Dans cette rentrée inédite, où l’inquiétude face à la situation sociale comme la colère face à l’incurie de ceux qui nous dirigent sont profondes, le gouvernement n’en finit pas de réalimenter la crainte de l’épidémie, au point même de décaler l’annonce du « plan de relance » au 3 septembre au nom de la « défense sanitaire » !

La Direction Générale de la Santé annonce une épidémie « exponentielle », alors que l’augmentation du nombre de cas correspond pour l’essentiel à l'augmentation importante du nombre de tests ces dernières semaines. Si le virus semble circuler davantage à la fin des congés, l’absence de tests massifs dès le début de la pandémie ne permet de tirer aucune analyse précise sur la réalité de l’épidémie. Mais qu’importe, à défaut d’une véritable politique de santé, le pouvoir continue de confondre politique sanitaire et politique policière.

Après avoir déclaré les masques inutiles au début, le gouvernement en rajoute maintenant avec l’obligation de les porter en extérieur. Il souffle le chaud et le froid, créant des confusions sur ses propres directives. Comme le dit un chef de service des maladies infectieuses : « Il y a zéro cluster dehors. Alors qu’en intérieur c’est absolument indispensable, cela fait longtemps qu’il n’aurait pas dû y avoir d’exception. Les autorités sous-réagissent sur certains points et sur-réagissent sur d’autres, personne n’y comprend rien ».

Dans l’Éducation Nationale, Blanquer annonce une rentrée « normale », avec port du masque obligatoire à partir du collège. Par contre, pas question de fournir les masques gratuitement, « une fourniture comme une autre » d’après le ministre, balayant d’un revers de main le coût prohibitif des masques pour un grand nombre de familles. Quant au protocole prévu, très allégé, il ne dit rien des questions de cantine, de non-brassage des groupes, des modalités de confinements en cas de contagion, etc. Rien n’est prêt pour cette rentrée, mais qu’importe, il faut garder les enfants à tout prix pour que les parents aillent travailler, voilà la seule urgence !

Quant au port du masque obligatoire dès le 1er septembre dans les entreprises, il a suscité quelques réactions au Medef. Pour les patrons, pas de contingents de flics ni d’amendes, pas de renforcement des contrôles, Castex leur a promis « qu'il y aura la place pour des solutions pragmatiques ».

La rigueur sanitaire est à géométrie variable, bien plus guidée par les intérêts privés que par les exigences sanitaires. En réalité, l’incurie face à la pandémie se poursuit. Les services de réanimations manquent toujours de moyens et de personnels. La situation des Ehpad, où de nouveaux clusters sont apparus au mois d’août, est encore plus critique que lors de la première vague. Quant à la question du vaccin, les gouvernements s’avèrent incapables d’imposer une coopération réelle, la recherche reste prisonnière de la concurrence des multinationales de la pharmacie et de leur soif de profits.

Jeunes, immigrés, classes dangereuses… cibles des surenchères réactionnaires

Incapables de faire face tant à la pandémie qu’à la faillite de leur système, gouvernement et patronat créent un climat d’inquiétude, de panique qui se traduit par des tensions de plus en plus fortes. Durant l’été, les déclarations n’ont pas manqué pour stigmatiser la jeunesse, qualifiée « d’irresponsable », après les « débordements » des supporters du PSG.

De même, Darmanin instrumentalise le moindre fait divers, comme à Grenoble ou St Dizier, pour dénoncer l’« ensauvagement » de cette même jeunesse. Ces termes, repris à l’extrême-droite, sont là précisément pour flatter les préjugés racistes, attirer l’électorat le plus réactionnaire.

LREM, LR, RN, sont dans une surenchère réactionnaire permanente, obsédés par leurs calculs de pouvoir. C’est ce contexte qui, quelles que soit les condamnations des uns et des autres, crée le terrain à la crapulerie, aux insultes racistes proférées à l’encontre de notre camarade Danièle Obono par le torchon d’extrême-droite Valeurs Actuelles.

En créant ce climat sécuritaire et autoritaire Macron espère reprendre la main, paniqué par la crainte d’explosions sociales en réponse à leur propre offensive contre les classes populaires, les travailleurs, les jeunes.

