La révolte de la jeunesse et de la population palestiniennes, partie d’un quartier de Jérusalem-est, s’est étendue en une quinzaine de jours à tous les secteurs de la population palestinienne malgré la violence de la répression, le morcellement de son territoire et la diversité de ses statuts qui lui a été imposée par plus de 70 ans de colonisation. Des millions de manifestants à travers le monde ont crié leur solidarité avec les Palestiniens et dénoncé les bombardements meurtriers de l’armée israélienne sur Gaza. Vendredi, après 12 jours de ce déluge de bombes qui a fait plus de 230 morts et près de 2000 blessés dans la population gazaouïe, Israël a dû concéder un cessez-le-feu.
Un soulèvement général contre l’oppression coloniale sioniste
L’État israélien se croyait tout permis, fort qu’il est du soutien indéfectible des dirigeants des grandes puissances occidentales et des accords signés récemment, sous la houlette de Trump, avec des puissances régionales arabes soucieuses de s’intégrer dans le nouvel ordre mondial capitaliste.
Pour garder le pouvoir au milieu d’une crise politique qui a vu se succéder 4 élections législatives en deux ans, empêtré par ailleurs dans les conséquences de son inculpation dans des affaires de corruption, Nétanyahu n’a cessé de donner des gages aux groupes les plus virulents de l’extrême droite sioniste. L’expulsion programmée par les tribunaux israéliens de 4 familles palestiniennes de Sheikh Jarrah, installées dans ce quartier depuis 1956, fait partie de l’offensive du gouvernement et de ces courants ultra-réactionnaires pour vider Jérusalem-est de ses habitants palestiniens et faire de Jérusalem la capitale d’Israël comme leur allié Trump l’avait de fait acté en y faisant déplacer en 2018 l’ambassade américaine située auparavant à Tel-Aviv.
La police et l’armée israéliennes, placées en état d’alerte à Jérusalem, en Cisjordanie mais aussi dans les villes israéliennes dans lesquelles résident des Palestiniens, sont intervenues brutalement à Sheikh Jarrah, aux côtés des colons juifs, contre les familles et leurs soutiens mais aussi sur l’esplanade des mosquées qu’elles ont occupée, empêchant des Palestiniens venus en bus d’accéder à la vieille ville de Jérusalem et allant jusqu’à lancer des grenades de désencerclement et de gaz lacrymogènes à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa le 10 mai, lors de la nuit la plus sacrée de l’islam. Des centaines de manifestants ont été blessés à Jérusalem. Les voyous d’extrême droite qui mènent des pogroms contre les Palestiniens aux cris de « Mort aux Arabes », dans plusieurs villes d’Israël en particulier Lod, ont été assurés de l’impunité par Nétanyahu et son ministre de l’intérieur Benny Gantz. Mais ils se sont heurtés à la résistance de Palestiniens, des jeunes en particulier. A Gaza, les manifestations de solidarité ont été immédiates. Le 18 mai, une grève générale de protestation contre la répression et les bombardements sur Gaza a été suivie par les Palestiniens dans l’ensemble du pays.
C’est toute la population palestinienne, malgré le morcellement de son territoire par l’État israélien, qui s’est soulevée, exprimant la conscience qu’il ne pourra y avoir de fin aux persécutions et aux humiliations qu’elle subit depuis 73 ans sans son intervention propre et sa révolte.
Les dirigeants de la bourgeoisie israélienne n’ont jamais cessé, en effet, de réduire son territoire, ses droits et ses ressources. La bande de Gaza a été transformée en camp de relégation, la population qui s’y entasse littéralement tellement elle est dense, subit quotidiennement les conséquences du blocus mis en place il y a quinze ans, le manque de nourriture, d’eau, d’électricité, de médicaments et déjà à 4 reprises dans les 20 dernières années des bombardements israéliens meurtriers comme ceux de ces derniers jours. L’autre territoire palestinien, la Cisjordanie, n’est plus qu’une série d’enclaves encerclées par des murs et des colonies israéliennes. Jérusalem-est est elle aussi peu à peu grignotée par les implantations de colons. Enfin les « Arabes d’Israël », des Palestiniens en réalité, sont des citoyens d’Israël mais de seconde zone.
Le prétexte hypocrite du Hamas
Les dirigeants des grandes puissances, Biden, Merkel, Macron justifient leur soutien inconditionnel à l’État israélien en mettant en avant un « droit de se défendre » face au Hamas qui a tiré des roquettes à partir de Gaza sur les villes israéliennes et pas seulement les plus proches. Au mieux ils renvoient dos à dos l’État d’Israël et le Hamas comme si on pouvait tirer un trait d’égalité entre les deux alors que cela fait des décennies que l’État sioniste nie les droits du peuple palestinien, et son existence même. Les médias qui diffusent continuellement leur propagande se sont empressés de réduire les événements à un conflit militaire entre l’État Israélien et le Hamas quand il s’agit d’une révolte populaire de l’ensemble de la population palestinienne contre l’oppression coloniale qu’elle subit, pour ses droits nationaux, démocratiques.
