Même en pleine période de congés, la journée du 19 avril appelée par la CGT et Solidaires a été un réel succès des travailleurs et de la jeunesse. L’offensive médiatique de Macron, soignant sa mise en scène pour prendre la posture de celui « qui va au contact », se retourne contre lui. Plein de suffisance, il ne peut cacher son mépris social, contre les étudiants « professionnels du désordre » ou contre les travailleurs, en se vantant de vouloir « remettre la France au travail »… pour le compte des actionnaires qui s’enrichissent en dormant ! Il croyait mettre les cheminots et le monde du travail à genou, parachever le sale boulot de Sarkozy et Hollande, il a perdu.

Ce n’est pas le vote de la loi ferroviaire mardi 17 avril à l’Assemblée nationale qui va impressionner les cheminots. Sans surprise, tous ces politiciens LRM, Modem, LR ou UDI ont voté par 454 voix pour et 80 contre. Une telle unanimité a même permis à Faure et son groupe de voter contre, soupçonnant une « présomption de privatisation »… Il s’y connait, vu le nombre de privatisations menées par le PS et ses alliés quand ils étaient aux affaires !

Le 19 avril, les travailleurs et la jeunesse ont répondu sur leur terrain, montré que le vote de la loi n’y change rien, c’est dans la rue, par la grève, que nous pouvons prendre notre sort en main et défendre les intérêts collectifs de l’immense majorité.

Le mouvement des cheminots tient bon, malgré la campagne de désinformation et les grandes manœuvres de « concertation » marathon, auxquelles se prêtent les directions syndicales. Ces dernières viennent même d’annoncer la suspension de la concertation avec la ministre Borne, en réclamant le premier ministre… pour mener la même politique. En tout cas, il est clair pour les salariés que le gouvernement ne veut rien lâcher, c’est un véritable bras de fer qui est engagé. Il vient même de déclencher une provocation supplémentaire avec l’annonce de la filialisation du fret à la SNCF.

Depuis le 3 mars, des initiatives se sont prises dans différentes villes. Manifestations, AGs « intersecteurs » devant des gares, convergences avec des étudiants, des postiers en grève comme à Bordeaux, des salariés de l’Energie bien présents le 19 avril… Tout cela renforce la conscience parmi les grévistes de mener une bataille d’opinion, un combat politique contre la propagande gouvernementale et pour entrainer d’autres secteurs, d’autant que la contestation est contagieuse.

Dans les Ehpad, ce n’est sûrement pas l’évocation par Buzyn d’une deuxième journée de « solidarité » à la Raffarin qui va calmer la colère des salarié(e)s. A Air France ou Carrefour, les grèves pour les salaires font parler d’elles, alors que toute une série de NAO (négociations annuelles sur les salaires) ont lieu dans le privé en ce moment. Des équipes syndicales, en particulier dans la CGT, ont saisi cette journée de « convergence des luttes » pour mettre en avant leurs revendications de salaires ou d’embauches, d’autant que les profits repartent à la hausse. Les seules entreprises du CAC 40 frôlent les 100 milliards d’euros de bénéfices sur 2017, meilleur score depuis 10 ans !

Dans la jeunesse, le mouvement dans les facultés face à la loi Vidal se renforce lui aussi, avec des fluctuations. Des AGs de luttes se tiennent, des liens avec des équipes syndicales se tissent sur le terrain de la convergence. Les interventions policières dans les facultés entrainent des réactions de colère et de solidarité comme à Nanterre, où l’intervention des CRS a démultiplié le nombre d’étudiants aux AG qui ont suivi et qui ont voté le blocage de la faculté.

La même solidarité s’exprime aussi contre la répression policière à NDDL. Au nom de « l’ordre républicain », Macron envoie 2 500 gendarmes mobiles, avec drones, blindés, grenades anti-encerclement contre… 200 zadistes. Dimanche 15 avril, des milliers de manifestants sont venus apporter leur soutien et dénoncer ce gouvernement et la brutalité de la répression policière.

Le gouvernement pensait aller vite, régler le sort des cheminots en les enfermant dans une lutte catégorielle, après avoir attaqué le code du travail. Mais Macron se retrouve aujourd’hui face à une contestation de l’ensemble de sa politique et de son « ordre » auquel il voudrait nous plier.

Macron et son monde, cible de la convergence des luttes…

Oui, Macron n’a pas réussi à imposer sa politique bien au contraire, il a réussi à dresser contre lui l’ensemble des mécontentements, à se désigner lui-même comme le point de leur convergence, cette « coagulation » des luttes qu’il craint tant. Et c’est en vain qu’il tente de se défaire de son image de « président des riches ». Plus il se met en avant et plus il convainc qu’il est là pour servir les classes dominantes.

Il le dit lui-même, « les riches n’ont pas besoin de président »… tellement ils savent que les uns comme les autres sont tous à leur service. De même, il a dû en rabattre sur le « ruissellement » des riches vers les pauvres, sur « les premiers de cordée », tout ce fatras réactionnaire et élitiste, rejeté de plus en plus profondément parmi les travailleurs et la jeunesse.

Il taxe les retraités de + 1,7 % de CSG, qu’il remercie avec cynisme et condescendance, alors que le gouvernement vient de faire un cadeau fiscal de plus de 5 milliards d’euros aux plus riches avec la fin de l’ISF et la mise en place d’un taux fixe et limité à 30 % pour l’imposition de leurs portefeuilles d’actions !

