Après les images des violences policières à Paris contre les migrants puis contre Michel Zecler, la mobilisation contre la loi Sécurité Globale s’est renforcée. Cette mobilisation jeune et dynamique s’inscrit dans le prolongement de celle de Black Lives Matter qui a eu lieu en juin. Face à cette révolte contre les violences de la police Macron a annoncé qu’il parlerait « aux jeunes ». On aurait logiquement pu attendre qu’il s’adresse plutôt aux policiers, mais non. C’est aux jeunes qu’il veut s’adresser, jeunes qui grossissent, weekend après weekend, les rangs des manifestants. Ces mêmes jeunes que le gouvernement a insultés pendant des mois parce que leur irresponsabilité aurait entraîné la propagation du virus, ces jeunes qui se voient perdre leur boulot pour financer leurs études dans le cadre de cette gestion catastrophique de l’épidémie, ces jeunes à qui il avait promis une augmentation des APL sur laquelle le gouvernement est revenu, ces jeunes dont l’université est attaquée, dont les contrats précaires se sont développés grâce à ses réformes successives.

« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 » sous le capitalisme

Parce qu’effectivement « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 » nous disait déjà Emmanuel Macron lors du discours du 14 octobre. Cette brusque épidémie qui nous plonge dans des difficultés innombrables réduirait nos espoirs à tel point que nous serions une « génération sacrifiée » : entre crise économique et crise écologique, notre destin serait bien sombre.

C’est une fatalité effectivement dans le monde d’Emmanuel Macron. Oui, son monde n’a rien à nous offrir. Son monde, le système capitaliste qui organise le pillage des richesses de notre planète, le pillage des richesses produites par tous les travailleurs pour les donner aux riches, ne nous donne aucun avenir. Son monde c’est celui-là même qui a créé la crise dans laquelle nous sommes aujourd’hui, aucune solution ne peut exister à travers lui.

Le président voudrait que nous, les jeunes, nous acceptions ce destin en baissant la tête et en courbant l’échine. Que nous lui fassions confiance sur l’écologie, que nous acceptions pour notre bien les mesures anti-sociales qui nous appauvrissent et que nous sachions bien séparer le bon du mauvais policier. Vendredi, le président s’adressait à nous directement pour nous rassurer. Dans son interview à Brut, « médias des jeunes », Macron souhaitait réaliser une opération séduction à visée électorale : il le sent bien le rejet de cette jeunesse face à sa politique autoritaire. Mais qu’a-t-il à nous dire ?

« Il n’y a pas de violences policières mais des policiers violents », « il ne faut pas oublier la violence des manifestants », « j’ai mené le combat pour toutes les libertés dans ce pays et les journalistes ne m’aident pas », « il ne faut pas se tromper de colère », « le débat autour de la loi montre bien la vigueur du débat démocratique dans notre pays », « cette loi n’est pas liberticide, au contraire, elle renforce les libertés » etc. La démagogie dont il fait preuve concernant la fierté d’être français, sa volonté d’enseigner l’arabe à l’école ne convainc personne quand seulement nous prend l’envie de l’écouter.

Entre colère contre ce monde et espoir pour en construire un autre…

En réalité, le problème que rencontre aujourd’hui ce gouvernement, c’est que nous ne sommes pas résignés. Nous sommes en colère et nous ne pouvons pas vivre sans espoir.

Cette colère, elle est de plus en plus grande, elle s’exprime dans la prise de conscience écologique et sur le fait que ce système nous mène à la ruine. Cette colère s’exprime dans la révolte féministe des jeunes femmes, massive, déterminée et radicale, dans la révolte contre les discriminations raciales et la violence de la police. Elle s’exprime contre la fermeture des frontières et les traitements inhumains infligés aux migrants. Elle était encore bien présente samedi malgré l’opération de com’ : personne ne peut croire un seul instant que ces violences policières disparaitront ou même seulement qu’elles seront punies par la hiérarchie. Le maintien de l’ordre violent, que ce soit dans les manifestations ou dans les quartiers, c’est la conséquence d’un système inégalitaire à bout de souffle. Cette colère n’est pas confinée comme le souhaiterait le gouvernement, au contraire, elle se renforce et se propage.

