED et la BCE envisageaient, face à la montée de l’inflation, de remonter leurs taux directeurs et de réduire leur politique de rachat massif d’obligations. Le déclenchement de la guerre vient bousculer leurs plans et rendre encore plus instable la situation monétaire internationale, accentuant les risques de krach et aggravant l’endettement public dans une économie entrée en stagflation.

Les travailleurs, les classes populaires n’ont rien d’autre à attendre des gouvernements et des classes dominantes confrontées à de nouveaux reculs de leurs perspectives de profit, que le redoublement de leur guerre de classe. L’annonce par le candidat Macron de fixer l’âge de départ à la retraite à 65 ans dès sa réélection n’est qu’un petit aperçu de la guerre sociale qu’il se prépare à mener, plus exactement à poursuivre en l’aggravant. Comme le feront ses congénères du monde entier.

Les travailleurs et les peuples détiennent les réponses, la lutte contre la guerre, c’est la lutte pour le socialisme

L’union nationale, la solidarité derrière « notre » gouvernement et « notre » armée que nous demandent l’ensemble des candidats institutionnels à la présidentielle au nom d’une prétendue défense de la « démocratie » face à l’« autocratie » est une imposture. Ainsi, Mélenchon dit croire « à l’indépendance de la France et à la nécessité de construire une souveraineté dans le domaine militaire et dans le domaine de la géopolitique », à « Une France indépendante au service de la Paix » … Comme si le mot « indépendance » avait un sens dans un monde où tous les réseaux économiques sont enchevêtrés ! Comme si le mot « paix » avait un sens dans un monde soumis à la lutte acharnée et barbare entre puissances super-armées gouvernées par la seule loi du profit et de la concurrence, dominées par la volonté d’hégémonie des USA !

En 1938, dans un article intitulé Après Munich, une leçon toute fraîche, [1] Trotsky écrivait : « Substituer des abstractions politiques ou morales aux objectifs réels des camps impérialistes opposés, ce n'est pas lutter pour la démocratie, mais aider les brigands à déguiser leurs vols, leurs pillages, leurs violences. » C’est aider les brigands à tenter de détourner les travailleurs de leurs intérêts de classe pour les enrôler, les armes à la main, dans des combats contre leurs frères de classe.

Il est plus que jamais nécessaire de refuser de se laisser détourner de la boussole de classe, ici, en Ukraine, en Russie, comme partout. C’est pourquoi la seule aide véritable que puissent apporter des militants du mouvement ouvrier aux travailleurs, au peuple ukrainien, c’est d’abord se battre contre leur propre bourgeoisie, refuser l’union nationale et le redéploiement militaire de l’Europe. C’est se battre pour l’accueil des réfugié.e.s. C’est, par notre propre indépendance de classe, les aider à prendre conscience que leur sort ne dépend que de leur capacité à s’organiser sur des bases de classe, sauver leur vie les armes à la main contre leurs agresseurs, mais en sachant que leur ennemi est aussi dans leur propre pays, dans le gouvernement Zelensky, son Etat et son armée où prolifèrent les sbires d’extrême droite.

En finir avec la guerre, comme avec la dictature de Poutine, conquérir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne pourra se faire, pour les peuples et les travailleurs d’Ukraine qu’en relation avec ceux de Russie auxquels des liens historiques les rattachent. Il est impossible d’avancer contre la barbarie du monde capitaliste en faillite d’aujourd’hui sans œuvrer à construire l’union des travailleurs par-delà les frontières pour marcher vers le socialisme.

Daniel Minvielle

[1] Trostky, Après Munich, une leçon toute fraîche : https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/10/381010.htm

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