Trame de l’Intervention d’Yvan Lemaitre au débat « Quelle organisation pour les anticapitalistes et révolutionnaires » dans le cadre de l’Université d’été du NPA

Je voudrais faire une première remarque pour préciser l’objet de la discussion : la vraie question qui se pose à nous n’est pas celle de l’organisation dont nous avons besoin mais bien plutôt celle de l’organisation dont les classes exploitées ont besoin pour leur émancipation par elles-mêmes et comment nous pouvons œuvrer à la construction d’un tel parti.

Je suis militant du courant Démocratie révolutionnaire, du NPA, un courant dont l’histoire illustre les difficultés de l’extrême gauche à définir une stratégie de construction du parti dont les classes exploitées ont besoin. Notre courant est né de notre exclusion-rupture avec Lutte ouvrière au lendemain de l’élection présidentielle et du mouvement de novembre décembre en 1995 après qu’Arlette Laguiller avait appelé à la construction d’un parti des travailleurs, appel rapidement remis dans sa poche. Après avoir créé Voix des travailleurs nous avons fusionné avec la LCR puis participé à la majorité qui prit l’initiative de fonder le NPA qui était pour nous une possibilité de tenter de répondre à la dérobade de LO.

Aujourd’hui, nous sommes un courant minoritaire du NPA, non une fraction, mais un courant politique. Nous étions en désaccord avec la recherche d’alliance avec LFI qui a scissionné le NPA en Nouvelle Aquitaine et nous ne nous reconnaissons pas dans la candidature de Philippe Poutou.

Nous pensons en effet que les axes autour desquels doit s’organiser le travail de construction d’un parti des travailleurs sont l’indépendance de classe, l’indépendance vis-à-vis des institutions et de la gauche, l’internationalisme, la lutte pour l’auto-organisation des travailleurs, leur contrôle sur la marche de la société dans l’objectif de la conquête du pouvoir.

Nous pensons que le NPA occupe encore une place indispensable au sein du mouvement révolutionnaire. Il représente une riche expérience en particulier par le processus qui a présidé à sa formation même s’il doit se refonder au regard de sa propre crise et de la situation sociale et politique.

Il représente un processus original qui a eu le mérite de rompre avec les conceptions fondées sur un prétendu modèle, bolchevique, centraliste-démocratique ou autre modèle de parti d’avant-garde autoproclamé.

Aujourd’hui sa refondation s’inscrit dans un débat plus large qui concerne l’ensemble du mouvement révolutionnaire, ce qui est le thème de notre débat où se retrouvent avec des camarades de la direction du NPA, des camarades de l’UCL, de Rejoignons nous et de Se Fédérer.

Dans le peu de temps qui nous est imparti, j’essaierai de définir les axes et principes qui devraient guider notre démarche.

Se penser comme parti du monde du travail

Le point de départ est marqué par deux faits : le premier est le constat des grandes difficultés que connaît le mouvement ouvrier dont sa fraction révolutionnaire et le deuxième est la prise en compte des bouleversements historiques en cours. Les deux nous obligent, d’une façon ou d’une autre, à un bilan critique des raisonnements de la génération d’après 68 qui restait prisonnière, disons de façon schématique, de sa situation d’opposition à la social-démocratie et au stalinisme.

Il nous faut aussi prendre en compte le discrédit voire le rejet non seulement de la forme parti mais des partis en général, vus soit comme attachés à la seule défense de leurs intérêts dans le cadre institutionnel, soit comme des structures autoproclamées détentrices d’une vérité et faisant la leçon ou expliquant ce qu’il faut penser et faire.

Penser une politique de parti des exploité.e.s suppose une totale indépendance de la gauche institutionnelle, une rupture avec toutes les caricatures du marxisme bien sûr, de la social-démocratie et du stalinisme mais aussi les déformations du mouvement révolutionnaire lui-même, caricatures engendrées par une longue période de recul social, de stagnation politique.

Nous ne somme pas les héritiers d’une théorie toute faite mais des praticiens du marxisme qui intègrent les transformations des conditions des luttes de classes dans une évolution globale pour en dégager les lignes d’une stratégie. Il nous faut faire vivre, collectivement, le marxisme, un marxisme démocratique et révolutionnaire, un marxisme libertaire diraient nos camarades de l’UCL, en rupture avec toutes les conceptions qui ont vu dans le stalinisme voire dans la pensée Mao Tsé Toung « un marxisme ».

Plutôt que de ressasser les formules toutes faites héritées des acquis révolutionnaires d’il y un siècle, nous avons besoin d’intégrer les données de la nouvelle période qui donne un nouveau contenu au débat stratégique, écrire notre propre page.

