Le mouvement des Gilets jaunes n’a pas épuisé ses forces comme en attestent les mobilisations de l’acte 53, tenues de ronds points et manifestations un peu partout, malgré la répression policière et les provocations, en particulier à Paris. La place d’Italie, d’où devait partir une manifestation déclarée et autorisée, a été cernée et bloquée par les forces de l’ordre, transformée en souricière, avec des affrontements inévitables commentés en boucle par les médias aux ordres. La préfecture a très rapidement interdit toute manifestation à Paris alors que des milliers de manifestants, avec gilet ou sans gilet, s’y étaient rassemblés.

« Parti de pétitions sur internet, relayé souvent par des petits patrons et recevant rapidement le soutien de la droite et de l’extrême-droite, le mouvement s’est transformé en véritable mouvement populaire dans lequel se sont reconnus nombre de « ceux qui ne manifestent jamais », écrivions-nous il y a un an dans Démocratie révolutionnaire au lendemain du 17 novembre. Travailleurs que les salaires misérables contraignent à habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail, dans des endroits totalement dépourvus de transports collectifs, petits artisans, travailleurs indépendants, paysans, pour qui l’utilisation d’un véhicule est partie intégrante de leur activité professionnelle, retraités, tous crient leur ras-le-bol des offensives à répétition du gouvernement qui se traduisent, dans la vie quotidienne, par l’impossibilité de joindre les deux bouts, d’élever dignement ses enfants, de s’offrir le moindre loisir. [...] Si aujourd’hui, poursuivions-nous, les politiciens de droite et d’extrême droite peuvent se prévaloir de la révolte populaire et tenter de la capter au profit de leurs intérêts électoraux, la responsabilité en revient pour beaucoup aux directions syndicales qui se sont avérées incapables, par leur passivité et leur complicité avec le jeu pervers du dialogue social, de construire une véritable riposte aux offensives gouvernementales malgré de puissantes mobilisations sociales. Et elles sont encore passives, sans propositions ni initiatives devant l’explosion de colère du 17 et ses suites. Pourtant, le mécontentement croissant qui traverse le pays met bien à l’ordre du jour la nécessité de construire l’affrontement contre Macron et ses mandataires ».

Le mouvement a évolué sous la pression de ses propres succès et de ses limites, il a profondément bouleversé la situation sociale et politique et de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui prennent conscience de la nécessité de rassembler les forces de l’ensemble des travailleurs, des classes populaires, des jeunes. Aujourd’hui, le mécontentement s’accumule alors que les mobilisations au sein du monde du travail n’ont pas cessé à l’image de la lutte des urgentistes et des mobilisations dans les hôpitaux, comme chez les enseignants, les pompiers, la Poste ou contre les licenciements dans le privé.

Hospitaliers, jeunes, retraites..., la grande panique du pouvoir

L’intimidation, la répression, les violences policières et les poursuites et condamnations judiciaires, n’ont pas étouffé la colère pas plus que les petits gestes, prime d'activité, « prime Macron », heures sup défiscalisées ou les promesses sur les baisses d'impôt. Macron n’a pas réussi à reprendre la main, le grand blabla a fait plouf et le parti présidentiel, déchiré par les ambitions rivales et locales, se prépare à une débandade aux municipales à venir.

La journée de mobilisation de jeudi de l’ensemble du personnel hospitalier, auquel se sont associés les syndicats de médecins et y compris la conférence des doyens de facultés de médecine, a été un nouveau camouflet pour le pouvoir. Un révélateur des conséquences dramatiques de sa politique de classe au service des intérêts privés des riches et des groupes financiers qui ruinent l’hôpital public pour que prospère la médecine du profit, au détriment de la population. Un révélateur aussi de l’hypocrisie de Macron intervenant au moment même où se déroulaient les manifestations pour oser afficher sa prétendue solidarité avec le personnel hospitalier, alors que son gouvernement est en train de défendre au parlement un budget qui poursuit la politique de sacrifice de l’hôpital public à la rentabilisation financière.

Il y a fort à parier que son prétendu plan d’urgence qui sera dévoilé mercredi prochain dans… l’urgence ne répondra pas aux besoins des hospitaliers tant l’État est incapable de remettre en cause la politique que la droite et la gauche ont mise en route depuis trois décennies.

