Publié dans Démocratie révolutionnaire, n°1, 17 juin 2016

Ce premier numéro de Démocratie révolutionnaire paraît alors que le mouvement contre la loi travail est loin d’avoir épuisé ses possibilités et ses ressources. Nous l’y consacrons pour analyser ses forces et ses faiblesses, ouvrir la discussion pour en dégager ses enseignements et surtout les tâches nouvelles qui s’offrent aux anticapitalistes et révolutionnaires.

En effet à travers le mouvement s’opèrent de profondes transformations dans les consciences dont les évolutions et approfondissements dépendront pour beaucoup de la politique que les révolutionnaires mèneront.

Le mouvement non seulement exprime un profond mécontentement, une révolte contre l’offensive sans fin du patronat et de son Etat contre les droits des salariés, mais il prend une signification politique particulière de par le contexte général dans lequel il intervient. Il s’inscrit dans une montée de la contestation engendrée par la crise permanente dans laquelle est entré le capitalisme depuis 2007-2008 et initiée par les révolutions arabes, le mouvement des indignés ou Occupy Wall Street, comme la révolte du peuple grec…

Il est un moment de rupture.

Il n’est plus comme l’étaient les mouvements de 2003 ou 2010 un mouvement défensif canalisé par les directions syndicales dans une période où la gauche pouvait encore représenter une issue, une réponse aux yeux du monde du travail.

Il est d’abord la rupture des classes populaires avec le PS et avec les politiques d’union de la gauche incluant le PC. Ce dernier déjà fortement affaibli se trouve ainsi lui-même complètement déstabilisé tant il est vrai qu’il ne pouvait satisfaire ses ambitions électorales et institutionnelles qu’en mettant ses forces au service du parti issu de la social-démocratie tel qu’il avait pu survivre à travers des décennies de reniements et mensonges au service des classes possédantes.

Si le PS est en train de mourir, le PC est lui moribond, sans autres perspectives pour la présidentielle que de passer sous les fourches caudines de Mélenchon.

L’aboutissement d’une longue évolution qui s’accompagne aussi d’un profond recul au sein du monde du travail.

Dans le même temps, commence à renaître une contestation du capitalisme globalisé, libéral et impérialiste, une nouvelle conscience de classe commence à se forger.

A travers le mouvement se confrontent le passé et l’avenir. Une nouvelle génération s’engage dans la lutte sociale et politique alors qu’une large fraction du monde du travail se libère de la démoralisation engendrée par la politique du PS, l’impuissance de feu le Front de gauche et la politique du dialogue social des directions syndicales.

Le projet du rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires prend, dans ce contexte, une signification toute particulière.

Offrir aux uns et aux autres un cadre politique, militant, ouvert et démocratique pour intervenir dans les luttes de classe, s’approprier les idées de l’émancipation, le socialisme et le communisme révolutionnaire, participer à la perspective de la transformation révolutionnaire de la société, est une nécessité militante.

Y répondre suppose que notre parti, le NPA, sorte de ses ambiguïtés où souvent le gauchisme se combine avec l’opportunisme dans une grande difficulté à s’affirmer comme parti de la classe ouvrière, parti pour la transformation révolutionnaire de la société, socialiste, communiste révolutionnaire. Cette faiblesse est, pour une part, la conséquence de l’orientation dite des « Partis larges » ou « stratégiquement non délimités » héritée de la tendance la plus importante du NPA, celle de la majorité de la IVième Internationale.

La richesse du NPA est d’avoir réussi à regrouper différents groupes et tendances révolutionnaires dans un même parti. C’est une richesse mais en même temps une grande difficulté si les habitudes des uns et des autres l’emportent sur le nécessaire souci de trouver ce qui rassemble pour penser, si chacun fait la théorie de lui-même plutôt que d’agir et construire ensemble, voire si les rivalités de courants prennent le dessus.

Faire du NPA un cadre ouvert sur l’extérieur, ouvert au mouvement, à la jeune génération comme aux plus anciens qui regardent vers l’anticapitalisme suppose de dépasser ces difficultés, faiblesses, limites. Nous avons besoin de faire vivre la plus large démocratie respectant la liberté d’expérimentation, confrontant les expériences. Le mouvement est de ce point de vue un point d’appui, son aile la plus militante porte une profonde aspiration démocratique, une volonté qui combine l’action collective et les initiatives les plus diverses.

Cette démocratie nous est aussi nécessaire pour élaborer ensemble une politique, une stratégie qui permette de rassembler à partir de l’analyse du stade actuel de développement du capitalisme, de ses nouvelles contradictions nées de la mondialisation libérale et impérialiste, des enjeux inédits liés à la crise écologique et climatique. Nous avons besoin de donner son actualité au programme révolutionnaire d’un point de vue internationaliste, de repenser comme une question actuelle la stratégie révolutionnaire tant du point de vue de la construction du parti que des chemins du pouvoir et les possibilités du socialisme.

Démocratie révolutionnaire veut contribuer à ce projet par le débat et la discussion.

Celle-ci ne connaît pas de frontières de parti, elle se mène au sein du NPA mais aussi avec nos camarades de Lutte ouvrière, l’ensemble de l’extrême-gauche ou avec celles et ceux qui, militants de l’ex-Front de gauche, militants syndicalistes, libertaires, jeunes, travailleurs…, cherchent des réponses aux questions que suscitent la régression engendrée par la politique des classes dominantes et de leur Etat comme les limites et contradictions du mouvement de ce printemps.

Nous nous situons dans la continuité de Débat révolutionnaire que nous avions choisi d'interrompre en mars 2012 à l’occasion de la première campagne présidentielle de Philippe Poutou pour y prendre toute notre place, faisant le pari qu'elle pourrait permettre au NPA de sortir de la crise provoquée par la scission de la Gauche anticapitaliste qui avait alors rejoint le Front de gauche avant de se dissoudre dans Ensemble.

Le mouvement révolutionnaire ne peut pas dans les mois qui viennent recommencer les erreurs qui l’ont empêché de jeter les bases d’un véritable parti des travailleurs quand, au début de ce siècle, l’extrême-gauche, LO et la LCR, rassemblaient plus de 10% de l’électorat lors de l’élection présidentielle de 2002. Incapables ou ne voulant pas œuvrer au rassemblement des anticapitalistes et des révolutionnaires, elles n’ont pas voulu, su ou pu saisir l’occasion, laissant la place, au final, au Front de gauche, aux antilibéraux réformistes. Le NPA est le résultat d’une volonté de dépasser ces faiblesses, cela reste notre projet.

Ce printemps 2016 donne aux révolutionnaires de nouvelles responsabilités. Nous devons apporter des réponses aux interrogations politiques comme aux besoins militants qui sont nés du mouvement en participant à la continuité du marxisme militant.

Démocratie révolutionnaire prendra sa place dans ce travail militant.

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