Partir de l'existant, une politique pour unir nos forces

On doit partir de l’existant, de ce que nous sommes, d’un état des lieux du mouvement révolutionnaire pour nous émanciper des logiques sectaires et fractionnelles, des divisions, prendre en compte nos faiblesses plutôt que, souvent, croire à la pensée magique et à la force des mots d’ordre. Pour remettre sur pied les raisonnements, partir de la réalité du mouvement révolutionnaire rend primordiale la politique d’unité des révolutionnaires, non un œcuménisme mais une orientation, une pratique militante qui définit une stratégie qui répond aux besoins nés de la situation concrète.

Se donner les moyens de rassembler nos forces oblige à la fois à la recherche d’activités et interventions communes et, sur le fond, à discuter non pour démontrer les divergences mais dans une démarche visant à définir les convergences.

Cette absence de politique unitaire cohérente rend compte de l’échec des deux principaux courants du mouvement révolutionnaire en France, le courant de l’UCI, LO, et le courant de la IV, issu de la LCR encore divisé entre des camarades ayant rejoint LFI et ceux qui constituent la plus forte minorité du NPA en recherche d’alliance avec LFI. L’unité, le regroupement des révolutionnaire ne peut être féconde que dans la clarté politique.

C’est aussi une des leçons de l’histoire du NPA. Revenir sur les faiblesses passées du NPA permet d’imaginer les réponses à apporter à sa crise et aussi de préciser le contenu d’une démarche d’unité des révolutionnaires. Le projet du NPA ne pouvait aboutir qu’à condition d’être capables de surmonter les faiblesses et limites de sa fondation, le flou des orientations stratégiques. A défaut de le vouloir et surtout de le pouvoir, le NPA est allé de crise en crise. Cette dernière année l’illustre parfaitement.

Pour moi, la démarche est celle que nous avions proposée à la direction du NPA, qui a fait l’unanimité lors d’un vote du CPN de juillet 2020 avant d’être boycottée : la démarche qui place au premier plan la question stratégique non comme une simple proclamation révolutionnaire volontariste mais comme la capacité de comprendre les évolutions en cours pour définir une politique pour le prolétariat… Et construire à partir des mobilisations l’outil, l’instrument de la mise en œuvre de ce programme, la conquête du pouvoir par les travailleurs.

Ne pas craindre le débat stratégique et programmatique

Dans son dernier livre Figures du communisme, quelles qu’en soient par ailleurs les limites, Frédéric Lordon rediscute à juste titre du contenu de l’idée de transition qui pour le mouvement trotskyste a de fait été réduit à une série de mesures d’urgence sans que soit construite l’idée même de transition, c’est-à-dire de transition du capitalisme au socialisme, le processus révolutionnaire.

Aujourd’hui, la faillite du capitalisme souligne la nécessité de construire le lien entre exigences sociales, démocratiques, écologiques, les mobilisations et le processus révolutionnaires.

Le socialisme ou le communisme ne sont pas un idéal, un projet de société mais, pour paraphraser Marx, le mouvement réel d’abolition de l’ordre social existant et la compréhension de la nature, des conditions et des buts généraux adéquats de la lutte menée par le prolétariat en vue de son émancipation, c’est-à-dire la conquête du pouvoir, de la démocratie, du droit de décider de la marche de la société, de la diriger.

Notre politique vise à formuler une réponse globale à la crise globale du capitalisme, elle ne se limite pas à la contestation capital-travail mais pose la question de la transition du capitalisme au socialisme, la question du changement de notre mode de production.

C’est ce qui devrait imprégner notre campagne présidentielle quel.le que soit la ou le candidat derrière lequel les uns ou les autres se regrouperont ou… se diviseront.

Nous pensons pour notre part que se présenter en concurrence est une nouvelle illustration de l’impasse dans laquelle s’enferre le mouvement révolutionnaire. Certes LO en porte une large responsabilité mais la direction actuelle du NPA la partage largement, elle qui préfère la recherche d’accord avec la LFI ou la dite gauche de la gauche plutôt que de travailler à l’unité des révolutionnaires.

Une nouvelle période s’est ouverte

Parler d’une nouvelle période historique n’est pas une proclamation mais représente la prise en compte de l’évolution du capitalisme et des luttes du prolétariat dans le monde.

La crise économique de 2008 - 2009, l’explosion de la pandémie et de la catastrophe écologique en cours, le bouleversement des rapports internationaux dont la déroute des USA et de leurs alliés en Afghanistan est la marque, les soulèvements populaires à partir de 2011, ici depuis 2016, les GJ et aujourd’hui, la rupture du monde du travail avec les organisations intégrées aux institutions, rupture avec le dialogue social mais dans une grande confusion politique.

C’est à partir de ces mobilisations que pourra naître un parti des travailleurs.

Agir à travers les collectifs de lutte, les interpros, les cadres larges apparus ces dernières années comme dans les syndicats ou au sein du monde du travail et de la jeunesse.

ll n’y a pas de séparation entre la question sociale et politique. Chaque mobilisation pose la question de l’organisation des travailleurs par eux-mêmes, de la conquête de la démocratie, du contrôle, du pouvoir.

Yvan Lemaitre

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