Le mot « crise » revient comme une litanie, parfois pour nous annoncer qu’« elle serait finie », que la « reprise serait de retour », parfois sous forme d’un nouveau craquement, Bourses qui paniquent, taux d’intérêt qui remontent au risque de déclencher un nouvel effondrement… Ainsi, la crise serait un mal mystérieux, imprévisible, une fatalité contre laquelle il n’y aurait aucun remède, tout au plus des expédients.

Pourtant, ce mot recouvre à l’évidence une réalité patente, la faillite des classes capitalistes, de l’oligarchie financière, de la propriété privée des moyens de production et d’échange sur laquelle repose le droit que s’octroie une minorité de parasites de s’approprier les richesses produites par la classe des producteurs.

Cette réalité est masquée par un écran de fumée, la propagande des classes capitalistes pour convaincre les classes exploitées que l’économie de marché est le seul système moderne et efficace, qu’il n’y en a pas d’autre possible.

Mais alors pourquoi les crises, pourquoi cette crise permanente dans laquelle est entrée la société à l’échelle mondiale ? Et comment peut-on considérer comme moderne une société dans laquelle l’écart entre les possibilités matérielles et techniques dont dispose l’humanité et le dénuement terrible qui en frappe la majeure partie n’a jamais été aussi flagrant ?

C’est bien de son organisation sociale que l’humanité est malade, du système capitaliste. La critique qu’en a faite Marx au siècle dernier est plus que jamais d’actualité, le triomphe de l’économie de marché est une catastrophe pour l’humanité.

La mondialisation, l’aggravation de toutes les contradictions explosives du capitalisme

L’exacerbation de la concurrence née de la récession se transforme en guerre économique, accentue la montée des militarismes et l’extension des conflits militaires, poussant des dizaines de milliers de réfugiés à l’exode. Les capitaux à la recherche de profits faciles se précipitent plus que jamais dans la spéculation et l’économie de la dette, préparant un nouvel effondrement financier généralisé. L’exploitation débridée des ressources terrestres par une économie dont la seule préoccupation est la rentabilité immédiate menace l’humanité d’une catastrophe environnementale. La guerre de classe que mènent, à l’échelle de la planète, une poignée d’oligarques financiers et les gouvernements aux ordres se poursuit de plus belle. Elle se traduit par une aggravation sans précédent des inégalités sociales et accentue, dans le même temps, la récession chronique qui frappe l’économie mondiale.

La mondialisation, c’est quarante années d’une guerre de classe acharnée contre les travailleurs et les peuples à travers laquelle les vieux impérialismes (USA, Japon, Allemagne, Grande Bretagne, France) ont tenté de restaurer leurs taux de profits dont l’effondrement s’était traduit par la crise mondiale des années 1970. Cette guerre de classe sans répit a certes permis aux profits et aux dividendes que se partagent les « 1% » d’exploser, mais elle a aussi conduit le capitalisme à une impasse.

La mondialisation de l’exploitation salariée

La mondialisation n’est pas une perversion du capitalisme ni le résultat de la mise en œuvre délibérée d’un modèle néolibéral concocté par certains idéologues de la bourgeoisie. Elle s’inscrit dans la logique même de l’évolution de la société capitaliste, soumise à ses propres contradictions et à la lutte des classes.

En se mondialisant, le capitalisme a poursuivi un processus qui caractérise l’économie de marché depuis ses origines, sous sa forme marchande et dans son berceau féodal. « La base du mode de production capitaliste est constituée par le marché mondial lui-même » écrivait Marx. « Poussée par le besoin de débouchés de plus en plus larges pour ses produits, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, mettre tout en exploitation, établir partout des relations ». (Manifeste du Parti communiste)

Les transformations des quarante dernières années s’intègrent dans ce processus. La mondialisation est la généralisation à l’échelle mondiale du rapport de classe qui définit le capitalisme, le salariat.

