Ce week-end, dans de nombreuses villes, la mobilisation contre la loi de « sécurité globale » a convergé avec les manifestations déjà prévues pour la défense des droits des chômeurs et l’interdiction des licenciements, prenant ainsi un sens particulier. Face à l’offensive « globale », économique, sociale, sécuritaire, réactionnaire pour que perdure la domination d’une minorité parasite, les marches « des libertés et des justices » ont de fait commencé à apporter une réponse elle aussi globale.

Elles ont été, là où la convergence a prévalu, à nouveau marquées par la présence importante de jeunes, de femmes, mêlant au coude à coude travailleurs avec ou sans emploi, précaires, étudiants, gilets jaunes, syndiqués ou non, militants des luttes ou nouveaux venus au combat social et politique. Tous sont poussés par une même révolte, une même aspiration sociale et démocratique, le même rejet des inégalités, des injustices, des oppressions, de la violence sociale, posant la question de la domination capitaliste, du pouvoir d’une minorité, de l’État à son service. Les provocations de la police jouant de la violence démobilisatrice des Black blocks et autres Autonomes largement relayée par les médias ne suffisent pas à masquer le désaveu du pouvoir.

Alors que la bourse exulte, l’urgence sociale

Les classes dominantes entraînent toute la société dans l’effondrement de leur économie que précipite la pandémie. Pour sauver les profits, les plans de licenciements se multiplient : 36 000 suppressions d’emplois depuis septembre. Tous les groupes capitalistes, de tous les secteurs annoncent de nouvelles restructurations et « économies ». Nombre de petites ou moyennes entreprises jusque-là maintenues peu ou prou à flot par les dispositifs gouvernementaux sont menacées de faillite.

A la SNCF, où sur les derniers 4 ans plus de 1700 emplois ont disparu chaque année, ce sont des milliers de suppressions d’emplois supplémentaires qui sont envisagées pour faire face à une « perte historique de 5 milliards d’euros ». Comme si les transports collectifs, qu’il s’agisse du transport des personnes ou des marchandises, n’avaient pas besoin au contraire d’être développés, modernisés pour répondre aux besoins de la population. Comme s’il n’y avait pas besoin d’embaucher et d’investir massivement dans tous les services utiles à la population pour les rendre accessibles au plus grand nombre !

Mais la logique capitaliste est toute autre. De nouvelles coupes sont au contraire annoncées dans les services publics de la Santé, de l’Éducation, les budgets sociaux. Castex vient de charger une « commission » de faire des propositions sur « l’avenir des finances publiques » et la question du remboursement de la dette « sans augmenter les impôts »... Pas question, on l’avait deviné, de rétablir l’ISF, et pas davantage de supprimer la TVA ou les taxes sur l’énergie qui touchent en premier lieu les pauvres et représentent une part de plus en plus grande des recettes de l’Etat. C’est la « dépense publique » qui est de nouveau visée. Tous les budgets utiles à la population vont être impactés. Alors que le Cac 40 est en pleine euphorie, en hausse continue depuis 5 semaines, Lemaire a relancé vendredi l’offensive contre les retraites appelant à « produire collectivement davantage et mieux […] L'avenir de la France se jouera dans notre capacité à donner sa place à chacun dans le travail et à travailler tous collectivement davantage ». Indécence et provocations.

Pour sauver le capital, les classes dominantes s’attaquent à l’ensemble du monde du travail, salariés, chômeurs, retraités, jeunes, précaires, travailleurs indépendants...

Contre leur république du capital, le camp des exploités

Le pouvoir a été contraint d’opérer un rétropédalage désordonné sur l’article 24. La panique et la cacophonie du gouvernement et de ses députés ont encouragé et légitimé la mobilisation pour le retrait de l’ensemble de la loi, la contestation de l’offensive subie par les classes populaires, les travailleurs, la jeunesse, toutes celles et ceux qui sont opprimés et stigmatisés !

C’est toute leur politique qui est abhorrée, leur offensive réactionnaire décomplexée, raciste et sécuritaire qui l’accompagne pour tenter de faire taire, de distiller la peur pour assommer les esprits.

Darmanin en a rajouté cette semaine en annonçant une « action massive et inédite contre le séparatisme » visant « 76 mosquées ». L’ennemi intérieur est partout… Le projet de loi contre le « séparatisme islamiste » rebaptisé projet de loi « renforçant les principes républicains » va être examiné au Parlement à partir du 9 décembre, nouvelle étape de leur offensive idéologique. Sans attendre, le CCIF, association de lutte contre les discriminations dont sont victimes les musulmans, vient d’être dissout pour délit d’opinion et avoir qualifié d’islamophobes « des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou de combattre des actes punis par la loi » !

