Au cours du seul mois de juin, 629 personnes sont mortes en tentant de traverser la Méditerranée selon le recensement de l’OIM, organisme des Nations Unies chargé des migrations. Un chiffre supérieur à celui de juin 2017 alors que le flux des migrants était alors 7 fois plus élevé !

Depuis que l’Aquarius et le Lifeline ont été refoulés d’Italie et obligés d’errer en mer avant de pouvoir débarquer en Espagne et à Malte, les organisations humanitaires ont le plus grand mal à mener leurs opérations de secours. Cette semaine encore, le bateau d’une ONG maltaise avec une quarantaine de migrants africains était empêché d’accoster au large de la Tunisie.

Les gouvernants européens rivalisent de cynisme, à l’image de la négociation grotesque à laquelle ils se sont livrés pour se répartir les rescapés de l’Aquarius et du Lifeline.

Le nombre de personnes qui entrent de manière « irrégulière » en Europe ne cesse de baisser : moins de 60 000 pour les 6 premiers mois de 2018 alors qu’elles étaient selon l’OIM 190 000 en 2017, 390 000 en 2016 et plus d’un million en 2015. Mais cela ne freine en rien la surenchère populiste et xénophobe des Etats européens tous occupés à renforcer leurs législations répressives et leurs frontières. En France, Collomb agite le prétendu danger de « submersion » ! Son projet de loi  « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », actuellement débattu en seconde lecture à l’Assemblée, complexifie encore les démarches pour les migrants, raccourcit le délai pour déposer une demande d'asile et autorise l’enfermement d’enfants en centre de rétention, malgré les protestations des associations, de l’UNICEF ou du défenseur des droits.

Mais cela n’a pas empêché le gouvernement de déployer les grands moyens pour tenter (en vain…) de surfer sur la victoire de la coupe du monde de foot. Les « champions du monde », dans lesquels une grande partie de la jeunesse s’est reconnue de Bondy à Marseille, Bordeaux ou Lille, sont à 90 % issus de l’immigration, tout comme une majorité des diables rouges belges, demi-finalistes soutenus avec un même enthousiasme par la jeunesse d’origine wallonne, flamande ou maghrébine à Bruxelles et ailleurs… Par-delà les volontés d’enfermer les classes populaires dans la glorification nationale, la vie s’impose.

Alors que le monde est totalement interconnecté, globalisé, métissé, la situation faite aux migrants est un concentré de la violence capitaliste qui les pousse à fuir la misère, la guerre, les dictatures au péril de leur vie. Elle est une des expressions les plus brutales de l’instabilité générale dans laquelle le capitalisme mondialisé a plongé l’ensemble de la planète.

Les classes dominantes instrumentalisent les peurs, tentent de dresser les opprimés les uns contre les autres, mais ce drame porte en même temps en lui des possibilités nouvelles. Il contribue à transformer la perception du monde de centaines de millions de personnes, entraînant un mouvement de solidarité international qui est un point d’appui pour les révolutionnaires.

Un mouvement irrépressible, produit de l’évolution du capitalisme

Le capitalisme a globalisé l’économie, transformé le monde en un seul grand marché pour les capitaux avides de dividendes. Il a mis en concurrence les travailleurs du monde entier, globalisé la production à l’échelle de tous les continents.

La course à toujours plus de rentabilité a amplifié l’exploitation, exacerbé les rivalités entre grandes puissances et puissances régionales, créant un état d’instabilité global, multipliant les foyers de guerres. Des territoires entiers ont été dévastés, des millions de personnes ont fui, parquées dans des camps de réfugiés, victimes de guerres ou de catastrophes économiques, écologiques.

Aucun barbelé, aucun mur, aucune armée ni dictature ne pourra empêcher les jeunes, leurs familles de vouloir vivre et accéder à un minimum des richesses issues de l’exploitation de leur travail et de celui de centaines de millions de travailleurs des pays pauvres. Plus de 800 jeunes migrants africains ont escaladé à mains nues les murs de barbelés de la forteresse de Ceuta ce jeudi, utilisant la chaux pour se défendre de gardes civils suréquipés. 600 d’entre eux ont réussi à passer sur le territoire espagnol.

