Il y aura trois ans, ce lundi 24 février, le tyran Poutine, en réponse au déploiement de l’Otan aux frontières de la Russie, lançait ses troupes dans l’invasion de l’Ukraine, début d’une guerre affreusement meurtrière et destructrice, fratricide, une guerre voulue par les Etats-Unis à laquelle Trump prétend aujourd’hui mettre fin.

Ses représentants ont rencontré une délégation russe mardi dernier à Ryad en Arabie saoudite pour entamer des négociations bilatérales sans la participation de l’Ukraine, de Zelensky ni d’aucun représentant européen. Trump a même injurié publiquement Zelensky à plusieurs reprises en le traitant de « dictateur sans élections » et en l’accusant, aussi, d’avoir commencé la guerre. « Vous auriez dû y mettre un terme il y a trois ans. Vous n’auriez jamais dû la commencer » a-t-il déclaré à la presse américaine, pour le moins ingrat vis-à-vis de celui qui s’est fait le champion de la défense de l’occident, sacrifiant son peuple aux intérêts des USA et de leurs alliés, chair à canon de leur guerre par procuration.

La brutalité de ce tournant diplomatique et militaire, un véritable coup de théâtre au regard de la propagande que Biden, l’Otan et l’Union européenne ont déversée pendant trois ans pour justifier la guerre au nom de la liberté du peuple ukrainien et de la défense des valeurs occidentales, a été ressentie comme un camouflet par les alliés des Etats-Unis.

Faisant de son déplacement un geste de protestation, la présidente de la Commission européenne Von der Leyen, accompagnée par l’ensemble des commissaires européens, se rendra à Kiev lundi pour y tenir une réunion avec Zelensky et son gouvernement pour, selon les mots de son communiqué, « préparer l’avenir de l’Ukraine en tant que nation libre, souveraine et européenne ». Le même jour, Macron se rendra à Washington pour porter auprès de Trump les doléances des dirigeants européens qu’il a réunis la semaine dernière, pour négocier en réalité la place de la France dans le dispositif qui pourrait se mettre en place ainsi que le fera le même jour le Premier ministre anglais.

Ces déclarations et indignations hypocrites -aucun des protagonistes ne s’est soucié un instant des droits des peuples d’Ukraine pas plus qu’ils ne le font de ceux du peuple palestinien- ne peuvent masquer l’impuissance de dirigeants qui se sont prêtés à la politique des Etats-Unis pour y trouver leurs propres intérêts et qui, aujourd’hui, se trouvent confrontés à leurs propres mensonges et aux conséquences de leur soumission.

Le brutal tournant de Trump est en réalité dans la continuité de la politique des USA et de Biden. Après trois ans de guerre, Trump et les Etats-Unis ont choisi d’ouvrir des pourparlers avec Poutine pour renégocier les rapports de force avec leurs adversaires comme avec leurs alliés au mieux de leurs propres intérêts, appliquant sans fard la politique de « La paix par la force ».

Alors qu’aucune issue militaire ne semble pouvoir se dégager après trois ans d’une guerre qui a épuisé les forces des deux camps, l’Ukraine manquant de soldats et Zelensky affrontant le refus de plus en plus grand de la guerre, et la Russie épuisée économiquement, à cours de matériel et d’équipements, ils ont fait le choix de négocier directement avec leur ennemi Poutine plutôt que de laisser pourrir une guerre sans fin dans laquelle ils n’ont jamais envisagé d’engager des troupes sur le terrain ni imaginé vaincre Poutine.

Le rôle prédominant des USA dans la guerre s’affirme sans fard

Les hommes de l’administration Trump ont déjà fait savoir que le retour des frontières de l’Ukraine à celles de 2014 était « irréaliste », tout comme l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan que les dirigeants occidentaux n’avaient cessé de promettre… pour plus tard.

Une manière de signer la responsabilité des Etats-Unis dans le déclenchement de la guerre quand ils refusaient de discuter les revendications que Poutine avait émises dans un ultimatum le 17 décembre 2021, alors que l’autocrate russe avait fait masser ses troupes à la frontière, prêt à envahir l’Ukraine. Poutine avait deux exigences en particulier, l’interdiction d’un nouvel élargissement de l’Otan et le refus de tout établissement de troupes américaines dans l’ancien espace soviétique. Mais les Etats-Unis et leurs alliés, qui équipaient militairement l’Ukraine depuis 2014, avaient alors délibérément ignoré l’ultimatum, provoquant en retour l’agression de l’Ukraine par Poutine. Aujourd’hui tout deviendrait possible.

Et, dans la foulée, en bon dirigeant impérialiste, Trump veut imposer son prix, l’accès au pillage des terres rares et des métaux dont le sol ukrainien est riche, en remboursement des 500 milliards de dollars que les USA auraient dépensé pour la guerre -un chiffre délibérément grossi, multiplié au moins par 3. Après avoir dans un premier temps refusé, Zelensky a ouvert la porte à ce sinistre marchandage.

Trump voudrait vassaliser l’UE et lui sous-traiter le front Est face à la Russie

En écartant l’Europe des négociations, Trump veut la mettre à sa botte pour poursuivre, sous une forme ou sous une autre, le bras de fer que les USA ont engagé avec la Russie. Un accord, s’il y a, sera un accord armé et les Etats-Unis dictent leurs exigences : que l’Europe fournisse les troupes nécessaires pour sécuriser sur le terrain les accords qui pourront être conclus avec la Russie, ce qui pourrait vouloir dire sécuriser une ligne de cessez-le-feu qui, estime-t-on, demanderait près de 150 000 soldats, bien au-dessus des moyens européens. La demande a été immédiatement acceptée dans un premier temps par Macron et Stramer, le Premier ministre britannique mais elle ne fait pas l’unanimité dans l’Union européenne.

