L'échec des mobilisations contre les ordonnances après celui du mouvement du printemps 2016 donne à la discussion sur la nécessité d'un parti représentant les intérêts du monde du travail une acuité nouvelle. Elle sera au centre des discussions préparatoires au congrès du NPA qui viennent de s'ouvrir.
Les membres du Conseil politique national (CPN) du NPA de la Fraction l’Étincelle et de notre courant Démocratie révolutionnaire ont initié une plate-forme autour d'un texte intitulé « Une orientation pour relancer la construction du NPA dans la classe ouvrière et la jeunesse » (disponible sur le site du NPA). Elle s'adresse et est ouverte à tous les membres du NPA qui en partagent les préoccupations. Nous ne cherchons pas à constituer une majorité par un accord de congrès. Nous ne prétendons pas non plus porter une analyse globale des bouleversements en cours dans le monde aujourd'hui. Elaborer une compréhension de ces bouleversements dans le cadre d'une stratégie révolutionnaire est une nécessité, une urgence pour sortir des schémas tout faits stérilisants ou des proclamations. Cela aurait dû se faire à travers une discussion sur le programme et la stratégie décidée par le dernier congrès, discussion que nous souhaitions et que nous essayons de porter. Malheureusement ce travail indispensable est resté en friche.
Notre ambition est, en conséquence, plus modeste ou plutôt réaliste et lucide. Nous souhaitons œuvrer à définir une orientation qui aide nos camarades, les comités à recentrer nos activités sur nos tâches de construction sur les lieux de travail, dans la jeunesse. Et cela en partant des acquis de ce qui est déjà fait dans ce domaine et de la campagne présidentielle de Philippe Poutou, le candidat ouvrier.
Construire le NPA, c'est assumer une orientation d'indépendance de classe par rapport aux courants réformistes et aux illusions unitaires pour œuvrer au rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires. Une orientation qui se décline aussi sur les grandes questions auxquelles nous sommes confrontés sur le plan international.
Cela signifie rompre avec les confusions qui ont accentué les tensions, la paralysie, les faiblesses et difficultés du NPA, rompre avec les constantes oscillations entre les illusions unitaires et un volontarisme radical ou les deux sans tenir le cap d’une politique de classe fondée sur une stratégie révolutionnaire s’adressant à l’ensemble de la classe ouvrière en fonction de son niveau de conscience, de ses préoccupations et de ses possibilités. La politique unitaire est devenue la réponse à tout abdiquant, de fait, de la construction du NPA comme parti anticapitaliste et révolutionnaire et désarmant l'ensemble des camarades.
Cette situation s'exprime dans la difficulté que des camarades et une grande partie de la direction ont eu et ont à assumer notre campagne présidentielle autour de Philippe Poutou, le candidat ouvrier, tant dans la recherche des parrainages qu'ensuite au sujet des législatives ou dans la volonté de faire fructifier les acquis de cette campagne, l'orientation politique qu'elle avait de fait portée, le NPA comme parti ouvrier, parti des travailleurs.
Les acquis de la campagne constituent un point d'appui pour la suite, du moins si nous réussissons à nous dégager d'une confusion paralysante, la confusion entre unité et construction du parti autour de la question de la « représentation politique des classes exploitées » ou des différentes moutures de front unique, de front social et politique ou de front social. Et à nous donner une orientation qui ait comme fil à plomb notre intervention au sein du monde du travail et de la jeunesse en tant que parti anticapitaliste, démocratique, révolutionnaire.
Indépendance de classe et internationalisme
Dix ans après la crise de 2007-2008, la mondialisation libérale et impérialiste connaît un tournant marqué par une montée des forces réactionnaires au service de l'offensive des classes capitalistes, offensive sociale, militaire, sécuritaire et idéologique, nationaliste et xénophobe.
La bourgeoisie avait tenté de construire un mythe de la « mondialisation heureuse » où le marché apporterait la démocratie, la paix et le bien-être, ce mythe s'effondre. Jusqu'au début du XXIème siècle, les progrès technologiques combinés à une prolétarisation massive par la ruine de la paysannerie dans les pays dits émergents comme la Chine, l'Inde, le Brésil ont fait baisser les coûts de production et alimenté la machine à profit, le casino de la finance. Cela au prix d'un endettement généralisé et d'une bulle financière « exubérante ». L'anticipation des profits donnait lieu à une spéculation effrénée.
L'accident était inévitable, la crise des subprimes aux USA en a été le déclencheur.
La politique combinant le libéralisme économique et le militarisme impérialiste a déstabilisé l'ensemble de la planète. Nous sommes confrontés à une nouvelle phase de l'histoire du capitalisme qui ouvre de nouvelles perspectives révolutionnaires.