La propagande patronale voudrait faire croire que le salariat est un libre contrat entre salariés et patrons. C’est masquer qu’il est un rapport social de domination et d’exploitation qui permet aux capitalistes de s’approprier légalement le produit du travail de l’ouvrier dont ils ont acheté la force de travail en échange d’un salaire. Ce salaire est inférieur à la valeur créée par ce travail, la valeur ajoutée, que s’approprie le capitaliste. Et c’est le vol légal de la plus-value, différence entre la valeur ajoutée et le salaire, qui est la source des profits dont se nourrit le capitalisme. Ce rapport social est le moteur du système capitaliste, sa raison d’être. Aucun salarié, aucun être humain aujourd’hui n’y échappe.

La guerre permanente que livrent les capitalistes à la classe ouvrière pour la diminution du coût du travail, autrement dit l’augmentation de la plus-value, est la meilleure démonstration de la validité de cette idée fondamentale de Marx, la théorie de la valeur.

Mais toute la propagande des classes dominantes, étayée par une armée d’économistes aux ordres, vise au contraire à la masquer, à ressasser sous des formes diverses ce mensonge historique qui voudrait faire croire que le capital a créé… ce qu’il a volé.

Qui crée la valeur ? Le capital ou le travail ?

Marx a donné une réponse à cette question avec la loi de la valeur-travail qui est la base, avec la théorie de la plus-value, de la critique marxiste de l’économie capitaliste. Il distingue la valeur d’usage d’une marchandise, son utilité pour le consommateur, et sa valeur d’échange, ou valeur, qui s’exprime par le prix. Ce qui fait la valeur d’une marchandise, c’est la quantité de travail accumulé dans sa production. A chaque étape de la production, le travail vivant des salariés apporte une valeur ajoutée aux matériaux, énergies, etc., qui entrent dans la fabrication. Leur valeur est elle-même définie par la quantité de travail qui a été nécessaire à leur production. Marx l’appelle « travail mort ». Ainsi, la valeur de toute marchandise est égale à la somme du travail mort et du travail vivant (la valeur ajoutée) mis en œuvre au cours de sa production.

La mystification selon laquelle le capital serait à la source de toute nouvelle valeur est ainsi démasquée. Le patron ne paie pas à l’ouvrier la valeur de son travail, qui correspond à la valeur ajoutée, mais celle de sa force de travail, la valeur de ce qui est nécessaire à l’entretenir et la reproduire. L’accumulation des richesses dont disposent les classes dominantes sous forme d’argent, de produits de luxe, d’actions, de titres de dette, etc., n’est que le produit de l’accumulation de plus-value extorquée au fil du temps à d’innombrables générations d’exploités.

« Le capital, écrivait Marx, est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant tel un vampire du travail vivant, et qui est d’autant plus vivant qu’il en suce davantage. » (Le Capital)

Les fondements de la guerre de classe entre patrons et salariés sont là, dans la lutte pour le partage de la valeur ajoutée entre salaires et plus-value. Salariés et capitalistes ne sont pas partenaires dans la production de richesses destinées à satisfaire un prétendu intérêt général, ils ont des intérêts diamétralement opposés. Le rapport social qui les lie est un rapport d’exploitation. Il divise la société en deux classes fondamentalement irréconciliables : la classe des bourgeois, de ceux qui possèdent les moyens de production, la possibilité légale de s’accaparer la plus value ; la classe des prolétaires, ceux qui n’ont pas d’autre solution, pour gagner de quoi vivre, que de vendre leur force de travail.

