Le drame de Mayotte, dévastée, ravagée par le cyclone Chido dénonce la politique criminelle, l’incurie et le mépris colonial de l’État français que le déplacement de Macron « racontant des salades » et décrétant une journée de deuil national ne fait que souligner alors que le spectacle de la comédie parlementaire devient une véritable farce, cynique et sinistre.

À 8000 km de Paris, dans le département-colonie le plus pauvre de France, les bidonvilles et les maisons de tôle qui abritaient un tiers de la population ont été soufflés. Des milliers de morts sont à redouter car les abris proposés par la préfecture ne concernaient pas la population des bidonvilles et que les sans-papiers en étaient, de fait, écartés par crainte d’être expulsés !

Cet événement « exceptionnel » est un phénomène naturel, mais le pouvoir et le système lui-même ont une énorme responsabilité, à deux niveaux. D’abord, il participe au dérèglement climatique qui a créé « un environnement océanique exceptionnel depuis quelques années et notamment cette année, avec des températures de surface des eaux proches de 30 degrés et des eaux chaudes très profondes », selon un météorologue cité par l’AFP, qui explique l’ampleur de Chido, le plus violent cyclone depuis 90 ans.

A cela s’ajoute l’incurie du pouvoir à y faire face, à anticiper alors que toutes les sonnettes d’alarme étaient tirées depuis des mois et même des années, alors que le cyclone lui-même était annoncé par Météo France plusieurs jours avant.  

L’État français porte l’entière responsabilité de cette situation dramatique, lui qui a arraché Mayotte des Comores devenues officiellement indépendantes en 1975 pour garder un pied dans l’Océan Indien. Tous les gouvernements de droite ou de gauche portent la même responsabilité d’avoir maintenu dans un sous-développement colonial révoltant la majorité de la population tout en se félicitant de la continuité de l’impérialisme français.

A Mayotte, ce serait la France et pourtant l’accès à l’eau potable est aléatoire, pourtant six logements sur dix ne disposent pas de toilettes ni de douche, les maisons en tôle, bois, végétal ou terre constituent près de quatre logements sur dix. 77 % des 320 000 habitants vivent sous le seuil de pauvreté, un seul hôpital vétuste et surpeuplé pour toute l’île. Les droits sociaux comme le RSA, les APL, y sont restreints alors que le coût de la vie y est 10 à 30 % plus cher qu’en métropole.

Mais le pouvoir comme la majorité des parlementaires accusent « l’immigration illégale qui ravage le territoire ». Retailleau donne le la : « On ne pourra pas reconstruire Mayotte sans traiter, avec la plus grande détermination, la question migratoire », plaidant pour une nouvelle loi immigration, une « priorité nationale ».

Un résumé de la politique de celles et ceux qui postulent à servir le capital, masquer leur responsabilité, leur incurie et leur impuissance par la politique du bouc-émissaire, en accusant les victimes, les populations les plus vulnérables de Mayotte. Les accusations xénophobes contre les migrants s’accompagnent d’une campagne contre les « pillages » alors qu’il aura fallu plus de trois jours avant que ne commencent à arriver des vivres, de l’eau qui manquent encore cruellement.

Les réponses répressives apportées par Retailleau et Macron, que sont le déploiement de l’armée et de la gendarmerie, le couvre-feu ne servent qu’à renforcer le discours sécuritaire du pouvoir.

Partout, la même logique du profit qui concentre des richesses folles entre quelques mains et engendre la pauvreté, la régression, la misère

Mayotte est un concentré de la faillite de la classe des capitalistes qui pille, exploite, se joue des peuples, accumule des fortunes, écrase les plus pauvres des pauvres et menace l’avenir même de l’humanité.

Ici, même si les conséquences du dérèglement climatique n’épargnent pas l’Europe, le monde du travail est d’abord et avant tout frappé par une vague de licenciements et de fermetures d’entreprises qui sera dévastatrice. Elle est annonciatrice d’une catastrophe économique et financière à laquelle conduit la politique des dirigeants des puissances occidentales.

C’est la même logique productiviste et prédatrice qui détruit la nature et ruine la société. 

Le capitalisme est à bout de souffle. L’exubérance des profits aveugle sur la réalité du mode de production capitaliste de plus en plus prédateur, parasite et destructeur de l’homme, de la société et de la nature.

Alors que d’un côté s’accumulent de plus en plus de richesses entre les mains d’une poignée de capitalistes, de l’autre côté se déploient la régression sociale, la pauvreté, la misère, les drames écologiques.

La fortune d’Elon Musk s’approche de 500 milliards de dollars, selon les dernières estimations du magazine Forbes. Elle a augmenté d’environ 180 milliards de dollars au cours des deux derniers mois seulement, principalement au cours des six semaines qui ont suivi la réélection de Trump. Collectivement, les dix personnes les plus riches du monde –neuf Américains et Bernard Arnault, bien français– ont augmenté leur richesse de 305 milliards de dollars en seulement six semaines, ce qui porte leur total combiné à la somme stupéfiante de 2100 milliards de dollars. La richesse totale détenue par ces dix milliardaires est supérieure au PIB de tous les pays, à l’exception des sept les plus puissants.

Et il s’agit là du sommet de l’iceberg de cette classe capitaliste et des multinationales qui contrôlent l’économie mondiale.

Cette situation absurde et menaçante est l’aboutissement de presque trois décennies de mondialisation financiarisée de l’économie. Pour faire face à la relative stagnation économique, le capital qui ne peut vivre qu’à condition de croître sans cesse, d’extorquer toujours plus de plus-value, n’y parvient qu’en renforçant l’exploitation de l’homme et de la nature dans le même temps qu’il se libère de toute entrave pour transformer toute activité humaine en marchandise source de profit et objet de spéculations entre les mains de la minorité, l’oligarchie financière, qui détient le vrai pouvoir et que servent les Etats.

