Depuis plus d’un mois, la révolte des gilets jaunes a imposé la question sociale sur le devant de la scène. Partie d’une lutte contre l’augmentation du prix des carburants, elle a fait surgir toute la révolte accumulée depuis des années contre les injustices et les inégalités subies par les classes populaires. Par leur détermination, les gilets jaunes ont fait aussi apparaître au grand jour le cynisme du gouvernement qui justifiait ces nouvelles taxes au nom de la « transition écologique » quand, dans le même temps, le démantèlement des services publics, l’insuffisance des transports en commun, l’explosion des loyers des grandes villes, obligent les classes populaires à utiliser leurs véhicules et que le carburant des tankers et des avions de ligne est largement exonéré de taxes, au nom de la compétitivité. La crise climatique, les problèmes environnementaux ne sont pas des questions à part qui échapperaient à la logique de la lutte des classes. Bien au contraire, il ne peut y avoir de réponse à la question écologique qu’en lien avec la question sociale et qu’en rupture totale avec les politiques des classes dominantes qui continuent à mener leur guerre de classe… même quand elles prétendent agir pour le climat.

Le fait que le 8 décembre, dans certaines villes, sous différentes formes, les marches pour le climat et les manifestations des gilets jaunes aient convergé, participe d’une évolution des consciences, d’une libération de l’illusion que les problèmes écologiques auraient une portée universelle qui échapperait aux intérêts de classes. Illusion dangereuse qui désarme les consciences, pousse à croire aux solutions consensuelles au nom d’un « développement durable », d’une « transition écologique », formulations neutres qui masquent tout contenu social et finalement toute remise en cause du capitalisme. Il est pourtant indispensable d’avoir conscience que le capitalisme est à la fois le principal responsable de la crise climatique mais aussi le principal obstacle à toute politique visant à y répondre.

La « transition écologique », une opération de greenwashing des classes dominantes

Les réponses de la bourgeoisie et de son personnel politique, comme Macron, à la question climatique ont un contenu de classe, au sens où c’est moins « préserver la planète » que préserver leurs intérêts qui les préoccupent… et c’est pour cela qu’elles sont autant d’impasses. Derrière l’hypocrisie des belles formules, elles sont avant tout guidées par la volonté de continuer à faire du profit à court terme et pour cela à accentuer la pression sur les classes populaires, à piller le plus rapidement possible tout ce qui peut l’être, même au prix du saccage de l’environnement.

C’est ce que confirme le ridicule spectacle de la COP24 qui vient de se terminer en Pologne dans l’indifférence générale. Les raisons de l’incapacité des principales puissances de la planète à mettre en application les timides promesses prises à la Conférence de Paris de 2015, y sont apparues au grand jour dans l’étalage des rivalités entre États bien loin des préoccupations environnementales. Telle est la réalité de ces conférences internationales, foires commerciales du capitalisme vert et théâtre de la concurrence acharnée à laquelle se livrent les multinationales et les États pour le contrôle des sources d’énergies : les ressources fossiles déjà existantes ou toutes celles qui restent à découvrir… mais aussi les énergies renouvelables en plein développement. Les multinationales n’opposent pas les deux mais les additionnent comme autant de promesses de profits juteux sans aucune cohérence du point de vue de la lutte nécessaire contre le réchauffement climatique !

L’augmentation des taxes sur les carburants voulue par le gouvernement illustre le caractère de classe des solutions envisagées par les classes dominantes. Il prétend que ces taxes contribuent, comme d’autres dispositifs mis en place à l’échelle européenne, à une « taxation du carbone » censée favoriser par le seul jeu du marché la transition écologique. Mais en réalité, c’est une politique qui frappe en premier lieu les classes populaires par l’impôt et les taxes et qui d’autre part a permis l’ouverture de nouveaux champs de spéculation pour un capitalisme financier qui n’a de vert que la couleur des dollars.

Donner un contenu de classe, démocratique et révolutionnaire à la « transition écologique »

La question sociale et la question climatique sont un seul et même combat, un combat de classe contre l’offensive que mène à l’échelle du monde la bourgeoisie pour continuer à s’approprier une part toujours plus grande de richesses, provoquant à la fois une terrible régression sociale pour les populations et des ravages sans précédent de l’environnement.

Face aux menaces de la crise climatique, face au discrédit des classes dominantes, l’émergence de nouvelles mobilisations comme les marches pour le climat témoignent de la prise de conscience de la nécessité d’imposer, par un rapport de force, des solutions qui correspondent aux intérêts du plus grand nombre contre ceux d’une minorité.

La convergence de ces mobilisations avec la révolte sociale des gilets jaunes ne peut que contribuer à renforcer la construction d’un tel rapport de force. Il nous faut en formuler consciemment les enjeux.

D’abord, comme l’ont montré les gilets jaunes, c’est la conscience de la nécessité de ne compter que sur nous-mêmes, sur notre capacité à nous mobiliser, à nous organiser avec détermination en nous libérant des illusions dans le dialogue social ou dans des solutions écologiques hors des rapports de classes. La conscience aussi qu’il n’y aura pas de réponse à la question sociale comme à la question écologique sans en finir avec la logique du marché, de la course aux profits et donc sans remise en cause de la propriété capitaliste, de la domination et du parasitisme de la bourgeoisie.

La « transition écologique » reste une formule neutre dont se servent les gouvernements pour imposer des politiques d’austérité. Il nous faut lui donner un contenu de classe en la reliant à la question sociale, à la nécessité d’une transformation révolutionnaire et démocratique de toute la société.

La mondialisation financière a soumis toute la société à la logique de la rentabilité financière, de la course aux profits qui aggrave les inégalités, concentre toujours plus de richesses entre les mains d’une minorité et saccage l’environnement. A cet égoïsme social des classes dominantes s’oppose une politique de classe, celle du monde du travail et de la jeunesse. Ses réponses ne peuvent être que démocratiques et révolutionnaires au sens où elles dépendent de l’intervention directe du monde du travail pour imposer la satisfaction des besoins du plus grand nombre contre la tyrannie d’une minorité capitaliste, pour en finir avec sa domination. Cela veut dire créer les conditions pour que ce soit les principaux concernés qui puissent choisir consciemment, démocratiquement quel type d’énergie utiliser, décider des priorités pour développer des services publics suffisants, efficaces et gratuits pour répondre aux besoins fondamentaux de tous en matière de santé, d’éducation, de transport... Permettre que les classes populaires, par le débat démocratique, décident des choix économiques et de l’organisation de la vie sociale impose d’exproprier les multinationales de l’énergie, du transport comme l’ensemble du système bancaire et financier qui, depuis des décennies, ont façonné toute la société selon le seul impératif de la rentabilité, de la compétitivité. Seule une telle réappropriation sociale des secteurs clés de l’économie permettra la réorganisation profonde de tout l’appareil de production et d’échanges, nécessaire à la « transition écologique » sur la base d’une planification démocratique à l’échelle de la planète.

C’est dans cette perspective que questions sociales et questions climatiques se rejoignent à travers le même combat pour en finir avec cette société capitaliste mondialisée, avec les inégalités sociales qu’elle engendre comme avec les conséquences de la dégradation de l’environnement.

Bruno Bajou

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