Macron a fixé la date : après un mois supplémentaire de confinement, le 11 mai sera le début du « déconfinement progressif » pour « permettre au plus grand nombre de retourner travailler, redémarrer notre industrie, nos commerces et nos services ». Aujourd’hui, Philippe a fait le service après vente pour convaincre chiffres à l’appui du sérieux des grande phrases présidentielles sans rassurer ni convaincre, bien au contraire.

L’improvisation est totale. Il y aura peu de moyens de protection supplémentaires, en particulier de masques qui manquent encore aujourd’hui cruellement même à ceux qui sont les plus directement exposés, des moyens bien insuffisants de tester les malades et la population, ni de se « distancier » dans les ateliers, les bureaux, les écoles, collèges ou lycées, mais peu importe… Il est plus que temps pour le patronat que le travail reprenne, que la production redémarre. Pour que les actifs puissent regagner les usines, les bureaux, il faut que les écoles rouvrent… Pour tous les autres, personnes « âgées », malades, « improductifs », le confinement continuera « au volontariat ». Et si ce dimanche, un avion cargo a atterri dans la région parisienne avec à bord 150 tonnes de matériel médical, 8 millions de masques, c’est à destination non des hôpitaux mais d’une entreprise privée !

Le gouvernement ne sait rien, n’anticipe rien, il veut juste attendre que les services de réanimation puissent un minimum absorber une nouvelle vague si l’épidémie repart… avec un « plan » ridicule pour les hôpitaux alors que le personnel hospitalier -qui se voit doté de primes dérisoires- est à bout, que les stocks de médicaments sont au plus bas… que les protections minimales manquent toujours autant et que dans le monde entier, les autorités médicales publient des protocoles pour choisir entre les malades face au manque de lits et de moyens.

Rien de scientifique dans les décisions et la politique de Macron qui s’agite, « consulte », tresse des louanges aux uns ou aux autres en fonction des besoins de sa propagande mais n’a qu’une politique, la fuite en avant pour tenter de sauver les profits et pour ça redémarrer la machine. Une même politique de tous les dirigeants de la planète dont Trump qui veut « faire redémarrer l’Amérique », actuel épicentre de la pandémie (37 000 morts aux Etats-Unis)

Tout comme le confinement, le déconfinement obéit à une logique de classe.

« Argent magique » pour les patrons, aumônes et intensification de l’exploitation pour les pauvres et les travailleurs

« Il n’y a pas d’argent magique » avait répondu Macron il y a quelques mois à une aide-soignante du CHU de Rouen qui l’avait pris à partie devant les caméras. En effet, aucune magie dans la débauche d’argent public promis aux patrons, 45 milliards passés en quelques jours à 110 milliards. L’Etat s’endette auprès des banques… une dette passée en deux mois de 95 à 115  % du PIB et dont la facture est présentée aux travailleurs.

« La dette sera tout sauf virtuelle » a prévenu la CPME… Si le « débat » sur l’allongement du temps de travail est reporté, l’offensive s’accélère. Après les ordonnances sur les 60 heures, le vol sans autre forme de procès de RTT, de jours de Compte-épargne temps, et même de 6 jours congés si accord du CSE… le gouvernement vient d’annoncer la suppression jusqu’à 10 jours de congés pour les agents de la Fonction publique qui auraient dû s’arrêter…

Et si l’argent coule à flot pour les patrons, le gouvernement fait l’aumône à une partie des travailleurs et aux plus pauvres. Les hospitaliers vont toucher une prime de 500 à 1500 euros (en fonction de la proximité du feu !), une provocation, comme la prime de 1000 euros que toucheront 20 % des agents de la fonction publique d’Etat qui ont eu un « surcroît d'activité important » et « assuré la continuité du service public ». Quant aux agents territoriaux, la prime sera au bon vouloir des maires… Celles et ceux qui doivent survivre avec le RSA (560 euros pour une personne seule, 1000 euros pour un couple) vont « bénéficier » d’une prime « exceptionnelle » versée le 15 mai, dans un mois… de 150 euros pas foyer (+100 euros par enfant) ! Hors de question pour le gouvernement d’augmenter les salaires et les minima sociaux, pas plus que d’annuler les réformes du chômage et des APL dont l’application est simplement reportée.

La lutte de classe jamais confinée

« Solidarité », « résilience », « jours heureux », « concorde »… Macron a revu son vocabulaire. Le chef des premiers de cordée est subitement devenu « humble » avec les « moins que rien » : « Je suis comme vous, je ne sais pas » a-t-il expliqué lundi dernier… Grossier numéro de triste sire qui ne peut masquer l’offensive et la violence de classe contre les pauvres et les travailleurs.