Un nouvel épisode aigu de la crise financière menace. La révolution technologique est mise au service de la course à la rentabilité financière et accroît la précarité tout en accentuant la mise en concurrence des travailleurs à l'échelle mondiale. L'ensemble de la production et des échanges est organisé du seul point de vue de la rentabilité du capital au prix d'une crise écologique dont les effets dramatiques sont immenses. La dette ne cesse de s'accroître pour alimenter les spéculations au casino de la finance. Les remèdes du capitalisme à sa propre crise ne font que préparer les conditions d'un nouvel épisode aigu, expression de la faillite des classes dirigeantes.
Ces évolutions « mondialisées » soulignent l’importance d’une compréhension internationaliste de la lutte de classe. La concurrence a modifié les rapports entre les nations et les classes à l'échelle internationale. Elle a globalisé la lutte et les rivalités pour l’appropriation des richesses entre les grandes puissances, entre elles et les puissances régionales, entre ces dernières ou avec les forces obscures nées de ce chaos généralisé, Daech ou Al Qaida. Les vieux rapports impérialistes s’intègrent dans la concurrence globalisée.
Les évolutions en cours s’expriment de façon brutale à travers les changements dans la politique étrangère américaine mise en œuvre par Trump. Cette dernière ne prend plus le masque de la démocratie et de la coopération internationale mais s'affiche ouvertement belliciste autour de la politique « America first ». Après les provocations contre la Corée du Nord, la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël s'inscrit dans cette logique lourde de menaces.
Lutte contre les politiques impérialistes et lutte contre le capitalisme globalisé
Nous dénonçons l'imposture de la prétendue guerre contre le terrorisme qui est la justification de la guerre des grandes puissances pour perpétuer leur hégémonie tout en dénonçant le terrorisme djihadiste qui s’exerce contre les travailleurs et les peuples dans le monde arabo-musulman comme ici. Ce dernier est un produit des guerres impérialistes, de la décomposition libérale comme de la montée des forces islamistes en retour de l'échec, dans le monde arabo-musulman, des forces nationalistes progressistes issues de l'époque des révolutions anticoloniales.
La réponse au terrorisme implique d'en finir avec la guerre permanente contre les peuples pour défendre les droits démocratiques, la fin de l'état d'urgence, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'accueil des migrants et l'ouverture des frontières.
Condamnée à la fuite en avant militariste et sécuritaire, la bourgeoisie foule aux pieds ces droits élémentaires. La lutte pour la démocratie est indissociable de la lutte pour la conquête du pouvoir par les travailleurs.
La mondialisation capitaliste a accentué la contradiction entre État national et développement des forces productives, cette contradiction est un élément déterminant de la politique de la classe ouvrière. Elle implique d’en finir avec l’Europe des multinationales pour construire une Europe des travailleurs et des peuples en nous démarquant et en combattant toute politique de repli national, contradictoire avec nos objectifs, avec les besoins de la lutte. Cela est particulièrement vrai en Europe face aux drames des migrants dont la solution passe par l'ouverture des frontières.
Nous défendons le droit à l'autodétermination des peuples. Cela ne signifie nullement que nous reprenons le drapeau de l'indépendance nationale ou de la république catalane. Nous militons pour que le prolétariat rassemble ses forces sous le drapeau de l'internationalisme en toute indépendance des forces bourgeoises et petites bourgeoises. Dans l’État espagnol et en Catalogne, une politique d'indépendance de classe signifie se battre pour une fédération socialiste ibérique qui respecte et garantisse le droit à l'autodétermination dans la perspective d’États unis socialistes d'Europe.
« Ecosocialisme » ou démocratie révolutionnaire, socialisme et communisme
La crise écologique a pris une dimension globale et un caractère d'urgence. La lutte contre les catastrophes environnementales et le réchauffement climatique ne peut être posée que sous l'angle de la lutte des classes, d’une réponse globale impliquant la réappropriation sociale de l’ensemble de l'économie, contre les intérêts de la finance, des multinationales, de la bourgeoisie.
Toutes les solutions techniques « écologiques » se heurtent à la réalité sociale et politique du capitalisme, aux frontières et aux rivalités nationales entre grandes puissances comme aux lois de la libre concurrence et aux intérêts des multinationales.
C'est bien pourquoi nous revendiquer du courant « écosocialiste » intégrant écologie politique et socialisme à égalité est plus source de confusion que de clarification et peut conduire à poser l'enjeu du combat en dehors de la lutte des classes.
La crise écologique a contribué à remettre la perspective du socialisme à l’ordre du jour, car la nécessaire réorganisation de l'économie mondiale, des sources d'énergie comme de l'appareil productif et des échanges, nécessite la mise en place d’une planification démocratique internationale de l'économie c’est-à-dire le socialisme.
