Depuis le 1er février, les députés discutent à l’Assemblée le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » dénommé initialement par Macron loi « séparatisme ». Dès les premières minutes, Darmanin qui en faisait la présentation a levé l’équivoque que contient le titre relativement « neutre » de la loi avec des images et des mots qui appartiennent au langage d’extrême droite : « Notre pays est malade. Il est malade d’un séparatisme dont le premier, le séparatisme islamiste, gangrène l’unité nationale. Après s’être attaqué au terrorisme, le Président de la République a souhaité diriger l’action de l’État et des pouvoirs publics contre ce qui en est le terreau ».

La laïcité, les droits des femmes pervertis et instrumentalisés

Sous couvert de la défense d’idées progressistes, l’égalité hommes-femmes censée être incarnée par Marlène Schiappa et la laïcité par Blanquer, le gouvernement met en place un arsenal juridique qui s’ajoute à celui déjà existant, instaurant de nouveaux délits censés combattre l’intégrisme mais qui, en réalité, flattent les préjugés racistes contre les musulmans. Il en est ainsi des articles de la loi qui mélangent dans une même condamnation le port du voile, de signes religieux dans les services publics, la polygamie, les menus à la cantine, les certificats de virginité ou la mixité dans les piscines.

Que les intégrismes religieux soient réactionnaires, obscurantistes, hostiles à la liberté des femmes et à leur égalité avec les hommes ne fait aucun doute. Ce n’est pas l’apanage du seul intégrisme islamique comme cette loi le fait croire et les combattre ne peut se faire que de façon démocratique, en donnant aux femmes ainsi qu’à l’ensemble des opprimés les moyens de leur émancipation. Macron, Darmanin et Schiappa ne visent qu’à distiller le poison pervers de la division. Que n’imposent-ils au patronat une véritable égalité salariale entre hommes et femmes, que ne donnent-ils aux femmes les moyens de leur indépendance grâce à des logements bon marché et un travail rétribué correctement ! Voilà qui ferait bien plus pour l’égalité entre les sexes que ces mesures répressives qui ne peuvent qu’avoir l’effet inverse, solidariser les femmes d’hommes qui veulent les maintenir sous leur domination ! La liberté des femmes n’est absolument pas la préoccupation du gouvernement ! Le cynisme de Macron et de ses ministres -Darmanin en particulier accusé de viol- s’affiche sans vergogne.

Les articles de la loi qui demandent aux associations loi 1901 de se mettre en conformité avec la loi de 1905 ou qui formulent de nouveaux délits pouvant conduire à l’arrêt de leurs subventions ou leur dissolution sont des atteintes aux droits démocratiques. L’invention de nouvelles sanctions pour faire pression sur les associations est destinée à les mettre au pas pour tenter de faire taire toute contestation. Elles ont aussi une fonction propagandiste pour façonner l’opinion, la plier au consensus réactionnaire des classes dominantes.

Quant à la volonté de légiférer sur l’organisation du culte musulman, de faire signer à ses représentants une charte « républicaine », de contrôler la formation des imams, elle contredit les principes de la laïcité fondée sur la séparation des églises et de l’État. Une laïcité à géométrie variable qui, par exemple, n’a jamais été appliquée en Algérie parce que l’État français voulait contrôler les représentants du culte musulman et ses intellectuels pour imposer le joug colonial à la population comme Mélenchon le rappelait, à juste titre, dans son discours à l’appui de sa motion de rejet préalable du projet de loi le 1er février.

Les mesures liberticides, sécuritaires et policières, la guerre renforcent les fanatismes

Cette loi discriminatoire, liberticide et raciste est toute entière justifiée par l’argument de la lutte contre le terrorisme comme Darmanin l’a rappelé dans sa présentation en disant : « Après s’être attaqué au terrorisme, le Président de la République a souhaité diriger l’action de l’État et des pouvoirs publics contre ce qui en est le terreau ». Le « terreau » serait le « séparatisme islamiste », une conception intégriste de l’islam, minoritaire, dont se réclame certes le terrorisme islamiste mais qui ne peut cependant pas être confondue avec lui.

Les monstrueux attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, puis du 13 novembre de la même année contre les spectateurs du Bataclan et des passants attablés aux terrasses à Paris et tous ceux qui ont suivi, comme dernièrement le meurtre de Samuel Paty, ont fourni une justification à un arsenal juridique toujours plus répressif, au nom de la « lutte contre le terrorisme islamiste ». D’amalgame en amalgame, de l’islam à l’islamisme et de l’islamisme au terrorisme islamiste, il suscite méfiance et suspicion contre les musulmans et tous ceux qui pourraient l’être. Une propagande insidieuse qui remplace celle, ouvertement raciste et xénophobe, contre l’immigration et pour la fermeture des frontières dont se réclame Le Pen. Dans le même temps, la répression et les violences policières contre les manifestants n’ont fait que croître depuis le mouvement contre la loi Travail en 2016 puis le mouvement des Gilets jaunes fin 2018.