Cette colère qui se transforme en luttes porte en elle aussi l’espoir que quelque chose d’autre est possible. Les jeunes font l’expérience qu’on n’est pas obligé de tout accepter et qu’on peut exprimer ses idées contre ce monde et en imaginer un autre. Quand on lutte contre les violences faites aux femmes, ou contre le racisme, on imagine un monde débarrassé des rapports de domination, des stéréotypes, des carcans qu’on impose aux sexes et aux relations entre les personnes. C’est également vrai quand on lutte sur les questions écologiques, on se pose nécessairement la question d’une organisation de l’économie en lien avec la protection de l’environnement. Quand on lutte pour l’accueil des migrants, on se rend compte de l’absurdité de l’existence même des frontières. Par-dessus tout, lorsqu’on lutte, on se rend compte qu’on n’a pas besoin de chefs, que collectivement on peut penser et agir. On fait l’expérience des relations démocratiques et non plus hiérarchisées ou dogmatiques.

En réalité, nous pourrions répondre qu’aujourd’hui, en 2020, avoir vingt ans c’est synonyme de ras-le-bol contre Macron et son monde mais aussi d’espoir dans un autre monde.

… notre besoin de révolution grandit chaque jour

Cet espoir peut devenir une réalité et nous pouvons nous donner les moyens de le construire. Par nos luttes nous sommes déjà en train de jeter de nouvelles bases pour le créer. Il faut aller encore plus loin maintenant. Sur nos lieux de travail, de vie, d’étude partout nous devons discuter, échanger, nous organiser contre toutes les formes d’oppression. Nos luttes ne sont pas limitées à notre pays et nous sommes une génération qui maitrise les moyens de communication et les moyens de nous organiser par-delà les frontières, entre tous les opprimés, avec les générations sacrifiées du monde entier sans préjugés, sans stéréotypes, sans domination.

Pour l’émancipation de tous et toutes, nous n’avons d’autre choix que celui de faire la révolution. Pas cette révolution dont Macron parlait dans son livre de campagne du même nom. Non, une révolution qui le renverserait lui et son monde. Cette révolution ce serait que les jeunes, les travailleurs, l’ensemble de la société prennent le pouvoir des mains de la bourgeoisie et que partout, nous imposions nos décisions, notre contrôle. Non pas dans l’intérêt d’un petit groupe mais dans l’intérêt de tous. Pour que chacun des choix que nous ferons soit dans l’intérêt de tous, notre organisation doit être parfaitement démocratique, que chacun puisse s’exprimer. La révolution c’est par exemple diminuer le temps de travail pour pouvoir participer tous et toutes aux décisions de l’ensemble, réfléchir collectivement sur ce que nous avons besoin ou non de produire et comment nous voulons le produire. C’est interdire la possibilité de s’enrichir individuellement sur le travail des autres ou faire en sorte d’assurer à chacun des revenus décents. Les expériences historiques de la Commune de Paris en passant par la Révolution russe ou autre nous montrent que de telles perspectives sont matériellement possibles et qu’avec les transformations de notre monde elles peuvent être généralisables et durables. Le projet de révolution a aussi besoin de la jeunesse pour se renouveler, pour sortir des vieilles divisions sectaires, des habitudes rassurantes et des manœuvres d’appareil. Bien ancrée dans ce monde c’est la jeunesse qui pourra renouveler le projet révolutionnaire, imaginer le monde de demain. C’est la jeunesse travailleuse et étudiante, en lien avec tous les autres opprimés de toutes générations qui pourra faire basculer ce monde.

Chloé Joubert

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