L’offensive réactionnaire engagée par la gauche comme par la droite et l’extrême droite est amplifiée par la campagne pour la présidentielle jusqu’à devenir une ridicule parodie haineuse qui, certes, pèse lourdement sur l’opinion mais semble développer sa propre logique dans un monde bien loin de celui des classes populaires, celui des dites « élites » politiciennes aveuglées par leurs propres discours alimentés par leurs rivalités et leur peur du mécontentement qui sourd de partout.

Ils sentent bien qu’ils n’ont plus prise et ils s’accrochent de plus en plus à leur État, ou plutôt celui des classes dirigeantes, à sa police objet de toutes leurs sollicitudes dans leur empressement à confondre les voyous avec les classes populaires comme le démontrent leurs discours à propos de l’attaque de policiers à Viry-Châtillon.

Ce déferlement est alimenté aussi par le drame des migrants victimes de leurs politiques, de leurs guerres et cependant désignés à la vindicte populaire. Mais là encore, le monde du travail ne semble pas se laisser instrumentaliser aussi facilement que ces manipulateurs d’opinion pouvaient l’espérer.

Et c’est surtout sur le plan social que la colère trouve les moyens de se faire entendre malgré le bruit assourdissant des médias.

La journée du 15 septembre a permis de démontrer que pour bien des militantEs que le mouvement n’avait pas dit son dernier mot. Maintenant, il trouve sa suite dans des dizaines de conflits locaux, en particulier contre les licenciements. Il s’exprime aussi à travers la mobilisation contre l’aéroport de Notre Dame Des Landes qui provoque doutes et divisions au sein de l’exécutif. L’impulsion qu’il a donnée n’a pas épuisé ses possibilités.

Saisir les occasions

Dans ce contexte, l’initiative de la CGT Goodyear des 19 et 20 octobre, à Amiens, en solidarité face à la répression, prend un sens plus large que la mobilisation pour la relaxe, celui d’un moment de convergence qui s’inscrit à la fois dans la continuité du mouvement et dans les luttes en cours.

C’est un point d’appui pour conforter les évolutions politiques qui se sont affirmées au printemps sans encore avoir trouvé la force de converger, de surmonter les divisions, les routines d’appareils.

Cette force, c’est une conscience et une confiance politiques communes, la conscience qu’il n’y a pas de compromis possible entre les exigences du capital et celles du travail, qu’il n’y a pas d’issue autre que l’affrontement.

Elle se forge à travers les luttes et conflits mais aussi tous les jours en faisant de la politique en discutant avec ses collègues, dans son syndicat, avec ses proches, de la politique des patrons, de l’État et du gouvernement, de leurs prétendues réponses à toutes les grandes questions sociales auxquelles sont confrontés les salariés, les classes populaires, les jeunes. Ces réponses n’obéissent qu’à une seule logique, la défense de leurs intérêts de classe en fonction du rapport de force.

Des revendications, une démarche qui rassemblent

L’annonce par Alsthom de la fermeture de son usine ferroviaire de Belfort est intervenue de façon brutale, provocatrice comme le symbole de cette politique. Alsthom a largement de quoi garantir tous les emplois. En 2014, l’entreprise a vendu sa branche énergie à General Electric, et les actionnaires, à commencer par Bouygues, ont récupéré 3,2 milliards d’euros. Elle a fait au total 6 milliards d’euros de profits en dix ans. Même si, du point de vue capitaliste, elle est soumise à une concurrence acharnée, elle a un carnet de commandes de 30 milliards d’euros et se vantait récemment d’avoir décroché d’énormes contrats aux États-Unis et en Inde.

Devant la colère et la mobilisation, au final, le gouvernement a annoncé un plan de commande de 21 rames de TGV pour tenter de maintenir la production. C’est la mobilisation des salariés et de la population de Belfort qui a forcé le gouvernement et la direction d’Alsthom à changer leur plan et il n’y a pas d’autre garantie pour l’avenir que le rapport de force, non seulement face à Alsthom mais, plus globalement, face au patronat et à ’État.

