« Plus d'un an après son cinquième congrès, le NPA est toujours là. Nous avons dépassé l’objectif de continuer le NPA pour aller vers la construction d’un parti révolutionnaire, communiste et internationaliste », écrivent les camarades d’AetR, membres de la TIR (Tendance internationale révolutionnaire) en introduction d’un de leurs textes pour le Comité international de la IVème Internationale intitulé « Pourquoi le 5ème congrès du NPA et sa scission ont ouvert des possibilités pour les révolutionnaires en France et au-delà », qui fait le bilan du point de vue des « courants A&R et l’Étincelle » du NPA dit issu du Vème congrès. Cette appréciation résume une orientation erronée fondée sur des illusions et sur un storytelling à l’image des comportements qui, au cours des scissions, jalonnent l’histoire du mouvement trotskyste, les pratiques d’auto-affirmation.
La scission-séparation avec la B pouvait ne pas se résumer à un échec mais ouvrir une opportunité dans la période que le mouvement ouvrier traverse à condition de se donner les moyens de rompre avec ces pratiques pour refonder le projet du NPA de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires sur les bases d’une commune compréhension de la période et des tâches. A défaut, « les courants A&R et l’Étincelle » mènent une politique d’auto-affirmation tout à l’enthousiasme de mettre la main sur le NPA pour construire leur « parti ».
La volonté de s’affirmer comme la continuité du NPA « historique » entretient des confusions et a conduit à la judiciarisation de la séparation avec le NPA de Poutou-Besancenot qualifié aujourd’hui de « contrefaçon » dans un communiqué annonçant que le CE portait l’affaire à propos des réseaux sociaux devant les tribunaux.[1] La discussion politique laisse la place à des accusations de concurrence commerciale que le comportement inacceptable du NPA Besancenot-Poutou ne peut justifier et que ce dernier tourne en ridicule ![2]
La politique pour légitimer l’OPA sur le NPA est l’autre face de l’opportunisme du soutien à la campagne de Poutou pour une gauche radicale et l’envoi d’armes à l’Ukraine qui visait à se construire au sein du NPA pour maintenant s’en approprier le sigle.
C’est au nom de cette politique que nos camarades des deux courants ont refusé une conférence ou un congrès de refondation et, en corollaire, d’engager toute discussion sérieuse sur la nouvelle période.
Cela entretient une grande confusion et cultive un volontarisme proclamatoire qui constitue une rupture avec le marxisme dans les méthodes comme dans les analyses.
L’attitude par rapport à la guerre d’Ukraine en est la manifestation quand après avoir participé à la campagne de Philippe Poutou demandant des armes pour l’Ukraine le CE défend tout et son contraire aujourd’hui. Sans analyser les réels mécanismes et rapports entre les États et les classes qui ont historiquement conduit à la guerre, le CE avance des mots d’ordre pacifistes abstraits contre l’armement et le militarisme, défendant le droit de l’Ukraine à s’armer au nom du droit à l’autodétermination des peuples en dehors de toute analyse de classe. La direction du NPA issu du Vème congrès n’a pas une compréhension globale du capitalisme aujourd’hui et de l’offensive militaire des grandes puissances occidentales dans laquelle s’inscrivent la guerre d’Ukraine et la guerre d’Israël en train de se transformer en guerre du Moyen-Orient.
Cette fuite en avant n’aide pas à travailler à essayer de construire des relations de discussion voire de collaboration avec LO après avoir refusé la discussion avec Révolution permanente. Elle s’engage maintenant dans la présentation d’une liste aux élections européennes qui se justifie essentiellement par le besoin d’affirmer le NPA et la légitimité des « courants A&R et l’Étincelle » à se l’approprier.
Une telle politique entretient les divisions au sein du mouvement révolutionnaire et ne répond pas aux besoins du mouvement ouvrier au regard de la nouvelle période, des menaces mais aussi des possibilités qu’elle recèle.
Encore une fois, l’indispensable discussion collective pour refonder le NPA et rompre avec les confusions
La suite n’est pas écrite. Elle dépend de l’ensemble des camarades pour s’emparer de la discussion et rompre le cadre fractionnel imposé pour penser et agir en militant·es d’un parti potentiel, le parti d’extrême gauche, aujourd’hui divisé en de multiples fractions pérennes, auquel il s’agit de donner corps. Cette discussion dépasse nos rangs, elle concerne l’ensemble des militant·es du mouvement révolutionnaire et, au-delà, tou·te·s les militant·es qui, sans être membres de telle ou telle organisation, participent à la vie du mouvement, à ses luttes mais ne se reconnaissent pas dans les fractions et les directions autoproclamées.
