Dans la continuité du Grand Débat, Macron a prétendu répondre à la crise des Gilets Jaunes, provoquée par le refus d’une taxe sur les carburants, par… une Convention citoyenne pour le climat. 150 personnes tirées au sort sont censées travailler depuis octobre dernier et jusqu'en avril à des mesures concrètes pour « réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale ».

Grand débat, Convention Citoyenne pour le Climat, du bluff pour contenir la colère sociale

Un « exercice de démocratie participative » selon les termes de Philippe, certaines des propositions pourraient même être soumises à référendum a promis Macron ! Mais il est plus probable qu’elles subiront le même sort que les milliers de cahiers de doléances du Grand Débat : scannés, archivés et… oubliés ! Une opération de bluff et de baratin que le gouvernement espère pouvoir utiliser avant tout pour justifier la poursuite de sa politique et de nouvelles attaques, en l’occurrence la justification de nouvelles taxes carbone qui viseront les plus pauvres et certainement pas les multinationales de l’énergie ou du transport. En fait de débat démocratique, cette convention est étroitement encadrée par des représentants du gouvernement et du patronat comme par exemple Augustin de Romanet, PDG des aéroports de Paris ou Catherine Tissot-Colle, cadre dirigeante d’une multinationale de l’extraction minière. De plus, les débats sont totalement verrouillés avec des objectifs déjà définis et des sujets de discussions déjà établis.

Mais alors que la lutte contre la réforme des retraites se poursuit avec détermination depuis plusieurs semaines, pas sûr que cela suffise à faire retomber la colère qui monte. Venu faire son show vendredi 10 janvier devant cette convention, Macron n’a pu éviter, malgré tous les filtres mis en place, quelques questions de fond… Ainsi une travailleuse, au nom de ceux qui « dans notre pays galèrent et qui luttent », lui a demandé ce qu’il entendait au juste par « un esprit de justice sociale », une autre l’a interrogé : « Le système économique qui conduit à produire toujours plus est-il compatible avec l’objectif écologique ? » En réponse, Macron n’a pu que réaffirmer avec cynisme sa croyance en une économie de marché « ouverte et productive », en rajoutant « Je crois que ce modèle est compatible avec l’écologie. »

Ainsi, derrière tout son baratin écologique, Macron n’a d’autres horizons que les prétendues solutions du capitalisme « vert » et n’est capable que de culpabiliser les moins responsables et les premières victimes de la crise climatique. Ainsi a-t-il conclu : « Chaque citoyen a une part à faire. Par ses comportements et sa consommation, par des gestes de responsabilité. Il faut adopter des comportements de frugalité énergétique et de discipline. »

« Frugalité et discipline », il semble que ce soit la seule perspective que Macron ait à proposer à la jeunesse et au monde du travail quand, dans le même temps, les profits du CAC40 s’envolent et que jamais autant d’argent n’a été redistribué aux actionnaires.

Le gouvernement fait d’autant plus la morale à la population qu’il est incapable de respecter ses propres engagements… Ainsi dans un rapport intitulé « Le grand écart entre discours et petits pas », publié le 10 janvier, le Réseau action climat (RAC) rappelle à grands renforts de chiffres à quel point « les réponses politiques face au besoin d’une transition écologique, socialement juste, ne sont pas à la hauteur ». Les émissions annuelles de CO2 prévues par le gouvernement pour respecter les engagements de diminution de la conférence de Paris ont été dépassées chaque année entre 2015 et 2018. Déjà le Haut Conseil pour le climat, mis en place par Macron lui-même, l’avait alerté en juin sur la nécessité de multiplier par au moins trois d’ici à 2025 la baisse annuelle de ces émissions pour espérer atteindre ces objectifs… et depuis, contrairement à son engagement, le gouvernement n’a donné aucune explication, n’a pris aucun engagement pour rattraper ce retard.

La morale pour les classes populaires ne sert qu’à masquer l’impuissance du gouvernement à agir et sa totale soumission à des classes dominantes qui sacrifient population et environnement au nom de la « maximalisation des profits et des dividendes ».

Le réchauffement climatique et les catastrophes qu’il engendre, accélérateurs de la crise d’un capitalisme à l’agonie

La crise climatique qui s’accélère et dont les effets se font de plus en plus sentir à travers le monde ne fait qu’accentuer toutes les contradictions d’un capitalisme en crise, en rendant plus insupportables les inégalités sociales comme en révélant toute l’incurie des classes dominantes.

L’année 2019, la plus chaude jamais enregistrée, vient terminer une décennie qui est elle-même la plus chaude jamais mesurée. Et les gigantesques incendies qui ravagent l’Australie depuis 4 mois ne sont qu’une des conséquences concrètes de ce réchauffement qui y a entraîné une sécheresse sans précédent depuis plusieurs années.

