La campagne des régionales commence officiellement ce lundi. Prélude à la bataille de la présidentielle, elle se déroule dans un contexte d’offensive réactionnaire contre le monde du travail, de surenchères et de délitement des partis institutionnels. La décomposition politique s’accélère. Une majorité de ce qu’il reste de la gauche institutionnelle a été jusqu’à se mettre au garde-à-vous devant Darmanin et ses préfets aux côtés des Le Pen, Bertrand, Zemmour et autres Bigard… pour chanter les louanges de la police « républicaine » et de « l’Etat français ». Comme si celui-ci n’était pas au service des classes dominantes, de la finance, des milliardaires « français » face aux exigences sociales et démocratiques des travailleur.ses, de la jeunesse. Outre les « bavures » à coups de grenades lacrymogènes ou tirs de LBD dans les quartiers populaires, contre les gilets jaunes et celles et ceux qui contestent leur société, cette police a récemment été envoyée gazer et tenter de disperser, à Paris, celles et ceux qui étaient venus dire leur solidarité avec le peuple palestinien. Il y a quelques jours, devant le site de pôle emploi, un policier jetait au sol la députée LFI Bénédicte Taurine venue soutenir les agriculteurs manifestant à l’appel de la Confédération paysanne. Si cette agression, filmée, a été condamnée par une partie du monde politique, c’est essentiellement pour l’outrage fait à la fonction. Le vice-président LREM de l’Assemblée nationale s’est même senti obligé de témoigner de sa « solidarité républicaine » : « la violence employée à l'endroit d'une élue de la Nation, arborant son écharpe tricolore, est inqualifiable et inadmissible ». La répression des manifestants, elle, est dans l’ordre des choses.

Et pendant que droite et gauche convoquent de concert la République et qu’une très grande majorité des partis institutionnels jouent de la fantasmagorie « sécuritaire », tout ce que le pays compte de réactionnaires se frotte les mains, de Macron à Le Pen. Les sondages des régionales annoncent sans surprise une poussée de la droite et de l’extrême droite à l’échelle nationale. En PACA, Mariani (RN) est donné largement en tête au premier tour et fait jeu égal au second avec Muselier (LR-LREM) à 50 % chacun. La jolie fable du « printemps marseillais » y semble bien loin.

Quant aux sondages pour la présidentielle, ils n’excluent pas une victoire de Le Pen, éventualité qu’une partie de plus en plus grande de l’appareil d’État, des institutions, de la presse anticipe et prépare… en tentant de préparer l’opinion.

Mais l’offensive du bloc réactionnaire a beau essayer de masquer tout ce que la situation porte de perspectives progressistes, d’instrumentaliser les préjugés, les peurs irrationnelles, elle ne peut empêcher que s’exprime le rejet de cette société profondément inégalitaire et violente. Les sondages et les pourcentages rendent compte de manière bien déformée de la prétendue « opinion ». Le grand cirque électoral et les tractations, négociations, marchandages et autres psychodrames qui y président sont à des années-lumière des préoccupations, des aspirations, des urgences du monde du travail et de la jeunesse partout confrontés à une situation dramatique, une misère grandissante, l’impasse du capitalisme.

L’aspiration à « un autre monde », à la coopération et l’entraide, à l’égalité, la dignité, la solidarité s’exprime dans chaque mobilisation, chaque manifestation. Le besoin d’en finir avec la misère, la contestation du pouvoir d’une minorité parasite, de la dictature de la finance et du pouvoir policier, rétrograde à ses ordres, cherchent partout le moyen de s’exprimer.

Le vieux monde est au bord de la faillite, un nouveau monde prend progressivement conscience de lui-même à travers les affrontements, les soulèvements qui secouent la planète depuis des années et résonnent dans chaque pays, au plus profond des quartiers, du monde du travail.