Entre début 2020 et fin 2023, les groupes du CAC 40 ont engrangé 486 milliards d’euros de profits. C’est 333 millions d’euros par jour, un milliard d’euros tous les trois jours. Après le ralentissement de 2020 dû aux confinements (avec 35 milliards d’euros de bénéfices tout de même), les groupes du CAC40 ont connu trois années de superprofits autour de 150 milliards d’euros. 486 milliards d’euros, cela correspond à peu près aux dépenses de l’État français en 2024. Le déficit public s’élève cette année à 163 milliards d’euros qu’il serait facile de combler d’autant qu’il est le fruit des subventions et des politiques publiques au service du CAC40.

Vers l’overdose financière

Trump a été choisi par le journal Times comme personnalité de l’année, un choix qui exprime l’état d’esprit et la politique des milliardaires qui dirigent l’économie et de leurs serviteurs politiques. La lutte pour la rentabilité financière qui est le moteur de l’économie capitaliste impose à l’heure du capitalisme sénile, le capitalisme financiarisé mondialisé qui atteint ses limites historiques et géographiques, une offensive réactionnaire qui entraîne le monde dans une catastrophe économique, financière, sociale et écologique.

La politique pour laquelle Wall Street a voté, c’est le libéralisme sans frein, à outrance, la baisse des impôts pour le capital, l’explosion des subventions d’État et donc de la dette, la politique à la tronçonneuse défendue par Milei en Argentine, dégraisser l’État, liquidation des services publics, la financiarisation accrue et combattre les normes, le règne de la liberté capitaliste contre toute la société. Le tout accompagné d’une offensive réactionnaire nationaliste, protectionniste et xénophobe, la guerre économique et la démagogie contre les migrants, la guerre.

L’Europe et toutes les puissances capitalistes sont entraînées dans la même fuite en avant.

La crise sociale et politique en France en est la conséquence, comme en Allemagne.

Les superprofits absurdes étouffent l’économie, écrasent les travailleurs et les peuples, exacerbent la concurrence, engendrent la guerre économique, la militarisation du monde et la guerre en préparent une crise financière et économique parce que cette fuite en avant ne fait qu’aggraver le mal incurable qui frappe le capital menacé d’un krach et d’un effondrement.

Pour un mouvement du monde du travail en rupture avec la gauche institutionnelle syndicale et politique intégrée au système

La crise sociale et politique que nous connaissons en France est la conséquence de ces transformations politiques et économiques qui s’opèrent au sein des vieilles puissances impérialistes occidentales et au niveau mondial. Dans le passé, ces puissances dont la France ont réussi à préserver, pour l’essentiel, la paix sociale grâce à leur politique coloniale de surexploitation des peuples d’Afrique et d’Asie qui leur permettait de faire des concessions à la classe ouvrière métropolitaine, et d’associer le Parti socialiste et le Parti communiste à la gestion de leurs affaires au gouvernement et d’intégrer les appareils syndicaux dans le dialogue social, la collaboration de classe sans que cela les coupe de la majorité des travailleur·es.

Aujourd’hui, le capitalisme ne peut plus se payer ce luxe et il associe directement la gauche politique et syndicale à son offensive contre les travailleurs sans rien lâcher en contrepartie si ce n’est… de nouvelles attaques. La gauche gère les reculs que le capital impose à la société qu’elle ne prétend même plus réformer.

Cette semaine, les directions syndicales, sauf la CGT, FSU et Solidaires, ont signé avec le MEDEF et la CGPME une déclaration condamnant le désordre parlementaire, l’instabilité politique qui menace l’économie, une déclaration qui prend sa place dans la campagne pour la démission de Macron. Comme si ce n’était pas la politique même du CAC 40 et du Medef qui fragilisait l’économie et était responsable des licenciements !

En réalité, on l’a vu au moment du mouvement des Gilets jaunes, durant le mouvement des retraites l’an dernier et aujourd’hui face à la crise sociale et politique que connaît le pays, les appareils syndicaux se rangent du côté de l’ordre capitaliste. Si les directions de la CGT et de Solidaires ne sont pas assez aveugles pour signer avec les représentants du patronat, elles sont cependant bien incapables de donner confiance aux travailleurs et ne veulent pas de l’affrontement avec le patronat et l’Etat indispensable pour éviter la catastrophe à laquelle le capitalisme conduit.

Ils sont en fait subjugués par le pouvoir économique et politique sans comprendre que cette fuite en avant des classes dominantes éveille les consciences et contribue, étape par étape, à émanciper le monde du travail, la jeunesse de l’idéologie, de la morale, des préjugés qui justifient la domination dépassée et condamnée d’un capitalisme sénile.

Les contradictions du capitalisme conduisent à des soulèvements, on le voit déjà, à des révolutions.

Il existe une radicale contradiction entre le progrès des technologies et des forces productives et la réaction qu’exige la défense de la propriété privée capitaliste. Cette contradiction conduit à la barbarie si le prolétariat ne conquiert pas le pouvoir afin de réaliser la transformation socialiste de la vie économique dans le monde entier.

Seule l’intervention des travailleur·es pourra sortir le pays de l’impasse dans laquelle le conduisent politiciens parlementaires et le grand patronat, les banques, comme elle est nécessaire à Mayotte pour que la reconstruction ne se retourne pas contre les plus démunis, celles et ceux qui n’ont rien. 

Yvan Lemaitre

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn