Mercredi, Edouard Philippe sermonnait, «La grève à la RATP et à la SNCF n'a que trop duré», avec, une nouvelle fois, en écho, le soutien des médias voyant enfin à l’horizon l’effritement tant annoncé d’un mouvement auquel ils ne comprennent rien, prisonniers de leurs préjugés sociaux. Jeudi, le mouvement leur a répondu, « On est là, on est là »...

Les uns et les autres pronostiquaient qu’après le tour de passe-passe de l’âge pivot retiré pour mieux revenir, avec Berger dans le rôle d’accessoiriste du petit magicien Philippe, tout allait rentrer dans leur ordre. Le tour a raté, une nouvelle démonstration des mensonges gouvernementaux ! La pédagogie souhaitée par « Macron, l’exfiltré », selon la formule de Daniel Mermet1, fait son œuvre malgré les intimidations, les provocations et violences policières. Certes, la grève à la SNCF et à la RATP ne peut tenir sans l’entrée en grève d’autres catégories, les manifs étaient moins nombreuses, mais le mouvement est plus populaire que jamais, il gagne en surface, en détermination, en conscience.

Avec les enseignants, la jeunesse aussi commence à le rejoindre. Les robes noires des avocats et les blouses blanches des professions libérales médicales lui apportent leurs couleurs au moment où la crise hospitalière rebondit de plus belle avec la démission de leur fonction administrative de 1200 chefs de service. Avec les ports, les raffineries, Enedis et Grdf, la Banque de France, des débrayages ont lieu dans le privé. Même la police scientifique s’y est mise…

Porté jusqu’alors par les cheminots et les traminots, le mouvement devient l’affaire de nouveaux militants, trouve de nouvelles forces et la semaine qui vient pourrait bien déboucher sur une journée du 24 janvier qui soit une profonde vague de révolte ouvrière et populaire.

Macron et son gouvernement déploient un talent pédagogique sans limites pour convaincre de leur mauvaise foi, obligés de reconnaître le réel contenu de leur réforme : faire travailler plus longtemps pour des retraites en baisse au profit des fonds de pension.

Et, toujours aussi pédagogue, Macron reçoit, ce lundi, 200 dirigeants de multinationales au Château de Versailles avant de recevoir, mardi, 150 chefs « d'entreprises intermédiaires » à l’Élysée...

C’est pas la CGT ni les grévistes qui ruinent le pays, c’est le capital

Le mouvement est l’occasion d’un déchaînement anti-ouvrier, antisocial qu’illustre la dernière Une du Point, « La CGT ruine le pays », thème récurrent sous différentes formes sur les chaînes d’info. Si c’est pas la CGT, ce sont les grévistes ! Les journalistes aux ordres, subjugués par le pouvoir, relayent tous les mensonges officiels. La vérité est à l’opposé des préjugés sociaux qu’ils véhiculent, c’est la course au profit, la concurrence, la finance qui ruinent le pays et conduisent l’économie vers un krach.

La popularité de la grève, reflet des mécontentements, de la colère du monde du travail, est la réponse à cette campagne réactionnaire et mensongère.

Élargir le mouvement, c’est donner des perspectives à ces mécontentements et aspirations, mettre sur la table les réponses des travailleurs, leurs exigences, ne pas se limiter au retrait pour remettre en cause toute une politique vouée à la défense des intérêts du capital, des revenus financiers.

La seule suppression des exonérations de cotisations patronales, actuellement 69 milliards d’euros y compris le CICE, et leur utilisation pour la création d’emplois augmenteraient les richesses créées, les salaires et le financement des retraites. Trois millions d’emplois rapporteraient 30 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires. La fin du chômage, la hausse du SMIC et des salaires, l’égalité des salaires entre hommes et femmes suffiraient au dit équilibre financier sans même parler du simple fait d’assujettir les revenus financiers perçus par les entreprises et les banques, 298,8 milliards d‘euros en 2018, au même taux de cotisation que les salaires.

De l’argent, il y en a à condition de rompre avec la logique capitaliste de la concurrence et du profit.