Dans ce contexte, la phase électorale, des régionales à la présidentielle, est un moment important où sont en train de s’écrire les nouveaux rapports de forces politiques et s’affrontent les intérêts et logiques de classe. Ce moment de politisation où la question du pouvoir est posée, même de façon déformée et institutionnelle, est l’occasion pour les anticapitalistes révolutionnaires de porter à une large échelle la contestation de la domination des classes dominantes, de la propriété capitaliste et la nécessité d’un plan pour le monde du travail pour imposer son contrôle sur l’économie et la société. Des perspectives et une politique qui nécessitent une totale indépendance des partis et logiques institutionnels.

Face à l'offensive réactionnaire, un plan pour nos droits et le contrôle par les travailleurs, pour changer le monde

Face à la menace de l’extrême droite, au bloc réactionnaire qui tente de diviser le camp des travailleurs pour mieux mener l’offensive des classes dominantes, il n’y a pas d’autre voie que d’engager la lutte pour défendre nos propres intérêts, ceux de l’ensemble du monde du travail, de la jeunesse.

Aucune réponse aux urgences sociales, sanitaires, économiques, écologiques ne peut être apportée dans le cadre du système capitaliste. La campagne des régionales illustre l’absence totale de réponse aux questions clés par la gauche dans toute sa diversité. Du bloc allant d’ex LREM à LFI en Haute Loire à une alliance LFI-PCF en Ile de France en passant par l’« unité » de toute la gauche en Hauts de France ou sans LFI en PACA, jusqu’aux alliances LFI avec une partie du NPA en Occitanie et Nouvelle Aquitaine, ces listes vendent les mêmes illusions et ont bien du mal à masquer les calculs politiciens qui président aux accords et rivalités dont le seul objectif est de gagner ou sauver quelques postes dans les exécutifs régionaux et départementaux. Le tout sans quitter des yeux la présidentielle, ce qui demande une souplesse d’échine remarquable que la gauche gouvernementale entretient depuis des décennies. Et chacun à gauche a beau jurer de sa différence et de la pureté de ses intentions, la diversité des accords d’appareils entre les régions ou entre… les régionales et les départementales sur les mêmes cantons donne la mesure de la sincérité des « programmes » !

Alors on ne peut que vivement regretter le ralliement de camarades du NPA à LFI en Occitanie et Nouvelle Aquitaine, abdiquant de fait d’une politique indépendante des révolutionnaires et anticapitalistes pour se faire les auxiliaires d’une politique institutionnelle, sur les bases de la France insoumise qui inclut les régionales dans sa démarche pour la présidentielle, ce qu’Alexis Corbière n'a pas manqué de rappeler en meeting à Bordeaux... Et les quelques tentatives des camarades sur ces listes de porter une voix une peu différente ne font que souligner à quel point ces listes sont en contradiction avec les perspectives que nous portons.

Il est clair que les travailleurs, les classes populaires, ont besoin de leur propre plan posant la question de leur contrôle sur la société pour sauvegarder leur santé et leur vie, leur emploi et leur salaire, l'avenir de la société et de la planète. Les révolutionnaires, alors même que les exigences du monde du travail commencent à se déconfiner, ont la responsabilité de porter, y compris dans les élections, une réponse de classe à la décomposition de la gauche comme à la paralysie syndicale en avançant une perspective en totale indépendance des institutions, qu’elles soient parlementaires ou cadres du dialogue social.