Alsthom en est une démonstration, les politiques gouvernementales contre le chômage ne sont qu’un prétexte pour distribuer de l’argent aux actionnaires. Elle a bénéficié d’aides généreuses (CICE, Crédit impôt recherche) et de baisses de charges. Tous ces cadeaux ont été faits sans aucune contrepartie de la part des actionnaires, qui restent libres de licencier comme ils l’entendent. Voilà ce que Valls appelle « l’État stratège » !

Inverser la courbe du rapport de force

La seule chose qui puisse inverser la courbe du chômage, c’est d’inverser la courbe du rapport de force. Cela suppose que les salariés se convainquent eux-mêmes qu’ils n’ont rien à attendre de tous les boniments politiciens pour se donner les moyens de reprendre l’offensive.

Les Dupont-Aignan ou Montebourg embouchent les trompettes du « patriotisme économique ».  Mais le « produire français » est un leurre tout comme prétendre que l’on peut s’extraire du marché mondial. Tout comme les nationalisations préconisées par Le Pen ou Mélenchon. A quelles conditions ? Les capitalistes ne sont pas opposés aux nationalisations grassement indemnisées, comme la gauche en fit beaucoup au début des années Mitterrand. L’État modernise, investit, restructure, puis privatise des firmes de nouveau profitables. Tout bénéf pour les capitalistes !

La nationalisation ou plutôt la réquisition doit se faire sans indemnité ni rachat, et sous le contrôle des salariés. Mais cela suppose un tout autre rapport de force.

Les fermetures d’usine, les licenciements, le chômage et la précarité n’obéissent à aucune nécessité dite économique autre que celle du capitalisme. Ils sont le résultat des choix et de la logique d’une politique de   classe d’une minorité qui cherche à concentrer toujours plus de richesses entre ses mains au détriment du plus grand nombre. 

Indépendance et solidarité de classe

La propagande, la bataille idéologique du patronat reliée à grands moyens par les politiciens à leur service et les médias dont ils sont propriétaires visent à masquer cette évidence quotidienne, en vantant le patriotisme, le chauvinisme et leurs inévitables corollaires, la xénophobie et le racisme.

Le Pen, Valls ou Sarkozy spéculent sur la peur des étrangers, qui seraient en concurrence avec les travailleurs d’ici pour les emplois ou les logements. Mais le chômage de six millions de personnes et la précarité n’ont pas attendu les migrants et n’ont rien à voir avec eux !

Les réfugiés ne sont pas responsables de la crise économique ou du déficit de l’État. Quand le gouvernement impose la loi travail pour servir les patrons, quand Alsthom veut fermer une usine et ruiner des vies pour accroître ses profits, qu’ont donc à voir les réfugiés ?

Bien au contraire, ils sont les victimes des répercussions internationales de cette même logique qui combine le libéralisme avec les pratiques impérialistes qui s’inscrivent au niveau des relations entre les nations dans une concurrence mondialisée exacerbée.

Ils appartiennent à notre classe, celle des exploités et des opprimés.

Une lutte globale, politique

La lutte pour imposer les exigences du monde du travail ne peut se limiter au terrain syndical, social, c’est une lutte politique et cela d’un double point de vue. D’abord parce qu’elle s’affronte non seulement aux multinationales et au patronat mais aussi à leur État et ensuite parce que, au final, le rapport de force est une question politique qui dépend du niveau de conscience du plus grand nombre. 

Voilà pourquoi cette lutte se mène aussi sur le terrain électoral sans la moindre illusion sur les institutions bourgeoises mais en pleine conscience que le rapport de force se construit aussi sur ce terrain-là, y compris par le bulletin de vote.

La mobilisation contre la loi El Khomri n’a pas réussi à faire reculer le gouvernement PS-MEDEF mais elle a contribué à changer le rapport de force en provoquant ou en accélérant des prises de conscience au sein du monde du travail grâce aux jeunes, aux travailleurs conscients et combatifs qui se sont mobilisés. C’est en cela qu’elle marque un tournant important du moins si, avec celles et ceux qui en ont été les actrices et les acteurs, nous réussissons à aller plus loin pour avancer vers la construction d’un parti des travailleurs.

La convergence des luttes, ce sera la convergence de ces évolutions et prises de conscience.

Yvan Lemaitre

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