« Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire » ; « un irresponsable n’est plus un citoyen »… Macron a repris les méthodes démagogiques et provocatrices de Sarkozy et de l’extrême-droite pour tenter de masquer son incurie et sa panique en désignant des boucs émissaires. Il en a rajouté lors de la conférence de presse vendredi avec la présidente de la Commission européenne Ursula Van der Leyen : « J’assume totalement […] La vraie fracture du pays est là, quand certains font de leur liberté, qui devient une irresponsabilité, un slogan ». Sans blague, mais la « liberté » des classes dominantes, elle, n’a rien d’un slogan ! Cette liberté bien sonnante et trébuchante plonge la société dans le chaos. La fuite en avant de l’infime minorité des possédants, financiers, grands actionnaires, pour maintenir leurs profits dans un système économique à bout de souffle, a des conséquences dramatiques pour les 99 %.
Macron prépare la suite, l’intensification de la guerre de classe et stigmatise les non-vaccinés pour tenter de diviser, paralyser. Pécresse, pas en reste, veut « ressortir le kärcher de la cave ».
Sans surprise, le bruit et la fausse fureur retombés après les propos cyniques de Macron, les députés ont très majoritairement adopté le projet de loi sanitaire en première lecture. Un peu plus tôt, au Sénat, Castex avait assuré le service après-vente : « Qui outrage la nation ? Qui fracture la nation ? Qui conduit les soignants dans nos urgences à faire des choix éthiques dramatiques ? ».
Ceux qui se relaient au pouvoir depuis 30 ans ont fermé 100 000 lits d’hôpitaux, dont 5700 sur la seule année 2020 en plein Covid. Ils ont créé une pénurie jamais vue de soignants et de médecins, rendant l’accès à la santé extrêmement difficile à des millions de personnes en secteur rural comme en pleines métropoles. Ils n’ont eu de cesse de couper dans les dépenses publiques pour mieux alimenter la machine à profits. Ils ont méthodiquement délabré l’ensemble des services sociaux, les services publics et en particulier l’hôpital, aujourd’hui paralysé par 20 000 patients covid alors que cinq fois plus de lits ont été fermés ! Non seulement les médecins ne peuvent prendre en charge tous les patients qui nécessitent des soins de réanimation mais des dizaines de milliers de personnes voient leurs soins, leurs interventions, leurs examens reportés avec des conséquences parfois dramatiques.
Depuis des années, les luttes se succèdent contre les fermetures de services et hôpitaux, la pénurie de personnels et médecins. En 2019, les Urgences de tout le pays étaient en grève. En janvier 2020, plus de 1000 chefs de services hospitaliers posaient leur démission administrative. La réponse du gouvernement a été de pointer du doigt ceux qui « abuseraient du système », il vient d’instaurer un forfait urgences de 19,61 euros qui touche les plus précaires !
Sans plan massif, immédiat, d’embauches et de réouvertures de lits, le système de santé ne peut que s’effondrer davantage, incapable de faire face à une quelconque nouvelle épidémie ou autre évènement provoquant un afflux de malades. « Pas possible » d’embaucher nous explique Véran, puisqu’il n’y a pas de personnel « sur le marché ». Mensonges pour de nombreuses catégories ! Et pour les autres, en 2 ans depuis le début du Covid, deux promotions d’aides-soignantes auraient pu être formées, soit plusieurs dizaines ou centaines de milliers, et autant d’infirmières pourraient être diplômées d’ici un an si les portes des écoles avaient été ouvertes ! Cela changerait déjà beaucoup la situation au lieu d’assister à une multitude de démissions de personnels épuisés et écœurés.
Mais ces mesures d’urgence évidentes ne sont pas au programme des classes dominantes et de leurs personnels politiques quels qu’ils soient… pas plus que l’augmentation générale et massive des salaires. Bien au contraire, leur programme c’est tout faire pour que la machine tourne, que les profits ne toussent pas en ouvrant toujours plus le robinet d’argent « magique » !