Droits démocratiques et internationalisme
Le mouvement international des femmes brisant la loi machiste du secret pour prendre la parole et dénoncer leurs agresseurs et les actes de harcèlement et de violences sexuels, de viols dont elles ont été l'objet illustre la place prise par la lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps, pour l'égalité des sexes, contre toute discrimination de genre ou d’orientation sexuelle dans la lutte internationale pour l'émancipation. Ce combat a un contenu profondément subversif, révolutionnaire. Il est directement lié au combat contre les rapports de domination et de discrimination, conséquence des rapports d'exploitation entre capital et travail qui sont la base de la société capitaliste. Le combat contre le machisme et le patriarcat est un élément particulièrement important de progrès pour l'ensemble de la société, sa pleine victoire passe par la conquête de la démocratie par les classes exploitées et opprimées.
La lutte contre la xénophobie et le racisme sous toutes ses formes, antimusulman ou antisémitisme, est un combat internationaliste pour unir l’ensemble des opprimés. Elle est au cœur de notre politique.
Notre réponse à la propagande des classes dominantes et de leur État qui cherche à dévoyer la légitime révolte provoquée par le terrorisme islamiste ne peut être unilatérale et manichéenne. Elle pose la question dans sa globalité, du point de vue des classes laborieuses et opprimées, comme conséquence de la politique des classes capitalistes, ici comme dans le monde arabo-musulman, expression de leur faillite.
Préparer la riposte du monde du travail, c'est œuvrer au renouveau d'une conscience de classe révolutionnaire
Le trait dominant de la période est l'offensive des forces réactionnaires, instrument des bourgeoisies dans leur offensive contre les classes exploitées pour s'approprier une part croissante des richesses produites. Elles cherchent à dévoyer, à retourner le mécontentement, la révolte des classes populaires contre elles-mêmes pour les subjuguer, les soumettre à la politique, à la défense des intérêts des classes dominantes en les divisant et en les dressant contre des boucs émissaires tout désignés, au nom du nationalisme, du racisme, et de la xénophobie.
Face à cette offensive, le mouvement ouvrier désorienté reste prisonnier des défaites et des reculs passés, de l'absence de partis qui représentent réellement ses intérêts sur le terrain politique. Le prolétariat plus nombreux et plus puissant que jamais est désarmé.
La réponse est dans une politique d'indépendance de classe, internationaliste, dans la perspective du socialisme, du communisme. Reconstruire une conscience de classe signifie s'attacher à la construction d'un parti des travailleurs.
La nécessaire intervention politique du monde du travail
La victoire de Macron s'inscrit dans cette évolution. Elle est, en France, une réponse des classes dominantes par une tentative de mobilisation des catégories sociales qui ont un rôle d’encadrement et de commandement dans l’organisation de l’exploitation du prolétariat. Dans la continuité des politiques engagées par Sarkozy puis Hollande, Macron a pris le relais de la droite et de la gauche déconsidérées. Il est le produit de l’effondrement du PS et, avec lui, du PC.
Il est déjà confronté au rejet du monde politique au service des classes privilégiées. Il est le président des riches détesté par les classes populaires, contesté par la défection de ses propres troupes. S'il a réussi dans un premier temps à rétablir une certaine stabilité, l'avenir pour lui est très incertain et dépend de la capacité du monde du travail à se dégager du dialogue social auquel se prêtent les directions des organisations syndicales, pour faire valoir ses droits avec ses propres armes.
La France Insoumise est née de cette faillite des vieux partis issus de l’histoire du mouvement ouvrier. Sa politique est un populisme de gauche qui flatte les mêmes illusions sans avoir les mêmes liens avec la classe ouvrière. Mélenchon a poursuivi le travail engagé par Mitterrand pour tenter de laminer le PC pris au piège de sa propre politique entièrement soumise aux jeux institutionnels. Il ne se situe pas du point de vue du mouvement ouvrier, mais d'un point de vue nationaliste intégré aux institutions de la bourgeoisie et n'a d'autre fonction que de contenir la révolte du monde du travail dans le cadre institutionnel pour mieux l'étouffer.
Sans intervention politique du monde du travail, le développement des rapports de forces pourrait conduire à l’arrivée au pouvoir d’une droite extrême ou d’une extrême droite prenant le relais de Macron pour mobiliser la petite et moyenne bourgeoisie contre le monde du travail. Étape à laquelle se préparent aussi bien le FN que la droite.
Ce danger est grave, profond, trop enraciné dans les évolutions sociales et politiques pour que nous puissions nous y opposer par des proclamations « antifascistes » ou des manifestations minoritaires. La lutte contre la menace de la droite extrême et de l'extrême droite renvoie aux capacités d'intervention du mouvement ouvrier, indissociable d'une politique pour rompre avec le capitalisme.
