Mercredi soir, le 25 mars, Macron avait choisi de délivrer un nouveau message solennel depuis l’hôpital de campagne de Mulhouse mis en service la veille. Un décor militaire pour un discours martial appelant à « être unis », « à faire bloc » et... à rejeter toute critique ou contestation. « Lorsqu'on engage une guerre, on s'y engage tout entier, on s'y mobilise dans l'unité a-t-il asséné. Je vois dans notre pays les facteurs de division, les doutes, toutes celles et ceux qui voudraient aujourd'hui fracturer le pays alors que nous ne devons avoir qu'une obsession : être unis pour combattre le virus. J’en appelle à cette unité, à cet engagement : être unis. »

Et de chercher à bluffer l’opinion par l’annonce du déploiement de moyens militaires de santé -fortement diminués eux aussi depuis des années- à travers une opération cyniquement baptisée « Résilience » comme si la population devait, grâce à lui, sortir plus forte de la catastrophe sanitaire et économique en cours. Il n’a pas hésité non plus à se prévaloir du dévouement et de l’abnégation des personnels de santé comme des salarié-e-s qui font fonctionner les services indispensables à la collectivité dans des conditions scandaleuses d’insécurité. Ce n’est pourtant pas grâce à lui, mais bien parce que les travailleurs ont une conscience de l’intérêt général que n’ont ni Macron et ses ministres ni ses commanditaires du CAC40.

Cynisme et mépris de classe

Par les ordonnances publiées le même jour pour préciser la loi d’urgence sanitaire, le gouvernement en a encore rajouté dans les cadeaux faits au patronat. Le 17 mars, il avait offert 45 milliards d’euros aux entreprises pour financer le chômage partiel et reporter leurs cotisations ou impôts directs qui pourront ensuite être annulés éventuellement, et mis sur la table 300 milliards d’euros pour garantir leurs emprunts. Les ordonnances du 25 mars leur donnent maintenant la possibilité jusqu’au 31 décembre 2020 de déroger au droit du travail, de faire travailler jusqu’à 46 heures par semaine au lieu de 44 heures sur une période 12 semaines et même 60 heures par semaine, d’imposer après accord d’entreprise de compter comme jours de congés jusqu’à 6 jours de confinement, et, de façon unilatérale et en avertissant un jour à l’avance, 10 jours comme des RTT ou au titre du compte épargne temps.

Alors que le personnel hospitalier était mobilisé depuis plus d’un an pour alerter de la catastrophe prochaine qui ne manquerait pas de survenir dans les hôpitaux et réclamer une rallonge budgétaire, rien n’a été mis sur la table de façon sonnante et trébuchante. Mercredi, Macron a promis « un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières […] pour l’hôpital. » Mais, à peine croyable de mépris, ce sera… « à l’issue de cette crise ». Rien, de fait, pour réquisitionner ou faire produire tout le matériel qui manque, masques PFF2, vêtements de protection, tests de dépistage, respirateurs…

Dans le même temps, la direction de PSA prévoit de faire redémarrer ses usines pour produire des voitures, combien inutiles aujourd’hui, et elle affirme disposer de tout le matériel de prévention nécessaire qui manque tant dans les établissements de soins.

Une telle incurie n’a rien de naturel, elle est le résultat de choix sociaux et politiques. La crise actuelle du système de santé, la pénurie de moyens matériels et de personnel, sont le résultat de décennies de coupes budgétaires au détriment de l’hôpital public en faveur du système privé qui ont abouti au fait que la France dispose aujourd’hui de 0,73 lit de réanimation pour 10 000 habitants, mieux que l’Italie certes (0,58 lit) mais loin derrière l’Allemagne (1,25 lit). Il n’est pas question pour le gouvernement de revenir sur cette politique. Quant à faire le moindre geste pour soulager les conditions terribles dans lesquelles doivent survivre celles et ceux qui sont les plus exposé-e-s, SDF et mal logé-e-s, travailleur-se-s sans papier, Roms, personnes âgées et personnel soignant des EHPAD considérés par les grandes sociétés du secteur comme de la chair à profits, détenus et personnel des prisons, patients et soignants dans les établissements psychiatriques, le sujet n’a même pas été évoqué.