Les pressions et les sanctions s’intensifient contre les travailleurs qui tentent de résister, de faire valoir leur droit de retrait, dénoncent les risques ou tentent de faire respecter la loi. Le 4 avril, Laeticia, aide-soignante à l'hôpital d'Hautmon, était mise à pied pour avoir dénoncé, en tant que représentante syndicale SUD, le manque de matériel de protection. Plus récemment, l’inspecteur du travail Anthony Smith, militant CGT, était lui aussi mis à pied pour avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation aux entreprises de son secteur et avoir engagé une procédure de référé à l’encontre d’une d’elles.

762 000 personnes ont par ailleurs été verbalisées et 1700 mises en garde à vue pour « non respect répété » s’est félicité Castaner : « Il y a un relâchement dans les quartiers mais pas que […] Il y a un niveau de conscience assez élevé. Je ne veux pas laisser penser que les jeunes des quartiers seraient plus couillons que la moyenne, ce n’est pas vrai »… Sans blague ! Et au Touquet ou à La Baule (passée de 17 000 à 40 000 habitants depuis le début du confinement) ou encore sur l’aéroport de Biarritz où ont discrètement atterri plusieurs Falcon, combien de gardes à vue ? Par contre la police est intervenue à Marseille, Paris ou Caen pour faire retirer les banderoles des fenêtres !

Les résistances sont nombreuses, protéiformes : droits de retrait, poursuites devant les tribunaux, manifestations de soignants comme à Tourcoing, grève des éboueurs à Poitiers, appel à la grève en ligne le 24 avril prochain des ingénieurs et programmeurs d’Amazon pour protester contre le licenciement de collègues, ou encore grève illimitée des ouvriers de l’usine MSSA en Savoie dénonçant les risques sanitaires et le report des négociations annuelles obligatoires… sans compter la riche vie militante et démocratique sur les réseaux. La lutte de classe ne se laisse pas confiner, en France comme ailleurs, en Pologne par exemple où des dizaines de femmes et d’hommes ont bravé le pouvoir et la répression en manifestant, avec succès, contre un renforcement de l’interdiction de l’IVG.

Une politique sanitaire passe par le contrôle par et pour les travailleurs, les classes populaires...

Les travailleurs et les classes populaires sont les premières victimes du confinement, de l’arrêt de toute vie sociale, de la « distanciation sociale »… La vie s’est figée pour les plus pauvres. Les quartiers populaires en sont l’illustration violente. Des familles, enfants, jeunes adultes ou personnes âgées, isolées et confinées par milliers dans des tours et barres d’immeubles devenues des déserts sociaux. Pauvres, précaires, jeunes en détresse, personnes dépendantes, handicapées, malades, sans domicile, migrants sont laissés à eux-mêmes dans un confinement tout aussi impossible qu’inhumain.

Et ceux qui ont dû continuer à travailler le font dans les pires conditions. Peu de chiffres rendent compte du tribut payé. La presse parle bien peu des aides-soignantes, caissières, éboueurs qui décèdent, victimes de la course aux profits et de l’impréparation criminelle. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a annoncé que 3800 de ses salariés ont contracté la maladie, soit 4 % du personnel avec la même proportion dans les différents corps de métiers.

La pandémie illustre avec une évidence accrue l’incurie et la responsabilité des classes dirigeantes, l’incapacité de leur système à apporter la moindre réponse correspondant aux besoins de la collectivité, à prendre les mesures d’urgence qu’impose la situation, y compris au niveau sanitaire.

Ces réponses exigent de rompre avec la logique capitaliste, elles ne peuvent être apportées que par l’intervention des travailleurs eux-mêmes et de la population. Tout ce qui fonctionne est le fait de l’engagement, des initiatives, de la solidarité ouvrière et populaire. Apporter des réponses à la crise sanitaire nécessite des mesures démocratiques immédiates pour que ceux qui font tourner la société décident et organisent. Cela nécessite des mesures autoritaires pour contrôler l’économie, décider de ce qui est indispensable à produire, comment et où, par qui et de quelle façon. Cela commence par l’expropriation des entreprises et industries du secteur de la santé, de la pharmacie, du matériel médical, du secteur de la recherche et de toutes les entreprises dont la production doit être reconvertie et orientée d’urgence vers les besoins collectifs. Et cela nécessite des mesures financières radicales et immédiates dont l’annulation de la dette publique, la fermeture des bourses.

Aujourd’hui plus que jamais, la question sociale est politique.

« Préparer le jour d’après » comme nous y invitent différents syndicats et associations initiateurs de l’appel « Plus jamais ça » ne peut se faire qu’en rupture avec les illusions institutionnelles parlementaires ou du dialogue social. La question du « jour d’après » est celle de qui contrôle l’économie et la société, qui décide de l’organisation de la production et de la répartition des richesses, le monde du travail ou les financiers.

Isabelle Ufferte

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