Préparer la riposte, c'est œuvrer à la construction d'un parti des travailleurs
Contribuer à préparer la riposte et développer l’influence du NPA participent d’une même démarche qui unifie notre activité en tant que parti, notre activité au sein des organisations syndicales, associations, collectifs ou différents cadres unitaires, aide à la prise de conscience par les travailleurs de la nécessité de prendre leurs affaires en main pour affronter le gouvernement et le patronat. Dans l’ensemble de nos activités et interventions, notre orientation est fondée sur cette indépendance de classe au quotidien en rupture avec toutes les formes de dialogue social. Elle se discute et se construit pas à pas en fonction des rapports de forces et possibilités.
L'initiative du Front social a bousculé les choses mais elle reste prisonnière d'un cadre purement syndical, cédant à l'air du temps des réflexes antipolitiques et sa démarche est par trop autoproclamatoire et substitutiste.
Notre préoccupation constante est de porter la dimension politique du combat sur le terrain social. Cela définit notre priorité, notre implantation politique dans le monde du travail combinée à une politique pour rassembler celles et ceux qui, au sein des organisations syndicales veulent rompre avec le dialogue social et renouer avec un programme de lutte permettant au monde du travail de reprendre l'offensive.
Rassembler les forces du monde du travail, construire l'unité est une question politique. Elle ne peut se résumer à de l'incantation, des proclamations ou des appels « unitaires » en tout temps et tout lieu qui sèment et entretiennent plus de confusion qu'ils ne contribuent à l'unité réelle. Cette unité pour la lutte passe par une prise de conscience par les travailleurs de leurs intérêts de classe, sur le terrain politique de la lutte contre le gouvernement, l’État, pour poser la question de la nécessité de leur propre pouvoir. Elle se construit à travers les luttes et les mobilisations, sur des exigences partielles tout en défendant une politique visant à mettre en cause le pouvoir capitaliste et en travaillant à la prise en main de leurs propres affaires par les travailleurs. Militer pour cette unité, c'est aussi militer pour que les travailleurs reprennent en main leurs propres organisations syndicales, leurs luttes, s'organisent en comité de lutte, de grèves...
Défense et illustration du marxisme
Les reculs de la conscience de classe, l'offensive réactionnaire, la progression des préjugés religieux, du complotisme fait de la défense du matérialisme et des conceptions évolutionnistes, du marxisme, une tâche essentielle. Changer les rapports de force est une question politique qui passe par la prise de conscience du fait qu'entre la bourgeoisie et le prolétariat il n'y a pas de conciliation possible. Face à l’instrumentalisation politique des religions par les classes dominantes ou par celles et ceux qui aspirent à conquérir une place dans l’appropriation des richesses produites par les classes exploitées, nous combattons toute volonté de soumettre la société aux dogmes religieux. Et cela d’où qu’ils viennent, de quelque religion qu’ils se revendiquent.
Le contenu de notre programme est celui d’un parti du prolétariat, de l’indépendance de classe qui s’inscrit dans la continuité de la lutte pour le socialisme, le communisme, non pas comme une idéologie utopique mais bien comme expression possible et souhaitable du développement même de la société, de son mouvement réel.
La jeunesse de la révolution
Les réponses qu'a commencé à apporter la révolution d'octobre 1917 à la sénilité du capitalisme gardent leur pertinence. Nous nous situons dans sa continuité ainsi que celle du mouvement trotskyste qui a combattu la dégénérescence stalinienne.
Le NPA participe d'une volonté de contribuer à surmonter le recul du mouvement ouvrier. Il ne pourra réellement y contribuer que s'il se construit comme instrument du regroupement des anticapitalistes et des révolutionnaires en vue de la construction d’un parti des travailleurs en arrimant nos activités et nos interventions à une politique de classe, à une stratégie révolutionnaire. Il n'y a pas d'autre méthode pour surmonter l'échec du mouvement révolutionnaire, de l’ex-LCR, de LO, à franchir un seuil significatif vers un parti ouvrier et populaire, malgré l'écho et la sympathie rencontrés par ces idées de la fin des années 90 au début des années 2000.
Faire vivre les idées de la contestation sociale et politique dans la jeunesse est une préoccupation constante. Nous voulons y populariser les idées de la révolution, du marxisme, y faire vivre l'actualité du socialisme et du communisme. Nous voulons l'inviter à prendre toute sa place en l'encourageant à tracer sa propre voie dans la continuité du mouvement révolutionnaire mais en se dégageant des mythes du passé, des divisions, conséquences des échecs, pour construire son propre avenir en prenant en main la construction d'un nouveau parti révolutionnaire, démocratique, socialiste et communiste.
Yvan Lemaitre