C’est toute la société qui souffre de cette politique vouée à la défense des intérêts privés des groupes financiers et des gros actionnaires.

Le geste dramatique d’Anas, l’étudiant qui s’est immolé le 18 novembre devant le Crous de Lyon, en est un nouveau témoignage, une accusation : « J’accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l’UE de m’avoir tué, en créant des incertitudes sur l’avenir de toutes » a-t-il écrit pour expliquer son geste. Suscitant un profond mouvement de révolte et de solidarité parmi les étudiants et bien plus largement dans la jeunesse et la population.

Pour une fraction croissante du monde du travail comme de la jeunesse, la colère devient désespoir face à un pouvoir indifférent et brutal.

Là encore, les paroles de compassion de Macron, obligé de dire à ses propres ministres de faire preuve de retenue, apparaissent comme sa propre mise en accusation, un aveu de duplicité qui ne peut que nourrir la montée de la révolte.

L’offensive réactionnaire du pouvoir et du CAC 40 se renforce

Ces paroles révèlent le cynisme d’un pouvoir contraint d’assumer les conséquences dramatiques de sa propre politique, le cynisme d’un pouvoir qui, consciemment, distille une politique réactionnaire pour diviser, étouffer la colère, la dévoyer. A défaut de changer de politique pour prendre l’argent là où il est pour répondre aux besoins de la population, le gouvernement a engagé une offensive réactionnaire accentuant la brutalité de sa réponse aux gilets jaunes. Macron se met dans la peau de Le Pen pour distiller le poison du racisme à travers une indigne campagne contre les musulmans qui accompagne une campagne contre les migrants et l’ensemble du monde du travail et des opprimés.

« Dans le même temps », selon la formule qui résume son double jeu, pour tenter de désamorcer les convergences qui s’opèrent contre la réforme des retraites, il a d’abord repoussé la réforme au-delà des élections municipales de mars 2020, puis abandonné l’âge pivot à 64 ans et, aujourd'hui, n’a pas trouvé mieux que d’inventer le stratagème de « la clause du grand-père » selon laquelle la réforme ne serait appliquée qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail. Aussitôt démentie puis… confirmée par Delevoye puis démentie…

Impuissance, cynisme, double jeu, le pouvoir affiche ses divisions et ses doutes, il craint une explosion sociale incontrôlable et, ce faisant, il y contribue...

Nous donner les moyens de diriger nos mobilisations et nos luttes, de faire notre politique

Le pouvoir panique parce qu’il comprend que la rupture d’une large fraction du monde du travail avec les institutions, ce qu’il est convenu d’appeler les corps intermédiaires, les partis comme les syndicats, dont témoignaient les gilets jaunes, a gagné l’ensemble du monde du travail. Ces derniers ont été la démonstration qu’il était possible pour les travailleurs de prendre eux-mêmes leurs affaires en main, de s’organiser par eux-mêmes. Ils l’ont fait comme ils pouvaient en marge de la majorité du monde du travail, qui était solidaire mais passif.

Les choses ont changé. Parmi les urgentistes, à la RATP, chez les cheminots, les salariés ont commencé à prendre, à leur tour, leurs mobilisations en main. Ils ont ainsi contraint les directions des grandes confédérations de la CGT, de FO à appeler avec Solidaires et la FSU à une journée de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites le 5 décembre. De nombreuses équipes militantes ont fait leur l’appel lancé par les travailleurs de la RATP à engager une grève reconductible. Elles ont raison et nous savons bien que si nous ne nous organisons pas à la base, les directions syndicales resteront prisonnières du dialogue social. A travers chaque étape du mouvement qui se poursuit, nous avons besoin de nous regrouper avec notre propre gilet et drapeau de classe, en tournant le dos aux confusions et démagogies populistes, pour prendre nos affaires en main.

Nos mobilisations sont en écho aux mobilisations qui secouent l’ordre pourri du capitalisme mondialisé, au Chili, en Algérie, à Haïti, au Liban, à Hong Kong… Elles s’inscrivent dans une perspective d’ensemble des classes exploitées, des femmes et de la jeunesse pour changer le rapport de force, mettre un coup d’arrêt à l’offensive mondialisée du capitalisme et engager la lutte pour en finir avec leur domination et conquérir le pouvoir pour changer le monde.

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