Les multinationales ont mis le monde en coupe réglée

La mondialisation libérale et impérialiste a débuté au début des années 1980 alors que l’économie mondiale, contrôlée par quelques puissances, Grande Bretagne, Allemagne, France, Japon, sous l’égide des USA, était plongée dans une crise profonde, l’effondrement des taux de profit. La réponse des bourgeoisies a consisté tout d’abord en une offensive massive contre leurs classes ouvrières pour reprendre toutes les concessions qu’elles avaient été contraintes de leur faire. Reagan aux USA, Thatcher en Grande Bretagne lançaient dès 1980 une attaque extrêmement brutale. Mitterrand et l’Union de la gauche allaient le faire plus en douceur à partir de 1981. Forts des illusions que leur arrivée au pouvoir avait suscitées dans la classe ouvrière, de la complicité des confédérations syndicales et de la pression d’un chômage de masse qui s’installait, ils ont permis en six ans de faire passer la part des profits dans la valeur ajoutée de 25 % à 35 %, tandis que la part des salaires diminuait d’autant, passant de 75 % à 65 %.

Le chômage de masse, l’existence de cette « armée de réserve du capital » comme l’appelait Marx, a instauré un rapport de force extrêmement favorable à la bourgeoisie. Un des arguments également de sa propagande : c’est au nom de l’emploi que les gouvernements n’ont cessé de justifier cyniquement leurs offensives contre les salaires, les droits des travailleurs et de redistribuer des milliards et des milliards au patronat.

En même temps qu’elles passaient à l’offensive contre leur propre classe ouvrière, les grandes firmes impérialistes entamaient le processus à travers lequel elles allaient, en quelques années, étendre l’exploitation salariale à l’ensemble de l’économie mondiale, imposant la libéralisation des règles du commerce international qui supprimait les obstacles à la circulation des capitaux et, dans une moindre mesure, des marchandises.

En implantant des filiales de production dans certains pays du tiers monde, les grandes firmes impérialistes se sont transformées en multinationales. Elles ajoutaient l’exploitation d’une main d’œuvre très bon marché, inorganisée, sans la moindre protection sociale, au pillage des richesses (pétrole, uranium, minerais en tout genre, etc.) des pays pauvres, qu’elles poursuivaient de plus belle. Quelques grandes multinationales de la chimie et de l’agro alimentaire étendaient leur mainmise sur des pays entiers, les transformant en immenses plantations, détruisant ce qui restait de l’agriculture de subsistance qui permettait aux populations locales de survivre tant bien que mal.

Produire bon marché des marchandises pour l’essentiel destinées à être vendues sur les marchés des pays riches a permis à ces trusts de dégager de juteux surprofits. Lesquels attiraient de nouveaux capitaux, générant un emballement des investissements directs à l’étranger (IDE), et dans leur sillage, la constitution de grandes multinationales bancaires.

S’appuyant sur le développement des nouvelles technologies, informatique, réseaux de communication, le processus a profondément changé l’économie mondiale. De nouveaux flux commerciaux internationaux se sont mis en place.

De nouvelles puissances économiques ont émergé, les BRICS (Brésil-Russie-Inde-Chine-South Africa). La Chine, principale destinataire des IDE industriels, est ainsi devenue l’usine du monde, suivie dans une moindre proportion par l’Inde. En quelques années, la Chine est sortie d’un état économique quasi féodal, basé pour l’essentiel sur une agriculture très arriérée. Des millions de jeunes paysans pauvres ont quitté leurs campagnes pour se transformer en prolétaires dans les usines qui poussaient comme des champignons, transformant des villes comme Shanghai en mégalopoles industrielles et financières.

L’économie mondiale est actuellement dominée par une poignée de firmes qui exercent une véritable dictature sur l’ensemble de la production, dans tous les secteurs économiques : financier, industriels, miniers, agro-alimentaires, distribution, pharmacie, services… Parmi les 500 plus importantes, un tiers sont des entreprises financières, banques et assurances, suivies par les industries pétrolières et les télécommunications.

