Il y a désaccord et désaccord, écrivait Pissarev au sujet du désaccord entre le rêve et la réalité. Mon rêve peut dépasser le cours naturel des événements, ou bien il peut donner un coup de barre dans une direction où le cours naturel des événements ne peut jamais conduire. Dans le premier cas, le rêve ne fait aucun tort ; il peut même soutenir et renforcer l'énergie du travailleur... Rien, dans de tels rêves, ne peut pervertir ou paralyser la force de travail. Bien au contraire. Si l'homme était complètement dépourvu de la faculté de rêver ainsi, s'il ne pouvait de temps à autre devancer le présent et contempler en imagination le tableau entièrement achevé de l’œuvre qui s'ébauche entre ses mains, je ne saurais décidément me représenter quel mobile ferait entreprendre à l'homme et mener à bien de vastes et fatigants travaux dans l'art, la science et la vie pratique... Le désaccord entre le rêve et la réalité n'a rien de nocif, si toutefois l'homme qui rêve croit sérieusement à son rêve, s'il observe attentivement la vie, compare ses observations à ses châteaux en Espagne et, d'une façon générale, travaille consciencieusement à la réalisation de son rêve. Lorsqu'il y a contact entre le rêve et la vie, tout est pour le mieux.” Lénine citant dans Que faire ? Pissarev, homme de lettres, révolutionnaire et nihiliste russe, proche de Tchernychevski, ajoute : « Des rêves de cette sorte, il y en a malheureusement trop peu dans notre mouvement. », critiquant ceux « qui se targuent de leur pondération, de leur “sens” du “concret”. »[1]

En ce début d’année, au moment d’adresser nos vœux de bonheur dans nos luttes et mobilisations à tous nos camarades, ami.e.s et lecteur.rice.s, nous avons aussi envie de dire nos rêves pour les mois à venir, pour ce monde d’après qui va naître de la faillite économique, sociale, écologique, démocratique et politique, de la faillite globale du capitalisme, de nos révoltes et de nos luttes.

Alors que le gouvernement espérait utiliser l’inquiétude, voire les peurs suscitées par la pandémie et le climat créé par ses attaques, pour accroître ses moyens policiers en prévision des affrontements sociaux et politiques annoncés, la fin de l’année dernière a vu l’intervention directe des travailleurs, des femmes, des jeunes se développer contre ses lois sécuritaires et racistes ou à travers de multiples conflits sur les lieux de travail.

Deux mouvements opposés s'affrontent, les résistances, luttes et mobilisations des salariés en réponse aux pressions du patronat mobilisant son encadrement contre eux, en réponse aux licenciements ou sur les salaires.

Celles et ceux qui se mobilisent apprennent sur le terrain, par eux-mêmes, à faire de la politique avec leurs propres armes sans rien attendre des appareils et des jeux parlementaires, des magouilles électorales politiciennes.

Sous la chape de la pandémie et de la police sanitaire du pouvoir, de son offensive sociale, les solidarités se construisent, des liens se tissent, des révoltes s’expriment.

Nous nous prenons à « rêver » que les militants du mouvement ouvrier, les révolutionnaires réussissent à aider à la construction d’une contestation globale de la police sanitaire, sociale et sécuritaire du gouvernement, c’est à dire à armer la contestation politique, à l’aider à prendre conscience d’elle-même, à définir ses objectifs en toute indépendance des défenseurs de la république capitaliste. Et pour cela, que nous réussissions nous-mêmes à unir nos forces en définissant ensemble notre compréhension commune de la période et des tâches, nos perspectives et notre programme commun.

Nous rêvons d’un mouvement révolutionnaire émancipé de ses divisions sectaires, comme des pratiques suivistes conséquence de la dépendance vis-à-vis de ladite « gauche de la gauche » institutionnelle, parlementaire ou des appareils syndicaux. Un mouvement qui s’affirme comme parti des travailleurs indépendant des appareils, ni sectaire ni suiviste.

Nous rêvons de voir l’ensemble de nos camarades du NPA s’emparer de la démarche qu’avait adoptée à la quasi-unanimité son Conseil politique national en juillet dernier pour discuter et élaborer ensemble un document définissant ce qui nous rassemble dans le même parti et, ainsi, surmonter notre crise.

Les principes fondateurs adoptés lors du congrès de fondation ne répondent pas aux besoins de la période. Il nous faut définir ensemble une stratégie et un programme, refonder le NPA.

C’est dans cet état d’esprit que nous publions dans ce premier numéro de l’année de DR le document que nous avons soumis au dernier CPN de décembre pour ouvrir la discussion sur ce dont nous avons besoin, éventuelle base à un travail collectif. Nous avons par ailleurs engagé une discussion sur ce thème avec nos camarades d’AetR et du CCR. Cette discussion, nous souhaitons la mener avec l’ensemble de nos camarades de parti, nos camarades révolutionnaires et bien au-delà, dans nos syndicats, collectifs, comités de lutte et interpro et tout particulièrement dans la jeunesse.

Nos vœux et nos rêves se conjuguent pour souhaiter succès et fécondité à toutes celles et tous ceux qui voudront donner vie à cette démarche collective.

Tous nos vœux démocratiques et révolutionnaires à toutes et tous…

Démocratie Révolutionnaire

 

[1] https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1902/02/19020200y.htm

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