L’intersyndicale dans la nasse du dialogue social

Élargir le mouvement exige une politique qui rompt avec le passé de compromis, de capitulations, de reculades et de défaites de la gauche syndicale et politique pour mettre en avant une politique de classe répondant aux besoins du monde du travail et de la population. La mobilisation a besoin de surmonter la légitime méfiance de l’ensemble des travailleurs dans les directions syndicales qui, il y a juste quelques mois, avaient tourné le dos voire combattu les gilets jaunes et qui sont toujours engluées dans le dialogue social.

De plus en plus nombreux sont celles et ceux qui manifestent leur indépendance vis à vis des directions syndicales. Cela s’exprime à travers les équipes militantes qui prennent les affaires en main, les coordinations, interpros, comités de mobilisation… Depuis le projet de loi-travail en 2016, les manifestations de rue ont vu se former les « cortèges de tête » ou des « cortèges mélangés » qui refusent de se ranger derrière telle ou telle boutique syndicale. A travers la mobilisation actuelle, ces évolutions s’approfondissent.

Pour les révolutionnaires, l’enjeu du moment, dans le cœur du mouvement, est de formuler une politique qui répond aux besoins de ces évolutions pour contribuer au rassemblement de l’ensemble des travailleurs, une politique qui lie la bataille pour le retrait à des exigences qui contestent directement le patronat, le capitalisme.

La généralisation de la mobilisation, une bataille politique entre le capital et le travail

D’une certaine façon, le besoin d’une telle politique s’exprime à travers la fusion qui s’est opérée entre les grévistes, leur soutien et une fraction des Gilets jaunes dont le slogan devient le slogan le plus chanté et repris dans tous les cortèges. « On est là, on est là » est un trait d’union entre l’ensemble des invisibles, des rejetés, méprisés et exploités, une affirmation de « l’honneur des travailleurs ».

La fusion entre la lutte pour le retrait de la réforme et le contenu de classe subversif du mouvement des gilets jaunes se réalise dans les slogans, la dynamique du mouvement sans être encore en mesure de déboucher sur une politique de contestation globale, une politique pour faire plier Macron aujourd’hui et changer le monde demain.

La contestation globale reste abstraite et laisse la direction politique du mouvement à l’intersyndicale.

Les jours qui viennent seront forcément un tournant dans le mouvement. L’extension à d’autres secteurs dans une mobilisation commune de l’ensemble des classes populaires contre ce projet reste possible si une large fraction du mouvement combine l’exigence du retrait avec des perspectives répondant à l’urgence sociale, donne un contenu concret à la contestation globale du capitalisme qui est, de fait, le lien entre celles et ceux qui animent la lutte.

Au cœur du mouvement, le parti de la contestation du monde du CAC40, le parti des travailleurs

Les militants, les grévistes, les travailleurs engagés et solidaires de la mobilisation sentent bien que l’étape qui est devant nous sera difficile à franchir mais ils ont aussi conscience qu’à travers la bataille actuelle, c’est une bataille plus globale qui se mène, se construit.

La caractère inédit du mouvement, son ampleur, sa durée lui valent souvent d’être qualifié d’historique. Il l’est comme le moment politique que nous vivons, ici et dans le monde, est historique au sens où il est l’expression de changements radicaux qui vont conditionner, déterminer les luttes sociales et politiques à venir, en résumé, la polarisation des antagonismes de classe entre une classe capitaliste incapable de maîtriser son propre système tant sur le plan économique, financier, politique et écologique et le prolétariat, sa jeunesse, inévitablement amenés à s’engager dans la lutte pour construire leur propre avenir, celui de toute la société.

Le moment est historique au sens où se forment, à un niveau de masse, les conditions de l’émergence de partis pour la transformation révolutionnaire de la société.

Quelle que soit, à court terme, l’issue de la lutte, d’ores et déjà le surgissement des milliers de femmes et d’hommes qui l’ont prise en main est un acquis considérable. De leur rencontre avec les idées du socialisme et du communisme, de la démocratie révolutionnaire dépend l’avenir.

C’est bien là la tâche des révolutionnaires, porter la contestation anticapitaliste pour changer le monde, y compris sur le terrain des élections municipales, en toute indépendance de celles et ceux qui nous invitent à reconstruire la gauche faillie.


1     https://la-bas.org/la-bas-magazine/au-fil-de-la-bas/macron-l-exfiltre

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