Des camps de réfugiés aux banlieues européennes ou aux villages dont ils sont issus, les jeunes du monde entier communiquent à la vitesse de la lumière grâce aux réseaux sociaux.

Fuite en avant sécuritaire, xénophobe

La seule réponse des capitalistes et de leurs gouvernements est la répression, le renforcement des frontières, des murs, des armées, l’intensification de la guerre faite aux pauvres et aux migrants tout en tentant de désarmer politiquement et idéologiquement la classe ouvrière.

L’instabilité, la violence que subissent les classes populaires sont un terrain propice aux préjugés que flattent les gouvernements et les populistes de droite et d’extrême-droite. Politique du bouc émissaire, glorification de la patrie et de l’unité nationale, les classes dominantes et leur personnel politique tentent de souder contre « l’étranger », d’utiliser les drames que leur politique provoque pour diviser celles et ceux qui en sont les victimes.

Au-delà de la simple solidarité, un combat de classe international

Mais le drame des migrants a amené à une prise de conscience par delà les frontières. Dans le monde entier, des centaines de milliers de personnes se mobilisent contre les lois anti-immigrés. L’expression « Welcome ! » est devenue symbole international de solidarité, de refus de l’oppression et du racisme.

La jeunesse, le monde du travail, mais aussi le mouvement féministe se mobilisent, telles les 600 femmes occupant le Sénat américain fin juin pour dénoncer la séparation des enfants dans les centres de rétention ; ou encore au Monténégro, sur la route des Balkans, l’initiative d’une association féministe qui a fait de son local un lieu de refuge et d’aide aux migrants. Une solidarité qui résiste aux pressions et aux poursuites comme en France avec Cédric Herrou ou Martine Landry.

L’ampleur de la crise pousse à la prise de conscience que nos combats et nos intérêts sont communs. Travailleurs, jeunes des pays riches, notre sort est directement lié à celui des migrants et des prolétaires des pays pauvres.

Les préjugés nationalistes et patriotiques, ennemis des intérêts des travailleurs

Interrogé par Mediapart au moment de l’Aquarius sur la question migratoire, Mélenchon, tout en dénonçant le sort fait aux migrants, a tenu à s’expliquer : « il faut tout faire pour que les gens ne partent pas de chez eux […] je n’ai jamais été pour la liberté d’installation […] Les frontières sont, dans mon esprit, des points d’appui pour notre projet. Je suis internationaliste et altermondialiste. Pas libre-échangiste et mondialiste » avant de préciser : « Nous sommes, nous Français, plus proches des Tunisiens, des Marocains ou des Algériens que des Lettons ou des Estoniens. Notre avenir est en Méditerranée et en francophonie. L’Europe allemande n’est pas notre destin ». [lire l’article]

Défense des frontières, de la nation, démagogie antiallemande… ne peuvent être que contraires aux intérêts des travailleurs, participant des préjugés institutionnels et brouillant la conscience de classe.

Le drame des migrants, ferment révolutionnaire

L’histoire de la classe ouvrière mondiale se confond avec celle des immigrations. Elles ont toujours été des facteurs progressistes, démocratiques, qui ont renforcé le mouvement ouvrier et particulièrement le mouvement révolutionnaire.

Nous vivons aujourd’hui une nouvelle étape. Les transformations à l’œuvre sont d’une ampleur sans précédent, irréversibles. Malgré les préjugés et la montée des politiques xénophobes et protectionnistes, la nécessité de l’ouverture des frontières à toutes et tous, du droit à la libre circulation et installation, de la communauté d’intérêts par delà les continents devient une évidence pour une fraction de la population et de la jeunesse. Le mouvement de solidarité internationale, la sympathie dont il bénéficie sont des points d’appui pour renforcer la conscience de classe.

L’avenir des travailleurs des pays riches est directement lié à celui des migrants, aux luttes pour imposer les droits élémentaires, économiques et démocratiques pour tous. Des exigences qui se heurtent plus que jamais à la domination de la finance et des multinationales.

Isabelle Ufferte

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to Twitter

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn