En cette rentrée, un vent nouveau a commencé de souffler. Dans la continuité des derniers mois, des manifestations de gilets jaunes, d’équipes militantes, de travailleurs, ont eu lieu samedi dans plusieurs grandes villes. Le besoin d’une politique pour donner une cohérence à l’ensemble des mobilisations et des mécontentements pour affronter le gouvernement, le patronat, les gros actionnaires s’affirme.
Par crainte que cette colère ne se cristallise, Macron veut prendre son temps pour mener l’offensive sur les retraites. En annonçant que « rien n’est décidé », il a reporté après les municipales le vote de la réforme. Il veut aussi prendre le temps d’associer à sa politique des directions syndicales dont la seule boussole est leurs intérêts d’appareil et tenter de façonner l’opinion, de la plier aux exigences de la finance.
A l’opposé, c’est sans attendre qu’il est nécessaire de prendre appui sur l’expérience des mois passés, pour œuvrer à la prise de conscience qu’il n’y a pas d’autre solution pour stopper la régression sociale qu’un mouvement d’ensemble qui conteste radicalement la logique du profit.
Les attaques menées par le gouvernement ont toutes une cohérence, celle de maintenir voire d’augmenter les profits à tout prix, en creusant les inégalités comme jamais.
D’un côté, les dividendes du 2ème trimestre 2019 atteignent des records, avec une palme de 51 milliards de dollars en France (+3,1%). De l’autre, l’Observatoire des Inégalités dénonce l’augmentation de la pauvreté avec 8 millions de travailleurs précaires, dont 1 million survivant sous le seuil de pauvreté. Voilà résumée la logique de la classe capitaliste parasite qui craint sa propre faillite.
En annonçant un « Grand Débat » sur les retraites, Macron mène une campagne politique pour la faire accepter. Préparer la riposte, c’est développer une politique qui conteste, dans ses fondements même, cette folie destructrice qui conduit la société à la catastrophe.
Le « dialogue social » pour imposer la logique du capital
Macron voudrait laisser croire qu’il change de tactique en jouant une autre musique sur le thème bien connu du « dialogue social », avec l’aide de la CFDT qui postule déjà à « accompagner » le gouvernement. Si la CGT ou FO dénoncent le résultat de ces « concertations » qui durent déjà depuis 18 mois, elles continuent de s’y prêter en allant rencontrer le gouvernement cette semaine, en « partenaires sociaux » responsables.
Les directions syndicales ne veulent pas aller à la bataille frontale avec le patronat et son État. Bien des militants et des travailleurs le mesurent au regard de ces dates de mobilisations dispersées de la rentrée, traduisant surtout la volonté des appareils de reprendre la main après des mois de mobilisations où ils ont été absents.
Dans ces conditions, construire la convergence des luttes ne se réduit pas à une question de date, mais bien à la mise en œuvre d’une politique consciente, sur le terrain de la lutte de classe, cherchant à regrouper les forces face à l’offensive globale des capitalistes.
Si Macron est devenu le point de convergence de tous les mécontentements, il est un leurre. Comme ses prédécesseurs ou ses éventuels successeurs, il sert les intérêts des patrons, des banquiers, des actionnaires. Le monde du travail a face à lui l’ensemble d’une classe sociale et de ses serviteurs, quoi qu’en disent tous ceux qui voudraient détourner la colère dans l’impasse institutionnelle.
Une politique d’indépendance de classe pour construire la convergence
La colère sociale est bien présente en cette rentrée comme se renforce l’idée qu’il nous faut prendre nos affaires en main non seulement à travers les nouvelles manifestations du samedi mais aussi la plupart des luttes.
La grève des urgences s’est renforcée durant l’été avec près de 240 services mobilisés et le collectif Inter Urgences appelle à une Assemblée Générale le 10 septembre, juste avant la grève dans la santé appelée pour le 11.
Les pompiers ont prolongé leur grève entamée le 26 juin, face au mépris du gouvernement. Comme les urgences, ils réclament du salaire, des effectifs, dénoncent les économies permanentes. A cela s’ajoute les luttes des enseignants qui reprennent en cette rentrée, la manifestation des Ford contre la fermeture de l’usine, la grève des travailleurs sans papier de Chronopost à Alfortville, celles des femmes de chambre, etc.
Les appels pour le climat avec les manifestations du 20 et 21 septembre se multiplient en particulier dans la jeunesse, révoltée par la responsabilité des classes dirigeantes, de ces multinationales qui pillent la planète pour le profit d’une infime minorité.
Les directions syndicales appellent à une série de journées d’action. Le 24 septembre, la CGT et Solidaires appellent à une journée interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Quelles que soient leurs limites, ces différentes mobilisations sont autant d’occasions pour que des liens se tissent, des initiatives convergentes, de regroupement se prennent car le sentiment d’être attaqués en même temps est bien réel. Mais construire la riposte passe par l’idée que chaque lutte participe d’une même lutte d’ensemble, d’un combat commun contestant le droit aux financiers, aux capitalistes et pas seulement à Macron, de diriger toute la société. C’est-à-dire faire de la politique.
En posant la question du bien-être pour toutes et tous et de la démocratie, les gilets jaunes posaient la question au bon niveau. C’est le point de départ : salaires, retraites, injustice fiscale, précarité, services publics… Il nous faut faire le lien entre ces exigences et l’indispensable intervention directe des travailleurs pour les satisfaire, pour imposer le contrôle sur la marche des entreprises et de la société sans lequel la démocratie est un vain mot.
Sur la question des retraites, nous ne pouvons en rester au constat que les patrons paient de moins en moins de cotisations comme le dit Martinez, comme si un « bon » gouvernement de gauche pouvait revenir sur la politique menée depuis des années au service des capitalistes. Nous n’avons pas de « propositions » pour que la société capitaliste soit moins injuste. Qui peut sincèrement y croire encore ?
Même si les possédants ne savent plus quoi faire de leurs capitaux, ils craignent trop pour leur avenir pour laisser à l’État la moindre marge de manœuvre, sauf d’y être contraints, sur le terrain de la lutte de classe.
La riposte à construire pose la question d’un affrontement, global, reliant les retraites, les salaires, l’embauche et l’interdiction des licenciements, la protection sociale comme réponse face à la politique des capitalistes pour maintenir leurs profits à tout prix.
Pour imposer le droit à vivre dignement et en finir avec la régression sociale, comme pour contrôler et planifier la production contre les multinationales qui détruisent l’environnement, le monde du travail, la jeunesse prennent conscience de la nécessité de contester le pouvoir de l’argent, des actionnaires et des financiers sur toute la société, de conquérir la démocratie, le droit de décider et contrôler en fonction des intérêts de la population.