Cette loi, comme celle sur la sécurité globale (LSG) s’inscrit dans une offensive très consciente et menée à l’échelle internationale des classes dirigeantes contre les droits démocratiques et les libertés. Elle accompagne l’offensive contre les droits sociaux des travailleurs et de toute la population pour leur faire accepter une exploitation accrue et le pillage des ressources publiques au profit des intérêts privés. Ici en France, Sarkozy a été le maître d’œuvre de cette offensive sécuritaire quand il a été ministre de l’Intérieur à partir de 2002, puis président de la République en 2007. Hollande élu président en 2012 et son ministre de l’Intérieur puis Premier ministre Valls en ont pris le relais et à leur suite Macron et ses ministres de l’Intérieur, de Collomb à Darmanin.

Ce sont les mêmes dont la politique a permis à l’islamisme radical de se développer qui le renforcent par leur politique sécuritaire et militariste comme ils renforcent les idées réactionnaires, l’extrême droite contre l’ensemble de la population. L’armée française envoyée au Mali par Hollande en 2013 contre les groupes terroristes islamistes, qui ont prospéré dans cette région depuis la destruction de l’État libyen, ne libère pas la population mais fait peser sur elle la pression des armes. Le 3 janvier dernier, 2 Mirages 2000 ont bombardé un petit village en croyant atteindre des djihadistes. Ils ont fait 19 morts et 8 blessés parmi les participants à une fête de mariage, semant la haine dont se nourrit le djihadisme.

Un bloc réactionnaire en défense de la République séparatiste des riches

Bien en mal pour se différencier sur le fond, la droite et l’extrême droite se sont appuyées sur un prétendu recul du gouvernement par rapport au discours de Macron aux Mureaux en octobre dernier pour donner dans la surenchère réactionnaire. Ciotti, pour Les Républicains, a présenté des amendements prétendant interdire le voile pour les mineures dans les espaces de services publics, pour les accompagnatrices de sorties scolaires ou encore à l'université, comme l’avaient fait auparavant en commission deux députés LREM. Quant au RN, son contre-projet à la loi demande que le voile soit interdit dans tout l’espace public ! Alors que toute critique au projet de loi émanant de la gauche est aussitôt taxée de lâcheté, de laxisme face à l’islamisme, voire d’une complicité, d’« islamo-gauchisme », le gouvernement et France 2 offrent au RN un débat Le Pen-Darmanin sur le « séparatisme » le 11 février prochain.

La vraie divergence qui existe au sein de ce bloc réactionnaire LREM-LR-RN consiste à savoir qui en sera le chef, qui sera le plus à même de défendre les intérêts des classes possédantes face au danger d’explosion sociale en tentant de détourner la colère d’une fraction des classes populaires inquiète pour son avenir contre des boucs-émissaires au moyen d’une propagande xénophobe et raciste.

Urgence démocratique contre la réaction xénophobe et raciste qui prend le masque de la République

Le combat démocratique ne peut se mener en défendant la patrie, cette république même si elle trouve son origine dans la Révolution française, en entretenant un confusionnisme qui déroute le monde du travail et finit par défendre, au nom d’une autre perversion de la laïcité, les religions chrétienne, islamique ou autres.

La défense des droits démocratiques, le respect des croyances des autres ne signifient en rien la neutralité face aux religions ou à celles et ceux qui les utilisent pour exercer leur domination sur les populations, en tout premier lieu sur les femmes.

Pour le mouvement ouvrier, la séparation de l’église et de l’État, mesure démocratique bourgeoise, ne signifie en rien la neutralité à l’égard des Églises, de toutes les Églises, ni taire notre combat en faveur du matérialisme philosophique et de la science.

Les religions se sont depuis longtemps intégrées à l’ordre établi, aujourd’hui au capitalisme libéral.

La défense des droits démocratiques, tout particulièrement ceux des femmes, s’inscrit dans le combat contre toutes les formes d’obscurantisme, de fanatisme, invoquant les mythes de la nation, de la race, ou de la religion. Face à la faillite mondialisée du capitalisme, les classes dominantes, par-delà les continents, flattent les sentiments nationalistes, xénophobes, les sentiments religieux ou leurs formes plus contemporaines, le complotisme, pour s’assurer le contrôle des populations.

Pour pouvoir perpétuer leur pouvoir, leur droit à déposséder les populations du fruit de leur travail, non seulement les classes dominantes renforcent leur arsenal répressif, policier et militaire, étouffent la liberté et la contestation, mais elles flattent les préjugés pour dominer les consciences.

C’est le travail de leurs serviteurs politiciens, médias aux ordres, curés ou imams de tous bords.

La lutte pour les droits sociaux, la justice, les libertés est indissociable de la lutte contre le nationalisme, la xénophobie, le racisme sous toutes ses formes, comme l’obscurantisme véhiculé par toutes les religions.

Notre combat contre les lois liberticides et racistes est un combat internationaliste pour l’émancipation des classes exploitées, de l’humanité.

Galia Trépère

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