Surmonter cet état de fait pour travailler collectivement à élaborer une orientation, une stratégie suppose d’aborder la question du point de vue historique et politique pour comprendre les mécanismes qui y ont conduit. Il ne s’agit pas d’accuser les autres mais d’analyser les causes objectives et subjectives pour définir une politique.
La balkanisation du mouvement révolutionnaire, sa marginalisation sont la conséquence d’une longue période de recul politique qui a vu les classes capitalistes prendre l’offensive pour maintenir le taux de profit à travers la mondialisation financière et impérialiste qui a débouché sur un nouveau stade du capitalisme, le capitalisme financiarisé mondialisé.
Confronté à ses limites, ses échecs, le mouvement trotskyste longtemps replié sur la défense de l’héritage face à la contre-révolution stalinienne est devenu dogmatique, se divisant sur la façon de mettre en œuvre le dogme, son interprétation, et cherchant des issues à ses limites dans l’auto-affirmation, réduit à une opposition au stalinisme et à la social-démocratie. Les critiques largement justifiées de LO à l’égard du reste du mouvement ont elles-mêmes fini par se résumer à un sectarisme stérile.
Les conditions tant objectives que subjectives ont radicalement changé et nous ouvrent de nouvelles possibilités à condition d’avoir conscience que nous sommes une part du problème, à condition de retrouver le dynamisme de la démocratie et de la lutte d’idées.
La nouvelle période de la faillite du capitalisme financiarisé mondialisé nous impose des choix.
Au sein de notre milieu social, le monde du travail, de notre milieu militant politique, syndical, associatif, le besoin de comprendre est profond, celui aussi de trouver de nouveaux cadres d’organisation mais l’offre ne répond pas à la demande.
La réponse ne peut venir d’une seule fraction ou tendance qui aurait trouvé la recette pour… se construire !
La réponse dépend d’une prise de conscience collective et n’a pas de voie toute tracée, unique, définie par une direction se prétendant omnipotente. Une telle conception tournerait le dos à toute la tradition démocratique du mouvement révolutionnaire dans l’histoire dont la Première internationale a été l’illustration féconde.
Il y a dans cette démarche une place pour chacune et chacun, et chacune et chacun, organisé·es ou non dans une fraction du mouvement révolutionnaire, y ont leur place… Au même titre que les travailleurs ont besoin de prendre leurs luttes en main, de s’organiser à la base pour les diriger en toute indépendance des directions syndicales, d’inventions collectives, nous avons besoin de prendre en main la construction de l’instrument de notre propre émancipation collective, notre instrument politique, notre parti. Il s’agit de construire des liens de solidarité entre les différentes fractions, entre les militant·es autour de la défense des idées anticapitalistes et révolutionnaires, de discuter et définir ensemble nos tâches et perspectives, organiser sur le terrain politique toutes celles et ceux qui le souhaitent, construire ensemble les relations de confiance nécessaires à l’action collective sur la base d’une conscience de classe socialiste, internationaliste et de la critique des mœurs et des pratiques des appareils, travailler à l’éducation marxiste et à la diffusion des idées socialistes et communistes.
C’est ainsi que nous comprenons le contenu de la campagne des élections européennes dans la continuité d’une politique unitaire, démocratique, révolutionnaire afin d’apporter notre pierre à la construction d’un front internationaliste contre le nationalisme et la guerre, visant à défendre et discuter un programme pour la transformation révolutionnaire de la société. Notre campagne s’inscrit dans la perspective de la conquête de la démocratie, du pouvoir de décider et de contrôler par les producteurs eux-mêmes la marche de la société, le pouvoir des travailleurs pour des États unis socialistes d’Europe vers une société débarrassée de l’exploitation, de la propriété privée et des frontières, fondée sur la coopération des peuples.
Comprendre qu’il est possible de changer le monde, c’est aussi et d’abord comprendre qu’il est possible, et nécessaire, de transformer le mouvement révolutionnaire pour en faire l’instrument de la conquête du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes. Irréaliste, nous diront certains niant le droit d’imaginer un autre avenir que ce qui existe, alors, oui, du passé faisons table rase !
Le 13/03/2024
Contribution aux discussions au sein du NPA
[1] https://nouveaupartianticapitaliste.fr/communique-mefiez-vous-des-contrefacons/
[2] https://nouveaupartianticapitaliste.org/communique/philippe-poutou-poursuivi-pour-usage-frauduleux-du-nom-du-npa