C’est la raison pour laquelle le Conseil politique national du NPA a adopté une motion à propos des régionales qui se conclut ainsi : « Nous pensons qu’il est indispensable que s’exprime sans ambiguïté un vote de classe, indépendant des partis institutionnels. Les élections sont l’occasion de défendre nos idées révolutionnaires et un programme de mesures d’urgence anticapitaliste. En l’absence du NPA sur une telle ligne, que nous regrettons, nous appellerons à voter pour des listes de candidats révolutionnaires, celles de Lutte Ouvrière, de travailleuses et travailleurs qui expriment une perspective de renversement du système capitaliste ». https://lanticapitaliste.org/actualite/vie-interne/deux-motions-adoptees-au-cpn-du-npa-22-23-mai-2021

A la présidentielle, être la voix des travailleurs, porter une politique de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires

Dans ce contexte de régression économique, sociale et politique, de course au profit, de concurrence capitaliste mondialisée et d’incurie des classes dominantes face à la crise sanitaire, sans autre politique qu’une offensive réactionnaire qui nourrit et rend possible la victoire de l’extrême-droite, il est indispensable que se fasse entendre à la présidentielle une voix portant une perspective de convergence des colères et des luttes pour changer le monde.

Il est de la responsabilité des militant.e.s du NPA dans leur ensemble de se donner les moyens, politiques et démocratiques, pour tenter de surmonter nos divisions, définir ce qui nous rassemble afin de faire face ensemble aux enjeux en nous donnant les moyens de présenter un.e candidat.e portant ces perspectives.

Mais cela ne peut se faire sans politique vis-à-vis de l’ensemble des révolutionnaires et en premier lieu vis-à-vis de Lutte Ouvrière. Car porter la perspective de l’unité du monde du travail pour une transformation révolutionnaire de la société, la prise en main par les travailleurs eux-mêmes de l’économie, leur contrôle sur le fonctionnement de la société, ne peut se faire sans œuvrer dans le même temps à l’unité des anticapitalistes et révolutionnaires.

La superbe ignorance dont se satisfont aujourd’hui les différents bouts du mouvement révolutionnaire, en France comme à l’échelle internationale, est ridicule et irresponsable. Comme si l’un ou l’autre avait à lui seul « la » solution ou était le pôle incontestable autour duquel les autres devraient se regrouper. Ou comme s’il suffisait d’attendre que l’un ou l’autre « fasse ses preuves », sorte de darwinisme en matière de stratégie révolutionnaire… Cet aveuglement étrange, ce sectarisme, cette autojustification font de fait miroir au suivisme d’une autre fraction du mouvement.

Tout dans la situation politique ne peut que pousser les révolutionnaires à œuvrer à leur regroupement et on ne peut qu’être raisonnablement confiant dans nos capacités collectives à en saisir la nécessité, mais dans quels délais ?

Les obstacles et freins sont loin d’être insurmontables mais bien réels. Lutte Ouvrière a certes su se donner les moyens de porter sa propre candidature en espérant franchir l’obstacle des 500 parrainages d’élus, mais sans envisager un seul instant d’avoir une politique vis-à-vis du NPA dont elle connaît parfaitement les débats. Quant à la présence du NPA, elle dépend de la capacité collective de ses militants à surmonter ses divisions actuelles. Ce qui nécessite d’imposer le respect de la démocratie en réponse aux menaces d’exclusion ou scissionnistes.

Nous avons encore la possibilité de relever le défi en nous donnant les moyens de nous regrouper autour d’un.e candidat.e portant une perspective de classe qui militera pour le rassemblement des forces des anticapitalistes et révolutionnaires. Ce.tte candidat.e ne pourra évidemment pas être de ceux et celles aujourd’hui engagé.es dans une alliance avec LFI pas plus que de celles et ceux engagé.es dans une surenchère scissionniste. Sans exclure aucune autre possibilité, le mieux à même de rassembler nos forces et de contribuer à la popularisation de nos idées serait Olivier Besancenot en prenant toutes ses responsabilités dans notre combat collectif.

Quoi qu’il en sera, nous ne participerons ni directement ni par défaut à une démarche pouvant aboutir au vote pour Jean-Luc Mélenchon. Si nous échouions à présenter un.e candidat.e sur une base claire d’indépendance par rapport à la gauche institutionnelle, nous ferions notre propre campagne pour la seule candidate révolutionnaire qu’il y aurait alors, Nathalie Artaud.

Isabelle Ufferte

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