Ce vendredi, Macron s’est invité sur le media Brut pour y défendre sa politique, en appeler à la responsabilité et au respect de l’institution policière : « Il y a des violences policières, il y a du racisme dans la société et la police est à l’image de la société. Mais je refuse de considérer que c’est l’ensemble de l’institution de la police. Il faut distinguer l’institution et des individus qu’il faut sanctionner »…

La police violente et raciste « à l’image de la société », cela sonnerait presque comme un aveu… à un détail près : la police répond aux besoins de la classe au service de laquelle elle est, une minorité parasite qui ne peut maintenir sa domination que grâce à son appareil d’Etat, ses bandes armées, sa violence et son idéologie qui vise à soumettre, paralyser, à diviser les exploités, à instrumentaliser et nourrir les préjugés, à troubler la perception des rapports sociaux, la conscience de classe.

En toute indépendance de classe

Une conscience et une indépendance de classe que les militants du monde du travail, de l’émancipation ont à défendre quotidiennement face au déferlement « républicain », aux appels au respect de la « nation », du dialogue « social »… Les raisonnements institutionnels inondent l’espace social et politique, syndical. Ils imprègnent d’une façon ou d’une autre tous les appareils de la gauche, ses différentes nuances et composantes…

LFI et Jean-Luc Mélenchon, l’ancien secrétaire d’Etat de Jospin, en sont une des expressions les plus évidentes. Lui qui déclarait en septembre dernier « L’ordre républicain est un tout. Oui, il y a besoin de policiers, de répression. Il ne faut pas accepter la banalisation du crime », expliquait tout récemment au journal l’Opinion être pour le rétablissement du service militaire obligatoire : « Je suis partisan de la conscription et je me suis opposé au fait qu’elle soit suspendue. Il faut aller à l’essence de ce qu’elle est : l’impôt du temps au service de la patrie »... De son côté, Ugo Bernalicis, député LFI du Nord et fraîchement désigné « chef de file » pour les prochaines Régionales expliquait à propos de la police : « On ne peut pas s’apprêter à diriger la France et avoir des lacunes sur cette question. Nous sommes pour l’autorité. Il n’y a aucune contradiction avec les idéaux de gauche ». Quant à Ruffin, il a rappelé cette semaine qu’il est « favorable aux retours des frontières sur capitaux, marchandises et personnes […] Notre pays doit pouvoir continuer à décider qui il accueille, et selon quels motifs ». Rompez les rangs…

La jeunesse, les travailleurs, les gilets jaunes, toutes celles et ceux qui descendent dans la rue depuis quinze jours portent un tout autre regard sur « l’autorité » et « l’ordre républicain ». C’est l’ensemble de la société qu’ils remettent en cause pour penser un autre avenir qu’ils commencent à construire à travers la chaleur et la solidarité des mobilisations, en totale rupture avec cette société faillie, sa « morale », son « ordre ».

L’unité et un programme pour la transformation révolutionnaire de la société

Les militants révolutionnaires ont une responsabilité particulière alors que de nouvelles générations s’éveillent au combat social, cherchent des idées pour comprendre le monde, participer à l’aventure collective de sa transformation, penser demain.

Nous ne pouvons faire face aux responsabilités que nous donnent la période et son accélération, être utiles, qu’en osant penser la révolution à venir et ne pas craindre d’affronter l’ensemble des préjugés institutionnels, nationalistes et ceux qui les portent et les nourrissent, en s’émancipant des pressions « unitaires » et électoralistes des différents bouts de la gauche qui s’agitent à l’approche de chaque séquence électorale, ici les régionales et la présidentielle.

L’unité à laquelle nous voulons œuvrer est d’une toute autre nature, en totale indépendance des jeux institutionnels. C’est celle de notre camp social, celle de la jeunesse, des travailleuses et travailleurs, des chômeurs, des petits artisans et commerçants, de toutes celles et ceux qui font tourner la société dans les villes, les banlieues, la ruralité, les premières et premiers de corvée, avec ou sans papiers et droit de vote. Nous voulons œuvrer à l’unité de notre classe pour postuler ensemble à décider du fonctionnement de la société, de l’économie, pour remettre en cause la domination d’une minorité parasite dont la soif de profit conduit le monde à la catastrophe sociale, économique, écologique, démocratique.

Œuvrer à cette unité, c’est militer pour le regroupement des révolutionnaires afin de créer les conditions du débat démocratique indispensable pour élaborer des perspectives pour les mobilisations, un programme pour la transformation révolutionnaire de la société, pour et par les exploité.e.s eux-mêmes.

Isabelle Ufferte

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