Les conséquences quotidiennes du réchauffement comme la multiplication des catastrophes de grande ampleur auxquelles sont avant tout confrontées les classes populaires les plus pauvres sont un profond révélateur de la responsabilité d’un système capitaliste qui soumet toute la société à la seule logique de la recherche du profit le plus immédiat. Et l’incapacité des gouvernements à prendre des mesures remettant en cause les intérêts des classes dominantes pour protéger efficacement les populations est aussi un puissant accélérateur de transformations des consciences dans la jeunesse et le monde du travail.

Ainsi, en quelques semaines, les feux ont fait davantage pour convaincre les Australiens de l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique que des décennies de militantisme écologiste. Et c’est par dizaines de milliers qu’ils sont descendus dans les rues de nombreuses villes pour demander le départ de Scott Morrison, le premier ministre. Non seulement, fin décembre, Morrison était tout simplement parti en vacances à Hawaï au plus fort des incendies, mais il est clairement apparu aux yeux du plus grand nombre que, s’il est climatosceptique, c’est avant tout parce qu’il défend les intérêts des compagnies minières qui ont fait du pays le premier exportateur mondial de charbon.

Alors que la population australienne subit les pires incendies de son histoire par leur durée et leur ampleur, les représentants des classes dominantes mentent ouvertement à travers une presse aux ordres pour justifier de continuer à engranger les profits de l’extraction minière… avec comme seule perspective de nouveaux projets de mines gigantesque de charbon et d’extraction de gaz offshore. Une partie de la jeunesse et de la population fait l’expérience insupportable, au prix fort, du cynisme et de l’égoïsme de classe de cette minorité de possédants qui sont à la tête des principales multinationales, géants de la finance et de l’industrie, et dont la conscience sociale se résume à la formule « après moi le déluge ! »

Une porte-parole australienne d’Extinction Rebellion résumait ainsi cette prise de conscience nouvelle : « Le gouvernement défend les intérêts de l’industrie minière. Ils ne disent pas la vérité au sujet du réchauffement climatique, ils sont dans le déni. Il y a beaucoup de mensonges dans la presse, mais les gens commencent à ouvrir les yeux. L’urgence est telle que nous ne pouvons plus attendre. Il faut arrêter l’exploitation du charbon et développer les énergies renouvelables. Nous sommes en guerre. »

Oui en guerre et c’est une guerre sociale dont il nous faut formuler le contenu de classe pour aider les évolutions en cours.

Prendre le contrôle de la marche de la société pour faire face à la catastrophe climatique

Depuis plus d’un an, la contestation face à l’inaction des gouvernements devant le réchauffement climatique a pris de l’ampleur et s’est radicalisée dans la jeunesse et au-delà, dans un contexte de montée des révoltes sociales à travers le monde.

La prise de conscience de l’ampleur du problème posé par le réchauffement climatique conduit à contester le fonctionnement même d’un système capitaliste qui non seulement est directement responsable de cette crise mais apparaît aussi comme le principal obstacle à la mise en œuvre de solutions indispensables qui, de fait, s’opposent à la logique du profit. Cette colère grandissante face à des gouvernements déconsidérés à force de faire l’étalage de leur impuissance, de leur corruption, de leurs liens étroits avec les classes dominantes, conduit à la conscience de la nécessité d’agir directement, collectivement, pour prendre le contrôle de la marche de la société et imposer une autre logique sociale. Mettre en œuvre à l’échelle internationale des solutions pour protéger les populations, atténuer, limiter les conséquences du réchauffement climatique implique de faire passer la défense des intérêts du plus grand nombre et la préservation de l’environnement avant ceux d’une minorité, avant la course au profit, la rentabilité, la productivité… cela implique une remise en cause de la propriété capitaliste, cette aberration sociale à laquelle toute la société est pourtant aujourd’hui soumise.

C’est en ce sens que la question écologique rejoint la question sociale, la révolte contre les inégalités sociales, comme la question démocratique, pour en finir avec la domination d’une classe dominante minoritaire qui façonne toute la société en fonction de ses seuls intérêts. Les trois questions sont liées, et participent de la même remise en cause du système capitaliste.

Quelle que soit l’ampleur que prendra le réchauffement climatique avec son lot de catastrophes, il n’y a pas de fatalité, et aucune raison de se résigner. Des solutions existent, et les moyens humains, scientifiques, techniques qui rendent ces solutions possibles aussi, mais leur mise en œuvre se heurte directement aux intérêts sociaux et politiques des classes dominantes. Pour pouvoir prendre à bras le corps consciemment, collectivement, démocratiquement, la question du réchauffement climatique, une autre organisation sociale est nécessaire, car ce n’est que sur la base d’une véritable démocratie, que tous les progrès techniques, scientifiques accumulés depuis des décennies pourront être mis en œuvre dans l’intérêt de tous.

C’est ce qui rend possible et nécessaire la transformation révolutionnaire de la société pour la libérer des entraves de la propriété privée et du parasitisme d’une minorité, par l’intervention consciente, démocratique, révolutionnaire du monde du travail et de la jeunesse.

Bruno Bajou

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