Les multinationales contrôlent la recherche et les nouvelles technologies. Elles imposent leur loi à des milliers de petites entreprises sous-traitantes, de travailleurs indépendants, comme à leurs salariés directs. De leurs choix économiques dépendent les prix des matières premières, la production de pays entiers et donc la vie de centaines de millions d’hommes et de femmes à travers le monde. Leur puissance économique leur permet de réaliser des profits colossaux en imposant leurs prix aux petits producteurs comme aux consommateurs, en imposant leurs lois aux États.

La concurrence mondialisée

La mondialisation capitaliste, c’est la mondialisation de l’exploitation salariée et du marché, c’est-à-dire de la concurrence.

Avec le développement des pays émergents, en particulier de la Chine, dans un monde ouvert à la circulation des marchandises et des capitaux, la classe ouvrière des pays riches a été mise en concurrence directe avec celle des pays pauvres. Elle a été ainsi maintenue sous la menace permanente du chômage, des délocalisations, subissant attaques sur attaques pour baisser les salaires, directs comme indirects, retraites, santé, code du travail… S’y ajoutaient la privatisation systématique des services publics, ouverture au capital à la recherche de la moindre bribe de travail à exploiter, au détriment des services rendus aux populations.

Le fait que certains trusts chinois fassent actuellement jeu égal dans certains secteurs avec les multinationales des pays impérialistes donne la mesure des bouleversements profonds apportés par la mondialisation. La Chine a su profiter de l’afflux massif d’IDE venus d’Europe et des Etats-Unis pour développer ses propres trusts, capables de concurrencer les firmes américaines, européennes ou japonaises, y compris dans des secteurs de pointe.

Cette concurrence a été exacerbée par l’état de quasi stagnation dans lequel s’est trouvée plongée l’économie mondiale depuis 2007. Les multinationales chinoises étendent leur exploitation en Afrique, en Amérique latine, dans l’exploitation des matières premières, dans la construction de filiales de production à travers lesquelles elles vont à leur tour exploiter une main d’œuvre à bas coût. Inversant les flux, des capitaux chinois s’investissent actuellement dans des entreprises européennes ou américaines…

Les rapports de force économiques internationaux sont bouleversés, raison pour laquelle l’apologie du libre échange a laissé place aux discours protectionnistes de Trump, à « L’Amérique d’abord ! ». Dans l’économie de marché, le libre échange, c’est la capacité donnée à l’économie la plus avancée de gagner des parts de marché, d’imposer sa loi à la concurrence. Mais la bourgeoisie américaine, qui avait pu bénéficier du statut incontesté de première puissance mondiale depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, voit son hégémonie contestée et tente de se protéger de la concurrence. Le protectionnisme à la Trump ne vise pas à replier l’économie américaine sur une quelconque autarcie. Elle est une déclaration de guerre à tout ce qui vient aujourd’hui remettre en cause les équilibres du passé, Chine en tête.

La concentration des richesses provoque inégalités et paupérisation croissantes

Dans les anciennes puissances capitalistes, la dégradation des conditions d’existence a touché non seulement la classe ouvrière, mais également des couches toujours plus larges de la petite bourgeoisie, artisans, commerçants ou paysans. La paysannerie est poussée à la ruine. En France, il y avait 4 millions de paysans en 1963. Ils n’étaient plus que 900 000 en 2016, 9,6 % de la population active. La disparition des petites exploitations s’accompagne de la création de grandes fermes, usines spécialisées dans une production particulière. Les jeunes issus des campagnes sont prolétarisés, contraints à chercher un travail salarié.

La régression sociale a brutalement frappé la couche supérieure de la classe ouvrière dont la promotion sociale avait assuré une certaine stabilité à la domination de la bourgeoisie. Il n’y a plus d’avenir pour les générations nouvelles de cette couche sociale condamnée à revenir au mieux à la condition ouvrière, sinon au chômage ou aux petits boulots surexploités qui prolifèrent sous le nom d’auto-entreprenariat ou d’ubérisation.