« Plan de relance » de l’offensive du gouvernement et du patronat

Si le gouvernement a décalé l’annonce officielle de son « plan de relance », Castex en a dévoilé l’essentiel à la rencontre annuelle du Medef, baptisée « Renaissance des entreprises » sur le très chic hippodrome de Longchamp.

L’essentiel des 100 milliards annoncés ira au patronat et aux actionnaires, à croire que les salaires se portent bien et que les inégalités sociales sont inexistantes !

Le chômage partiel avec paiement intégral par l’Etat des 84 % du salaire net est maintenu jusqu’au 1er novembre au lieu du 1er octobre. Les impôts de production vont baisser de 10 milliards et la taxation foncière des bâtiments industriels devrait être divisée par deux à partir de 2021. A cela s’ajoute la prime à l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans, jusqu’à 4 000 euros pour tout contrat conclu avant le 31 janvier 2021, même en CDD. Quant aux contreparties de cette politique censée créer des emplois, elles sont inexistantes : il n’y aura pas d’« obligations nouvelles qui casseraient la confiance » !

Mais la politique de Castex ne se borne pas aux cadeaux aux entreprises. Il vient aussi mener la campagne des patrons, sur le temps de travail, sur les retraites, le chômage, la baisse des salaires !

Les grands groupes de l’hôtellerie, André, Courtepaille, Alinéa, après l’aéronautique et l’automobile annoncent des licenciements ou des fermetures. Selon la Dares, 228 plans ont été lancés entre le 1er mars et le 20 août, soit trois fois plus qu'en 2019 sur la même période. Cela représente près de 50 000 suppressions de postes qui s’ajoutent aux centaines de milliers d’intérimaires, CDD, précaires qui ont déjà perdu leur travail. Sans compter que les mesures de chômage partiel masquent encore la profondeur de la crise.

Les classes possédantes sont à l’offensive contre le monde du travail pour tenter de sauver les profits. Tous les moyens sont bons, à commencer par les APC, ces accords collectifs de chantage à l’emploi permettant d’augmenter le temps de travail ou de baisser les salaires.

D’autres mauvais coups sont à venir. Castex a confirmé le report au 1er janvier 2021 de l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage. Concernant les retraites, il renvoie la discussion sur le déficit fin septembre, annonçant déjà sa volonté de s’en prendre au montant des pensions, à l’âge de départ ou au taux de prélèvement… Pour les travailleurs, il n’y a pas « d’argent magique », comme les milliards trouvés pour subventionner les profits !

Le 12, le 17 septembre, sortons du confinement, préparons la riposte

Face à l’offensive des capitalistes et du gouvernement, comme face à la surenchère réactionnaire qui en découle, le monde du travail et la jeunesse ne peuvent compter que sur leurs luttes et leur généralisation.

Le 12 septembre, les Gilets Jaunes appellent à reprendre la rue. Le 17 septembre, la CGT, Solidaires, la FSU et les syndicats lycéens et étudiants appellent à la grève interprofessionnelle. « Une rupture profonde s’impose ! » titre le communiqué d’appel commun. Mais cela commence par une rupture avec le « dialogue social » dans lequel Castex voudrait enfermer les travailleurs et que nous vantaient les directions syndicales en juillet. Cela commence par appeler les travailleurs à s’emparer de toutes ces dates pour mener une même lutte des classes contre le capitalisme, ses institutions.

Après ces mois de confinement, il nous faut retisser les liens, retrouver les interpros, les collectifs de militants, les équipes syndicales qui ont travaillé ensemble et se sont constitués durant la lutte des retraites. Ces collectifs se sont politisés durant la grève ou les blocages, mais aussi durant ce confinement traduisant la faillite du système. Aujourd’hui, ils se retrouvent pour préparer le 12 et le 17 septembre, s’adresser aux travailleurs confrontés aux licenciements, à la précarité, dans les quartiers populaires…

L’élargissement et l’approfondissement de la mobilisation passe par la prise en main de la lutte par les travailleurs eux-mêmes et une politique de « rupture profonde » avec le dialogue social et la politique du gouvernement et du patronat.

Laurent Delage

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