Là encore, les USA poursuivent leur plan. Trump, mais pas seulement, Biden aussi comme les dirigeants de l’Otan, ont toujours dit que la guerre d’Ukraine, la guerre contre la Russie, devrait être d’abord celle des Européens, que ces derniers devraient assurer leur propre « sécurité » en relevant le niveau de leurs capacités et dépenses militaires. A 2 % du PIB d’abord, disait Trump lors de son premier mandat, un niveau atteint aujourd’hui par la plupart des Etats européens, et jusqu’à 3, 4 et 5 % maintenant. La Pologne a un budget militaire qui représente aujourd’hui 4,7 % de son PIB et elle ambitionne de le faire passer à 5 %.

Ainsi, lorsque les dirigeants européens projettent de ne pas inclure leurs dépenses militaires dans le calcul de leur déficit budgétaire autorisé par Bruxelles, ils ne font que mettre en œuvre les exigences des Etats-Unis et de Trump.

Incapables de s’unir politiquement dans un Etat fédéral, chacune ayant besoin de son Etat pour défendre ses intérêts et prérogatives, ceux de ses propres groupes capitalistes, les bourgeoisies de l’Union européenne, concurrentes et rivales, sont condamnées à être vassalisées par les Etats-Unis de Trump qui viennent de montrer qu’ils les considèrent comme de simples supplétifs.

Pour consolider leur hégémonie, les USA négocient les rapports de force globaux dont l’axe est la Chine

C’est que, et c’est le cas depuis plusieurs années, les Etats-Unis entendent concentrer leurs efforts sur l’Asie et particulièrement la Chine. Or celle-ci est en meilleure position face aux Etats-Unis qu’elle ne l’était il y a trois ans, grâce à son alliance avec la Russie et à l’établissement de relations commerciales destinées à contourner les sanctions prises contre la Russie qui exporte maintenant son gaz et son pétrole vers la Chine et vers l’Inde. Trouver un accord avec la Russie permettrait aux USA d’arracher celle-ci à son alliance avec la Chine.

D’atelier du monde sous-traitante des multinationales américaines et européennes dans les années 1990 et début 2000, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale, en mesure de concurrencer ses rivales dans de nombreux secteurs dont la production de véhicules électriques, de smartphones, l’intelligence artificielle... Son essor est aussi celui des pays des Brics et plus globalement le déploiement du capitalisme sur toute la planète limitant le marché pour les vieilles puissances impérialistes occidentales et exacerbant la concurrence.

Pour sauvegarder leur domination mondiale contestée et historiquement dépassée, les Etats-Unis emploient contre leurs concurrents tous les moyens de pression possibles, mesures protectionnistes, sanctions, hausse des droits de douane, mépris et hostilité affichés comme à l’égard du G20 boycotté de même que l’Afrique du Sud qui accueillait le sommet, et bien sûr moyens guerriers et interventions militaires, grandes manœuvres. Parallèlement, ils consolident leurs alliances diplomatiques et militaires dans l’Indo-Pacifique, préparant d’éventuels conflits ouverts à venir.

C’est ainsi l’ensemble du monde qui bascule dans une folle guerre économique, la militarisation et la réaction capitaliste. La concurrence mondiale devient plus aiguë et chaque puissance, quels que soient sa taille et ses moyens, se bat pour prendre sa part.

Ce n’est pas seulement pour complaire aux Etats-Unis que les Etats européens augmentent leurs dépenses militaires, c’est aussi pour améliorer le rapport de forces en leur faveur, être en mesure de disputer ressources naturelles et marchés.

Non à l’union nationale, non à la guerre, vive les Etats-Unis socialistes d’Europe

Macron, en difficulté sur la scène politique intérieure, a trouvé dans la crise diplomatique provoquée par Trump une occasion de prendre de la hauteur en réunissant les dirigeants européens au début de la semaine dernière. Il espère aussi susciter un élan d’unité nationale… dans les sphères dirigeantes des partis institutionnels. Tous ceux-là ont accouru à l’Elysée jeudi après-midi alors que Macron avait déjà annoncé la couleur, il faudra faire des sacrifices pour financer l’effort de guerre.

« On entre dans une ère nouvelle », a-t-il répété en répondant le soir même à des questions d’internautes sur les réseaux sociaux. Il a enjoint les Européens à « augmenter » leurs « efforts de guerre » face à « l’escalade des capacités de nos principaux adversaires ». Et en France aussi, qui consacre 2% de son PIB à son budget militaire, « il va falloir monter ».

Il est évident que pour nous, pour l’ensemble des travailleurs, de la jeunesse, des femmes, il n’y a pas d’unité possible avec les représentants politiques des capitalistes, de la finance, de la mise en coupe réglée de toutes les ressources de la vie sociale au profit d’une minorité qui parasite les richesses de la société. Il n’y a pas non plus d’union nationale possible contre des pays qui seraient décrétés « nos ennemis », pas d’union nationale pour la guerre !

Notre ennemi est dans notre propre pays ! Nous refusons d’être les fantassins de la guerre économique et de la guerre tout court. Pas un euro, pas un homme, pas une arme pour la guerre.

L’issue face à la folie capitaliste incarnée par Trump et l’ensemble de ses alliés d’extrême droite en Europe et dans le monde est le renversement du capitalisme, une révolution internationale. En refusant de devenir les supplétifs des USA pour le compte de leurs propres capitalistes et États, les travailleur·es d’Europe ont un rôle décisif à jouer en s’unissant par-delà les frontières pour construire une fédération des Etats-Unis socialistes d’Europe, seule à même de contribuer à construire des relations internationales fondées sur la coopération des peuples et respectueuses de leurs droits.

Galia Trépère

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