Dans les pays les plus pauvres, en Afrique en particulier, les économies de subsistance ont été détruites par la mainmise des grands trusts de l’agro-alimentaire. Des populations entières, totalement démunies, condamnées aux pires conditions de survie, cherchent une issue dans l’émigration. Au prix de leur vie, ils tendent de franchir mers et frontières, pour devenir prolétaires, chair à profit sans papiers dans l’eldorado des grands centres de l’exploitation capitaliste.

Ce processus de « paupérisation absolue », comme le définissait Marx, est caractérisé par le dernier rapport de l’ONG Oxfam, selon lequel « le nombre de milliardaires a connu l’année dernière [2017] sa plus forte hausse de l’histoire, avec un nouveau milliardaire tous les deux jours. Leur richesse a augmenté de 762 milliards de dollars en douze mois […] sept fois le montant qui permettrait de mettre fin à la pauvreté extrême dans le monde. 82 % des richesses créées l’année dernière ont bénéficié aux 1% les plus riches, alors que la situation n’a pas évolué pour les 50 % les plus pauvres ».

La mondialisation libérale impérialiste a poussé à ses limites le processus d’accaparement des richesses tout en soumettant au rang de prolétaire, avec ou sans travail, l’immense majorité de la population mondiale mise brutalement en concurrence sur le marché international du travail.

Euphorie boursière et bulle spéculative, ou le parasitisme exacerbé du capital

Les multinationales tirent de la mise en coupe réglée de la planète des masses de capitaux exorbitants. Ces capitaux, en croissance permanente, ont besoin de terrains d’investissement capables de les absorber et de les faire fructifier avec des taux de profit équivalents. Mais, malgré l’emballement de la production dans les pays émergents au cours des années 2000, la croissance mondiale de la production de biens et de service est restée bien inférieure à la croissance des capitaux disponibles, qui se sont précipités dans toute sorte d’opérations spéculatives.

Les moyens modernes de communication font qu’il suffit aujourd’hui d’un quart de seconde pour transmettre un ordre de bourse à l’autre bout de la planète. Les banques emploient des armées de traders dont la fonction consiste à acheter des titres puis à les vendre, le plus rapidement possible, en en tirant un bénéfice. A ce jeu, dans le Trading haute fréquence, des ordinateurs remplacent les traders…

Le boursicotage se nourrit de l’espoir que la valeur des titres ne va cesser de grimper : ce que j’achète, je pourrai le revendre plus cher… Et de fait, la magie semble opérer, les valeurs oscillent à la hausse et à la baisse, mais leur moyenne ne cesse de monter. L’afflux d’acheteurs attirés par des valeurs en hausse… fait monter ces valeurs, ce qui attire de nouveaux acheteurs, etc. Cette euphorie boursière se traduit par la création d’une masse de capitaux fictifs, ne venant d’aucun travail productif, et qui s’accumule dans des bulles spéculatives, sous forme de capitalisation boursière, produit du nombre de titres en circulation par la valeur à laquelle ils s’échangent à un moment donné sur le marché financier correspondant.

La vitesse à laquelle peuvent se gonfler ces bulles est considérable. Entre 2015 et 2016, la capitalisation boursière de Google a gonflé de 143 milliards de dollars, suivi d’Amazon, 104, de Microsoft, 103… De telles augmentations n’ont absolument rien de commun avec la croissance réelle de ces sociétés. La capitalisation boursière est totalement déconnectée de la valeur économique des sociétés qu’elle est censée représenter. Jusqu’à ce que la bulle explose, que l’euphorie face place à la panique…

Le capital financier, foncièrement parasitaire, est aveugle, dévastateur. Il n’est porteur d’aucun développement réel, car il soumet toute la production des richesses indispensables à la vie des hommes à son seul but, la recherche du profit le plus immédiat. Aujourd’hui, à peine un peu plus de 1 % des transactions financières mondiales correspond à un échange réel de biens et de service. Cela donne la mesure du niveau de parasitisme atteint par le capital.