Il attaque le code du travail, les droits des salariés et les quelques protections qui existent encore comme à la SNCF, pour mieux servir les patrons et les actionnaires.

Avec la loi ORE, Macron et Vidal vantent la sélection sociale. C’est la logique de la concurrence permanente, de la réussite individuelle, du « mérite » que la jeunesse refuse justement aujourd’hui.

C’est encore la même politique contre les plus pauvres qui prévaut avec la loi Collomb, destinée à limiter le nombre de demandeurs d’asile en France en réduisant les délais et en multipliant les obstacles administratifs. Collomb vient d’en résumer l’objectif en déclarant : « certaines régions sont en train de se déconstruire parce qu'elles sont submergées par les flux de demandeurs d'asile »… un vrai terreau pour l’extrême-droite ou la droite extrême !

Cette politique de reculs sociaux, d’injustices de plus en plus criantes, s’accompagne d’une répression policière plus forte, au nom de la défense de « l’ordre »… jusqu’à celui des curés que Macron est allé solliciter aux Bernardins !

Le mouvement actuel se construit contre cette politique globale de Macron, contre les financiers et le grand patronat. Il lui faut sa propre politique qui fasse de la convergence plus qu’un slogan, une réalité active qui contraigne le gouvernement à reculer.

Une politique et un programme pour la convergence des luttes

Cela veut dire se regrouper, s’organiser entre toutes celles et ceux qui refusent la politique de « négociations » des directions syndicales, soumettant le rythme de la grève à celui de prétendues discussions, alors que le gouvernement dit par avance qu’il ne cédera rien sur le fond. C’est pour ça qu’elles combattent la grève reconductible. Comme le disait Martinez : « Je souhaite que le gouvernement écoute et ne soit pas dans une position dogmatique [...] S’il accepte de discuter sérieusement des points importants, ça peut se régler rapidement ».

Alors que le gouvernement fait le forcing pour faire voter sa loi, l’intersyndicale réclame : « l'arrêt du processus législatif en cours » et « l'ouverture de négociations approfondies », quand il s’agit d’affirmer aujourd’hui le retrait pur et simple du projet de loi.

Macron veut une défaite politique des cheminots. Il ne veut laisser aucune marge de manœuvres aux syndicats qui, du coup, sont contraints d’aller plus loin qu’ils ne voudraient. En particulier la CGT qui a fait de la journée du 19, la journée de « la convergence des luttes ».

Cela signifie s’en donner les moyens, en organisant pratiquement cette convergence des équipes syndicales, des militants, des travailleurs, des jeunes, en formulant nos exigences communes contre le gouvernement et le patronat.

Construire la convergence n’est pas une simple question de dates. Le vrai enjeu, c’est l’unité des travailleurs dans la lutte commune et dans la grève à construire, pour prendre en main par nous-même l’opposition sociale et politique à Macron, pas pour chercher à surfer sur le mouvement, pour le mettre au service d’une de ses composantes.

Berger a refusé de participer au 19 avril prétextant que la convergence des luttes est « un combat politique ». Et lui ne ferait pas de politique ! Il se contente d’aider Macron à faire la sienne ! Martinez lui répond : « La CGT n’a pas pour but de faire tomber Macron. Ce qui est mis en œuvre n’est pas bon et on propose autre chose. C’est une CGT qui conteste et qui propose. Quant à la convergence des luttes, elle est syndicale et non politique. La CGT est d’abord dans un combat social ».

Hypocrisie, la convergence des luttes comme le mouvement des cheminots sont une bataille politique, nous devons l’assumer comme telle, les travailleurs ont besoin d’avoir leur propre politique de classe qui sorte du cadre syndical pour se donner ses propres formes d’organisations, les AGs, les comités de grève, les coordinations…

Notre lutte est politique, elle pose de fait la question du pouvoir, de qui dirige la société, la minorité capitaliste en fonction de ses propres intérêts ou les travailleurs en fonction des intérêts de la collectivité.

Construire la convergence c’est construire les cadres organisationnels, les instruments de cette convergence, c’est regrouper celles et ceux qui rompent avec la politique des directions syndicales, mais aussi avec la gauche qui voudrait capter le mécontentement à son profit.

Tout ce qui va dans le sens de la lutte est le bienvenu, mais il est indispensable que celles et ceux qui en sont les réels acteurs, qui militent pratiquement pour la convergence, se regroupent, s’organisent, qu’ils se donnent les moyens d’avancer un programme capable d’unifier les luttes en affirmant les exigences du monde du travail : sur les salaires, pas de revenu en-dessous de 1800 € net ; face aux licenciements ou aux fermetures d’usine comme à Ford, interdiction des licenciements ; annulation de la dette de l’Etat, comme de la SNCF, et mise en place d’un monopole public bancaire ; développement des services publics gratuits accessibles pour tous, etc.

Le NPA doit être leur outil, leur parti, celui des militantes et des militants de la convergence des luttes, sur le terrain, dans les entreprises, les facs, les AGs. Ce parti prend racine dans une contestation profonde, qui s’est renforcée depuis les manifestations contre la loi Travail de 2016, en passant par celles contre les ordonnances en automne dernier jusqu’à la lutte qui s’ouvre aujourd’hui.

 

Laurent Delage

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