Pour cela il faut accroître la pression sur les premier.es de corvée. Peu importe les transports en communs bondés, les risques d’une réduction de la période d’isolement, les personnels hospitaliers positifs asymptomatiques contraints de continuer à travailler.
Le pass vaccinal, la police sanitaire, les tentatives de culpabilisation, les stigmatisations, les provocations visent à contraindre les travailleurs, les pauvres, la jeunesse, à tenter de faire diversion, à détourner la colère grandissante pour essayer de retarder les explosions sociales.
Mais l’arrogance et le mépris de Macron peuvent se retourner contre l’envoyeur. Samedi, une remobilisation de Gilets jaunes et de personnes écœurées par les provocations de Macron est venue gonfler les manifestations contre le pass vaccinal, trop souvent dominées par l’extrême droite, pour dire haut et fort « Macron, on t’emmerde ! ».
La panique du gouvernement est patente, en particulier dans les écoles où enseignants et parents sont excédés face aux injonctions contradictoires et intenables de Blanquer. Son seul objectif est que les parents continuent d’aller au travail, sans donner de moyens supplémentaires aux enseignants… au risque d’une explosion des cas positifs et contacts ! L’incurie est telle que les directions syndicales viennent de lancer un appel à la grève dans l’éducation le 13 janvier.
Faire tourner la machine à profits « quoi qu’il en coûte »
Le 3 janvier, Le Maire a présenté un train de nouvelles mesures pour les patrons, lui qui avait annoncé la fin de cette politique en août dernier. Pour toutes les entreprises touchées par les nouvelles restrictions, l’Etat assure la prise en charge de 100 % de l’activité partielle à partir d’une perte de 65 % du chiffre d’affaires (contre 80 % auparavant) et rembourse les coûts fixes à partir de 50 % de perte (contre 65 % auparavant).
Vendredi, lors de ses vœux à la presse, Le Maire a surenchéri… pour le prochain quinquennat. Au nom de la « reconquête industrielle », il veut poursuivre les baisses d’impôts de production et diminuer les cotisations pour les hauts salaires, au-delà du seuil actuel de 2,5 SMIC... Une fuite en avant qui va ruiner un peu plus la sécurité sociale pour aller ruisseler dans le casino boursier !
La machine à subventionner les profits tourne à plein. Une machine alimentée par l’intensification de l’exploitation, par l’appauvrissement des travailleurs et des classes populaires, par le laminage de tous les budgets publics comme vient de le rappeler Macron dans son interview du Parisien : « Le quoi qu’il en coûte, c’est 15 % du PIB […] Oui, cette dette il va falloir la payer. Mais avec de l’activité. Moi, tant que je serai dans mes fonctions, il n’y aura pas d’augmentation d’impôts. C’est par notre capacité à produire davantage et exporter, que nous pourrons progressivement dégager les surplus qui permettront de rembourser la dette »… Moins d’impôts pour les riches et plus d’exploitation pour l’ensemble des travailleurs !
Salaires, licenciements, la colère du monde du travail s’exprime
Alors que la question des salaires est partout, Castex l’a redit cette semaine, pas de coup de pouce au SMIC (+ 0,9 %). Les retraites augmentent de +1,1 % alors que l’inflation est de 2,8 %. Quant au point d’indice de la fonction publique, il restera gelé, dans la continuité des politiques menées depuis 10 ans.
Une politique insupportable pour les classes populaires alors que l’INSEE estime l’augmentation du budget énergie des ménages à + 64 € par mois : + 41 % pour le gaz, + 21 % pour les carburants, + 3 % pour l’électricité. Les prix des produits alimentaires ou de première nécessité flambent. Le cours du blé a augmenté de 65 %, le coton atteint son plus haut niveau depuis 10 ans.
Les grèves se multiplient dans les entreprises, sur les salaires à l’occasion des NAO (négociation sur les salaires), contre les licenciements comme à la SAM de Decazeville où les travailleurs appellent à une manifestation à Paris le 12 janvier.
Les directions syndicales n’ont, quant à elle, aucun plan de bataille pour affronter la politique des classes dominantes. A la recherche d’un dialogue social impossible, elles continuent à égrainer les « journées d’action » au coup par coup, sans aucune perspective d’ensemble.
