La journée de grève du 19 mars pour les salaires, appelée par l’intersyndicale de la Fonction publique a mobilisé 100 000 manifestant·es dans les différentes villes selon la CGT. Les cortèges étaient en grande partie animés par les salarié·es de l’Education, principalement celles et ceux des collèges mobilisés depuis la grève du 1er février contre la dégradation des conditions de travail, le manque de moyens, de personnels et de postes, la réforme du « choc des savoirs ». Le nombre de grévistes dans les écoles comme dans la majorité des autres secteurs du public a été très modeste, 6,4 % d’après le ministère de la Fonction publique. Même si les chiffres officiels ont pour habitude de sous-estimer la réalité, ils soulignent le décalage entre une colère profonde des salarié·es et le peu d’intérêt et la lassitude que suscitent ces journées sans lendemain appelées par des directions syndicales discréditées qui refusent d’organiser l’affrontement avec le gouvernement, laissant croire à une possible négociation alors qu’il est à l’offensive contre le monde du travail et les classes populaires.
Macron a convoqué mercredi ses ministres à l’Elysée pour une réunion de crise sur le déficit public qui pourrait atteindre 5,6 % en 2024, soit 157 milliards d’euros selon l’INSEE, alors que la Commission européenne attend son plan de mesures d’austérité pour le ramener à l’arbitraire réglementaire des 3 % d’ici 2027. Après les 10 milliards supprimés sur le budget 2024 et les 22 milliards annoncés sur celui de 2025, c’est 50 milliards qu’il s’apprête à prendre sur les budgets sociaux et les services publics. « La dépense publique n’est pas faite que de la dépense d’Etat » a-t-il déclaré vendredi depuis Bruxelles, la cure austéritaire « devrait maintenant concerner aussi les dépenses sociales et les collectivités locales ».
L’austérité pour les pauvres alimente la machine à profits
Alors que les profits du CAC40 flambent et continuent d’alimenter l’inflation, ce sont les travailleurs et les classes populaires qui sont visés, rendus responsables du déficit public. Bruno Le Maire a déclaré vouloir « en finir avec l’Etat-providence », une « gratuité universelle » dont abuseraient les plus pauvres. Il a déclaré « nécessaire » une nouvelle réforme de l’assurance chômage dont les durées d’indemnisation seraient « les plus généreuses d’Europe », et de nouvelles mesures d’économies sur la sécu comme le déremboursement des affections de longue durée qui représentent la moitié de la totalité des dépenses de santé.
L’« Etat-providence » n’a jamais été que la providence pour les plus riches, pour les grandes entreprises, l’indispensable soutien pour leur profits. En 2021, Bruno Le Maire se félicitait d’avoir réalisé « la plus forte baisse d’impôts… 50 milliards d’euros en cinq ans ». Depuis 2019, l’Etat distribue chaque année près de 200 milliards d’euros d’aides et de subventions aux entreprises. Sans parler des milliards du « quoi qu’il en coûte » de la période du Covid et du bouclier énergétique. Vendredi, à la timide suggestion de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet qui proposait de faire payer une « contribution exceptionnelle » aux entreprises qui réalisent des « superprofits » ou versant des « superdividendes », Bruno Le Maire a opposé une ferme fin de non-recevoir.
Contre la ruine de l’Éducation nationale, la mobilisation s’organise et se poursuit
Le pillage des caisses de l’Etat vers les intérêts privés a ruiné les services publics, arrivés à un état de délabrement tel que la colère éclate. Dans l’éducation, la grève reconductible des personnels du 93 qui a démarré le 26 février à l’appel de l’intersyndicale départementale « Pas de moyens, pas de rentrée ! », ne faiblit pas. Centrée sur la défense d’un plan d’urgence, leur lutte montre l’exemple et encourage un mouvement qui est en train de s’élargir à d’autres départements d’Ile-de-France et du pays, alimenté principalement par le refus de la mise en place des groupes de niveaux au collège, qui vont aggraver la sélection sociale, fermer la porte du lycée et des études supérieures aux jeunes issus des milieux populaires, et la colère contre les 700 millions que le gouvernement vient de retirer au budget de l’Education.
Partout, dans le contexte d’apathie syndicale, le mouvement ne comptant que sur lui-même s’organise démocratiquement à la base, dans des assemblées générales d’établissements, de villes, des coordinations, avec la volonté d’associer personnels du secondaire et des écoles, les parents d’élèves, comme en témoigne le succès du mouvement « collèges morts », et les lycéens.
Imposer des moyens pour les besoins collectifs du plus grand nombre, pour l’école, la santé, une augmentation générale des salaires et des revenus nécessite d’élargir la lutte, de discuter comment l’étendre en s’adressant à l’ensemble des salariés, confrontés à la même offensive globale des classes dominantes.
Contre l’austérité au service des profits, s’organiser pour diriger nous-mêmes nos luttes
L’offensive de l’Etat contre les travailleur·ses et les classes populaires répond aux appels de Macron au « réarmement », et à l’« économie de guerre ».Mettre en échec cette politique suppose un affrontement que les directions syndicales se refusent à préparer, comme elles refusent de faire de la question des salaires une bataille politique globale de l’ensemble du monde du travail pour imposer au patronat l’augmentation générale des salaires, ne faisant que quémander de « vraies négociations » au gouvernement.
Une fraction militante de salarié·es, syndicalistes ou non, militants politiques, associatifs ou non organisés, en rupture avec la politique des directions syndicales, cherchent des réponses pour la lutte, s’organisent dans des interpros, des collectifs, des équipes syndicales à la base, pour prendre en main leurs luttes, discuter de leur politique, en toute indépendance des appareils syndicaux ou politiques institutionnels. Cette lutte pour les salaires et les conditions de travail c’est aussi la lutte pour l’annulation de la dette et la création d’un monopole public bancaire sous le contrôle des travailleurs et de la population, une politique de classe contre l’austérité, contre le nationalisme et la guerre, pour prendre nous-mêmes en main les affaires de la société.
Christine Héraud