Une guerre contre les travailleurs et les populations

On n’imagine pas encore les ravages que fera la pandémie dans les pays les plus pauvres, les plus pillés depuis des décennies, dans les régions mises à feu et à sang par les guerres provoquées par les interventions des grandes puissances ou des puissances régionales comme au Moyen-orient, en Syrie, au Yémen, en Palestine, en Afrique subsaharienne… La pandémie s’étend à travers le monde entier, plus de 3 milliards de personnes sont confinées, plus de 500 000 contaminées… et c’est toute l’économie mondiale qui est maintenant à l’arrêt.

La rapidité de propagation de l’épidémie, la paralysie de l’économie mondiale qu’elle entraîne, permettent aux classes dirigeantes d’imputer au coronavirus ou à la mondialisation la faillite de leur propre système. Les bourses ont chuté de plus de 30 % et toutes les institutions internationales ou gouvernementales annoncent une dépression plus importante qu’en 1929. Le coronavirus a bon dos, il semble expliquer cette crise. En réalité, c’est la même logique de compétitivité, de recherche effrénée de la moindre goutte de profit, la mise en tension de toutes les forces du travail humain à exploiter pour servir en plus-value l’énorme masse des capitaux spéculatifs, qui ont logiquement débouché sur une crise d’une ampleur inédite à partir du moment où l’activité a été grippée à un endroit.

Jour après jour, les États, les banques centrales, les institutions financières internationales dévoilent un arsenal impressionnant de liquidités à injecter dans l’économie, des milliers de milliards de dollars ou d’euros qui éviteront peut-être un temps la banqueroute financière immédiate, le credit crunch, mais qui sont employées par les multinationales de la finance et de l’industrie pour colmater les brèches et continuer leurs fructueuses opérations sur les marchés financiers.

Partout le chômage grimpe en flèche, les innombrables travailleurs précaires sont remerciés sans revenus, une catastrophe sociale mondiale est en route.

Un plan d’urgence sanitaire et social

Les gros actionnaires des sociétés qui dominent l’économie mondiale comme les gouvernements dont ils sont les commanditaires sont absolument incapables d’apporter une solution d’intérêt général à la crise. On a en a un bon exemple dans le secteur aérien. Pendant vingt ans, les compagnies ariennes et les constructeurs comme Boeing et Airbus ont profité à plein de l’expansion du trafic et, depuis la crise de 2008-2009, des politiques d’argent facile, de prêts à taux bas, menées par les banques centrales et les États. Aujourd’hui, des sociétés comme Air France et Airbus prétendent, malgré l’épidémie et le confinement, faire venir leurs salariés dans leurs usines ou leurs ateliers de maintenance pour travailler alors que presque tout le trafic aérien est arrêté. Et ces sociétés réclament l’aide de l’État en mettant leurs pertes actuelles en avant alors que leurs bénéfices accumulés ont atteint des montants faramineux. « Il y a des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », disait Macron il y a quinze jours. Oui, n’en doutons pas, des nationalisations seront faites, d’Air France ou d’autres sociétés, une façon de socialiser les pertes en attendant des jours meilleurs.

Quant aux intérêts, aux besoins des classes populaires, ils ne peuvent être pris en compte que par les travailleurs eux-mêmes. L’ampleur de la crise, les drames qu’elle engendre n’ont de réponses que radicales. Contre l’épidémie, la réquisition de tous les établissements de soins et de tous les outils de production disponibles pour fabriquer le matériel nécessaire à la protection des soignants et au dépistage systématique, la création de milliers de postes bien rémunérés dans les hôpitaux à offrir dès maintenant aux sortant-e-s des écoles d’infirmier-e-s.

Pour ne pas faire les frais de leur crise et garantir à toutes et tous un emploi avec un salaire décent, la fermeture immédiate de la bourse et des marchés financiers, l’expropriation des banques et autres institutions financières et la création d’un service public unique de crédit afin d’orienter l’économie vers la satisfaction des besoins de l’humanité et de la nature.

Ces mesures d’urgence découlent pour ainsi dire naturellement du tsunami sanitaire et financier qui secoue la planète. C’est dès maintenant qu’elles devraient entrer en action et qu’il est nécessaire de s’en emparer. Il s’agit d’un plan de défense des droits fondamentaux de la population, un plan pour l’unité de tous les travailleurs contre la minorité parasitaire qui mène l’humanité à la catastrophe.

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