Le 11 janvier, la CGT a appelé à une journée de grève dans la santé et le secteur social à laquelle se sont joints plusieurs autres syndicats et collectifs. Cela sera l’occasion pour bien des personnels, médecins de dire leur colère et rompre avec le piège de « l’union nationale » sanitaire. Le 13 janvier, ce sera le tour de l’Éducation nationale.
Le 27 janvier, enfin, la CGT, FO, FSU, Solidaires et les syndicats lycéens et étudiants appellent à une grève interprofessionnelle sur les salaires. Les suites de cette journée ne pourront venir que de la base, des équipes militantes elles-mêmes, de leur capacité à nouer des liens, à se coordonner pour en faire un succès et discuter d’une politique.
Nous ne pouvons nous limiter comme le fait la campagne de la direction de la CGT au thème « augmenter les salaires, c’est possible », « c’est bon pour l’économie », se justifiant pour rester dans le cadre du « dialogue social » avec le gouvernement et le patronat. La lutte pour les salaires pose au contraire l’urgence d’affirmer nos exigences, nos besoins sans les limiter à ce qui serait bon pour l’économie c’est à dire compatible avec la concurrence capitaliste qui fait exploser les inégalités.
Un programme global pour répondre à leur incurie
La politique du gouvernement et du Medef démontre leur incapacité à répondre tant à la question sanitaire qu’à la question économique, sociale. Ils deviennent d’efficaces propagateurs de l’idée qu’il n’y a pas d’issue sans remise en cause de leur système. C’est bien de cela dont nous avons besoin de discuter pour préparer le 27 janvier à la base, dans les UL, entre militants de différents syndicats, salariés de différentes entreprises, collectifs interpros, Gilets jaunes, non syndiqués, jeunes précaires, intérimaires… S’organiser, discuter d’un programme pour nos luttes et changer le monde maintenant.
Face à la paupérisation des travailleurs et des classes populaires, il faut non seulement imposer une augmentation de 300 euros nets par mois et pas de revenu inférieur à 1800 euros net, mais aussi poser la nécessité du contrôle sur les prix par les travailleurs et la population, seul moyen d’imposer une réelle échelle mobile des salaires.
Face aux licenciements, il n’y a pas d’issue dans les « repreneurs » ou les « pouvoirs publics », qui distribuent bonnes paroles et subventions, sans contester le pouvoir des patrons de licencier comme bon leur semble. Il nous faut imposer l’interdiction des licenciements, imposer la répartition du travail entre tous sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes, socialiser les entreprises qui licencient alors qu’il y a tant de besoins.
De la même façon, il n’y aura pas de réponse à la crise sanitaire sans l’intervention directe de l’ensemble du personnel soignant comme de la population.
Les classes dominantes et leurs serviteurs entraînent la société dans un marasme sans fin. Il n’y a pas de réponse sans l’intervention du monde du travail et des classes populaires pour mettre en œuvre les mesures indispensables pour protéger la santé et les conditions de vie, mettre en œuvre une autre façon de produire, basée sur la planification démocratique et la coopération et non sur la mise en concurrence généralisée.
Dans un article de Médiapart du 4 janvier[1] intitulé « Le gouvernement a renoncé à toute réponse économique globale à la crise sanitaire », Romaric Godin écrit : « La réalité est bien que face à l’émergence de l’imprévu, la planification d’une production qui assume de ne pas être destinée uniquement à des besoins immédiats est la seule solution. Tout cela, bien entendu, doit s’accompagner d’une refonte complète des chaînes de production et d’approvisionnement ».
C’est vrai, il ne peut y avoir d’issue sans changer de mode de production, stopper la fuite en avant du capitalisme sénile et, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement, sans révolution démocratique, sans le contrôle de la population sur la marche de la société.
Isabelle Ufferte, Laurent Delage
[1] https://www.mediapart.fr/journal/economie/040122/le-gouvernement-renonce-toute-reponse-economique-globale-la-crise-sanitaire