L’économie de l’endettement pour nourrir la finance

Le crédit est indispensable au fonctionnement de la société capitaliste : pour qu’une production puisse exister, il faut avancer l’argent nécessaire à la mettre en œuvre avant de récupérer la mise par la vente. Son mécanisme est, en même temps, une véritable pompe à richesse par laquelle les sommets de la finance accaparent une partie des richesses produites par le travail. C’est le cas avec les crédits aux ménages, où les intérêts qui reviennent aux banques sont prélevés sur les revenus du travail, les salaires ; avec le crédit aux entreprises où les intérêts payés par le patron de l’usine viennent du profit qu’il a réalisé sur le dos des salariés ; et de la dette publique, où les intérêts payés par les États sont issus des impôts, payés pour une bonne part par les travailleurs.

Avec la montée de la financiarisation de l’économie, au cours des années 2000, l’économie de la dette a atteint des proportions considérables. Elle est devenue un des terrains de prédilection de la spéculation financière. Non contentes d’attendre les intérêts de leurs prêts, les banques en tirent une multitude de produits dérivés, paniers de titres divers, assurances contre les risques, etc., qui entrent à leur tour dans la valse de la spéculation, faisant fleurir de nouvelles bulles spéculatives.

Le déclenchement de la crise de 2007 est due à l’explosion d’une de ces bulles, dite des subprimes, un secteur du crédit immobilier s’adressant aux plus pauvres aux États-Unis. Mais cela n’a pas pour autant mis un frein à la course généralisée à l’endettement, bien au contraire, comme le montre le tableau ci-après :1 stock dette

(Par ici la sortie –Attac 01/2017)

La suraccumulation du capital financier à l’origine du déclenchement de la crise

Les dirigeants des institutions financières, les gouvernements, les grands financiers, sont tout à fait conscients de la menace que fait peser sur l’ensemble du système financier et de l’économie un tel stock de dette. Ils vivent dans la hantise d’une nouvelle explosion, qu’ils savent inéluctable. Mais s’ils se sont avérés impuissants à inverser la tendance, ça n’est pas parce qu’ils n’auraient rien appris de la crise de 2007. C’est que la logique même du système capitaliste, la nécessité où il est pour se survivre de trouver toujours plus de nouveaux terrains d’investissement, de plus-value à piller, le conduit inexorablement à poursuivre la même fuite en avant destructrice. Jusqu’au krach...

La crise de 2007 n’était qu’une étape d’une crise plus générale, qui se poursuit aujourd’hui, celle d’un système en faillite. Elle en était également un seuil : la fin de l’illusion que cette course à la dette dans laquelle chaque nouvel emprunt pouvait permettre de rembourser les précédents tout en s’enrichissant était devenu le fonctionnement normal de l’économie.

Avec le déclenchement de la crise, l’euphorie spéculative s’était transformée en panique, entraînant l’enchaînement en cascade d’une série d’effondrements boursiers, bancaires, économiques… Face au krach généralisé qui menaçait de tout emporter sur son passage, États et institutions financières internationales ont injecté dans le système financier une quantité astronomique de milliards afin de le sortir de l’effondrement dans lequel l’avait conduit sa propre avidité. La dette privée des banques s’est transformée en dette publique, déclenchant en Europe une nouvelle étape de la crise, prétexte, pour les États, à lancer une nouvelle offensive destinée à faire payer la facture aux classes opprimées.

Le seul régulateur du système, la crise

L’explosion de la bulle des subprimes et l’effondrement qui a suivi étaient un brutal rappel à l’ordre de la loi de la valeur-travail. Les capitaux qui ne peuvent plus réaliser les plus-values attendues ne valent plus rien. A travers les crises, le capitalisme subit les contradictions qui sont inhérentes à l’anarchie de son propre fonctionnement. Il se purge brutalement de ses capitaux fictifs, ajuste ses capacités de production à la demande solvable, par la faillite et la fermeture des entreprises les moins rentables, en jetant leurs travailleurs au chômage.