Le Hamas, à l’origine succursale en Palestine des Frères Musulmans, est une organisation islamiste qui se réclame d’une idéologie religieuse et réactionnaire sur laquelle il prétend modeler la vie sociale. Non seulement l’État israélien lui-même mais ses alliés occidentaux se sont servis de lui dans le passé contre les organisations nationalistes progressistes. Mais le Hamas a conquis ensuite son influence dans la population palestinienne en menant des actions militaires contre Israël et en apparaissant plus radical que l’OLP et le Fatah, engagés dans des concessions à l’égard des autorités israéliennes sans aucun bénéfice pour les Palestiniens et du fait aussi de la corruption de leurs fonctionnaires depuis leur institutionnalisation à la tête des territoires palestiniens. Depuis 2006, il est devenu majoritaire aux élections dans la bande de Gaza qu’il dirige tandis que le Fatah dirige la Cisjordanie.
Alors que la révolte populaire avait démarré sans lui, le Hamas a repris la main en ripostant à Israël par des tirs de roquettes. En l’absence de toute autre perspective, il incarne aux yeux d’une partie des Palestiniens une résistance nationale à l’État d’Israël malgré son idéologie réactionnaire et son hostilité aux idées démocratiques et d’émancipation sociale.
Les droits nationaux et démocratiques du peuple palestinien passent par la solidarité internationaliste entre les travailleurs et les peuples
Ainsi, pour Israël et les grandes puissances, la lutte contre le Hamas n’est-elle qu’un prétexte, comme l’est à une échelle plus large la lutte contre le terrorisme, pour justifier leurs guerres contre les peuples, pour soutenir l’État israélien, son armée, sa police, quelles que soient les exactions dont ses dirigeants sont responsables. En fait, l’État israélien participe au maintien de l’ordre social des multinationales, avec, entre autres, l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Qatar, contre les menaces de l’embrasement révolutionnaire de la région dont les révoltes récentes au Yémen, en Irak, au Liban, en Iran sont le signe avant-coureur. A son arrivée au pouvoir, Biden n’a pas remis en question les choix politiques de Trump et actuellement se négocie entre Israël et les USA un énorme marché d’armements.
La solidarité qui se manifeste à travers le monde à l’égard des Palestiniens n’est pas seulement l’expression de la révolte contre l’injustice et la violence inhumaines qu’ils subissent, elle est aussi la conscience des enjeux internationaux de leur combat contre l’oppression qui s’exerce contre les travailleurs et les peuples.
Le soulèvement des Palestiniens s’affirme comme le refus du colonialisme israélien et plus globalement le refus de l’oppression. Il s’inscrit dans le mouvement général des peuples contre cette société faillie qui n’a à offrir que misère, exploitation, répression, guerres. Voilà pourquoi des millions de manifestants, à travers le monde entier, ont affirmé leur solidarité et leur soutien aux Palestiniens en butte à la répression israélienne. Les droits nationaux et démocratiques des Palestiniens, le droit de retrouver un territoire digne de ce nom et un État passent par cette solidarité internationaliste des travailleurs et des peuples.
Pour justifier leur interdiction de la manifestation de Paris samedi 15 mai, Darmanin et le préfet de police Lallement ont osé employer cet argument ignominieux qu’elle était antisémite. A New York, même des Juifs orthodoxes ont participé à la manifestation. C’est la politique de l’État sioniste, son racisme institutionnalisé, qui fait d’Israël une prison y compris pour la population israélienne. La crise politique actuelle en Israël est l’expression de la crise de la société israélienne, de l’impossibilité pour un État sioniste, théocratique, de se maintenir de façon démocratique alors qu’il repose sur la mise en tutelle de toute la population palestinienne. Elle profite à l’extrême droite parce qu’il n’existe aucune force politique de gauche qui n’ait pas été absorbée par les institutions sionistes et l’ordre international, capitaliste, qu’elles servent.
La solution démocratique et progressiste à cette crise sanglante passe par le renversement de l’État sioniste et son remplacement par un Etat laïc et démocratique dans le cadre d’une fédération d’Etats socialistes du Moyen-Orient. Cela sera l’œuvre que des masses populaires dans leur combat contre l’oppression coloniale et l’exploitation capitaliste. L’œuvre des générations nouvelles affranchies aussi bien des illusions réformistes que nationalistes, des faux espoirs placés dans les Etats arabes, des mythes théocratiques, juif, musulman, et autre christianisme.
Galia Trépère