Malgré son caractère dévastateur et son coût économique et social dramatique pour les classes exploitées, la crise est considérée par la bourgeoisie comme un phénomène cyclique auquel on ne peut échapper. Après la crise, le capital purgé de ses contradictions est censé partir de plus belle, au bénéfice des capitalistes qui ont su tirer leur épingle du jeu, profiter de la chute des plus faibles pour se renforcer… Cette logique monstrueuse et cynique est, aujourd’hui, à bout de souffle.

Le capitalisme en crise permanente ou la faillite historique de la classe bourgeoise

Après dix ans de traitement de la crise, la stagnation économique est désormais généralisée, y compris pour les pays émergents que l’on nous présentait comme tirant l’économie mondiale.

Les reculs sociaux massifs imposés aux classes ouvrières des pays riches ont freiné la croissance de la demande solvable globale. En Chine, cette stagnation mondiale freine les exportations. Le retrait massif des investissements étrangers fuyant la baisse des profits due aux menaces de récession mais aussi au fait que la classe ouvrière chinoise a su imposer par ses luttes de substantielles hausses de salaire a été compensée par le recours massif à l’emprunt. En quelques années, la Chine est devenue un des pays les plus endettés du monde.

Comme on l’a vu, le niveau d’endettement global s’est accentué. Avec la récession économique, l’appauvrissement généralisé des populations et des travailleurs, bien de ces créances ne pourront être remboursées, réduisant à néant la valeur des titres détenus par les investisseurs financiers. La multitude de véhicules financiers par lesquels ils ont cru pouvoir démultiplier leur racket perdront toute valeur par la même occasion, transmettant l’effondrement à l’ensemble du système financier, pour en fin de compte se répercuter dans le domaine de la production des biens et des services, avec des conséquences sociales dramatiques.

Faux échec de l’économie planifiée, vraie faillite de l’économie de marché

Un peu plus d’un quart de siècle après la chute de l’URSS, l’économie de marché, que l’on nous présentait alors comme l’avenir naturel de l’Humanité, ne se survit qu’au prix d’une régression économique et sociale continue, nous conduisant inexorablement à la catastrophe.

Le fait que le capitalisme ait atteint ses frontières ne disqualifie pas seulement les politiques néolibérales mais aussi toutes les politiques qui prétendent pouvoir mettre fin à la crise sans remettre en cause ce qui en fait le fondement, des rapports sociaux basés sur le salariat, dans un monde régi par la propriété privée des moyens de production et d’échange, l’économie de marché.

Toutes les exigences sociales et démocratiques, les aspirations à la liberté et au bien-être, à l’égalité, sont foulées au pied par ce système, tous les acquis des luttes passées remis en cause.

Il y a 170 ans, Marx et Engels écrivaient dans le Manifeste : « L’ouvrier moderne […], loin de s’élever avec le progrès de l’industrie, descend toujours plus bas, au-dessous même des conditions de vie de sa propre classe. Le travailleur devient un pauvre, et le paupérisme s’accroît plus rapidement encore que la population et la richesse. Il est donc manifeste que la bourgeoisie est incapable de remplir plus longtemps son rôle de classe dirigeante et d’imposer à la société, comme loi régulatrice, les conditions d’existence de sa classe. Elle ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu’elle est obligée de le laisser déchoir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui. La société ne peut plus vivre sous sa domination, ce qui revient à dire que l’existence de la bourgeoisie n’est plus compatible avec celle de la société ».

Il n’y a pas d’autre issue que d’en finir avec la domination des classes capitalistes, en finir avec ses bases juridiques, la propriété privée des moyens de production et d’échange, avec l’économie de marché à travers laquelle se décide, dans le système capitaliste, ce qui sera produit ou pas, en fonction des profits escomptés et au mépris des besoins réels.

Daniel Minvielle

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