Confirmés à l’issue des primaires du Super Tuesday, mardi 12 mars, sans surprise, Biden et Trump seront respectivement les candidats des machines électorales démocrate et républicaine pour la présidentielle de novembre 2024 aux USA. Le sortant, âgé de 81 ans, manifeste une fragilité et une certaine confusion dans les propos, le milliardaire, ex-président postulant à un nouveau mandat, est sous le coup de quatre procédures judiciaires, d’une amende de 454 millions de dollars sans oublier les accusations concernant sa responsabilité dans le coup de force du 6 janvier 2020 contestant la légitimité de l’élection de Biden. Un agité fantasque, brutal, aux propos et aux actes violents cherche sa revanche, sa vengeance en flattant tous les préjugés réactionnaires contre un vieux politicien sur le retour à l’intelligence déficiente…

Ils sont l’un et l’autre le produit du capitalisme américain décadent et des institutions bureaucratiques et corrompues qui encadrent la société au mépris des droits des classes populaires.

Le capitalisme de Musk n’a que faire des droits humains, du respect de la démocratie et des minorités que le capitalisme a toujours bafoués. Son absurde et folle logique d’accumulation de richesses sélectionne pour le servir des déséquilibrés qui intègrent leur idéologie libertarienne, la liberté d’une minorité parasite d’exploiter la collectivité.

Obama, élu en 2008, est le dernier Président qui a pu susciter aux USA et dans le monde des espoirs et des illusions qui n’ont pas résisté à sa politique, continuité de celle de Bush. Obama a accompagné la grande récession de 2008 pour organiser le sauvetage du système financier contre la population. Loin de résoudre la crise cette politique en a préparé la nouvelle étape, la stagflation, l’aggravation de la dette, l’exacerbation de la concurrence, le militarisme, engageant avec les guerres d’Ukraine et d’Israël le monde dans une dangereuse escalade militaire dont Biden a été le maître d’œuvre.

Les illusions ont cédé la place aux déceptions, aux rancœurs voire aux haines qui se retournent contre Biden et dont Trump se veut le porte-parole. Quel que soit le président que la machine dite démocratique américaine sélectionnera au final, il sera bien incapable d’apporter des réponses à la faillite du capitalisme. Et si Wall Street et le Pentagone, l’administration américaine garderont la main sur celui qui sera en position de maintenir l’ordre de l’oligarchie financière, il est certain qu’ils ont perdu le contrôle de leur propre système. Seul le monde du travail est en mesure d’instaurer un ordre progressiste non seulement au sein de la première puissance capitaliste mais dans le monde que cette dernière entraîne dans le chaos.

Biden, le plus court chemin vers Trump malgré... Taylor Swift

Biden avait commencé sa présidence, il y a trois ans, par un appel à l’unité pour défendre l’Amérique, « América is back » appelait à l’unité « Make América great again » !  Deux partis pour une même politique mais des intérêts d’appareils corrompus opposés et des clientèles électorales différentes. Et l’hypocrisie de l’unité a ouvert la route au coup de force du 6 janvier...

Dans son discours sur l’état de l’Union, la veille du Super Tuesday, Biden s’est présenté comme le défenseur de la démocratie, des droits sociaux et du droit à l’avortement, de la liberté dans le monde contre Poutine. « La liberté et la démocratie sont attaquées, simultanément chez nous et à l’étranger. À l’étranger, la Russie de Poutine est en marche, envahissant l’Ukraine et semant le chaos en Europe et au-delà… L’Ukraine peut arrêter Poutine si nous la soutenons et lui fournissons les armes dont elle a besoin pour se défendre… Mais aujourd’hui, l’aide à l’Ukraine est bloquée par ceux qui veulent que nous abandonnions notre rôle dans le monde ! ». 

Biden place la guerre d’Ukraine au centre de sa politique America is back et de sa campagne électorale. L’argument manque de crédibilité d’autant que le soutien sans réserve de Biden à la guerre génocidaire d’Israël est d’autant plus impopulaire qu’il s’accompagne de propos hypocrites et cyniques sur l’aide humanitaire et un cessez-le-feu que, maintenant, les USA font semblant de vouloir imposer à Israël !

Les classes populaires, la jeunesse rejettent cette politique belliciste comme le montre le mouvement de soutien aux Palestiniens, rejet que Trump tente de récupérer en flattant l’isolationnisme.

Biden mène campagne en se présentant comme un rempart contre Trump au nom de la démocratie et des droits des femmes. « Clairement, ceux qui se félicitent d’avoir renversé Roe vs Wade [l’arrêt qui, depuis 1973, accordait aux Américaines le droit d’avorter sur tout le territoire] n’ont aucune idée du pouvoir des femmes en Amérique. Mais ils l’ont découvert lorsque la liberté reproductive se trouvait sur le bulletin de vote et a gagné en 2022, en 2023, et ils le découvriront à nouveau en 2024. » Ces proclamations démocratiques comme les déclarations d’intention en matière de politique sociale sont discréditées, malgré le soutien de la très populaire Taylor Swift, par son bilan. Les 50 % les plus pauvres de la population possèdent 1,5 % de la richesse du pays et 13 % des revenus alors que la part de la richesse détenue par les 1 % les plus riches est 23 fois plus élevée que la part détenue par les 50 % les plus pauvres ! En 1968, les 20 % des ménages américains les plus riches représentaient 43 % des revenus, en 2018, ils en ont retiré 52 %, soit plus que les 80 % les plus pauvres qui n’ont obtenu qu’une part de 48 %. Cette explosion des inégalités s’inscrit au bilan de Biden.

La même surenchère nationaliste et xénophobe contre les migrants

Dans son projet budgétaire pour 2025, Biden a proposé une augmentation de 4,7 milliards de dollars pour renforcer les frontières avec le Mexique afin d’embaucher plusieurs milliers d’agents de répression, de maintenir ouverts 34 000 lits en centres de rétention, et de continuer de détenir et de trier les enfants immigrés. La proposition a été bloquée par les Républicains qui l’avaient négociée eux-mêmes avec les Démocrates, après qu’ils ont exigé la fermeture de la frontière comme condition pour approuver l’aide financière à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan. Des marchandages entre brigands qui sur le fond sont d’accord comme ils l’ont montré en parvenant, au final, à un accord !

Sans réponse face à l’explosion des inégalités, à la dégradation des conditions de vie, des services publics, à l’épidémie d’opioïdes, aux violences et fusillades quotidiennes qu’ont engendrées leur politique, Biden et Trump rivalisent de démagogie anti-immigrés flattant les préjugés et les peurs, deux campagnes portées par une même surenchère xénophobe et sécuritaire pour dévoyer la colère des classes populaires.

Au-delà de la démagogie, des politiques soumises à Wall-Street et à l’oligarchie financière

Plus personne ne croit réellement aux promesses démagogiques de Biden d’engager une politique sociale qui serait financée par des augmentations d’impôts sur les riches, des promesses déjà faites et non tenues et qui ne seront pas plus tenues dans l’avenir. Bien au contraire, ces promesses sont l’expression d’un cynisme révoltant alors que l’essentiel de la politique de Biden a été de subventionner les multinationales, l’industrie et la finance qui poursuivent des spéculations insensées et absurdes et d’injecter des milliards dans les guerres en Ukraine, au Moyen-Orient et, à plus long terme, contre la Chine et en Asie. Trump élu ne changerait rien à ce niveau-là. Ne vient-il pas de déclarer que ses récentes menaces contre les pays européens de l’Otan qui avaient suscité tant de commentaires alarmistes n’étaient qu’une « manière de négocier ». 

Le budget du Pentagone atteint un montant record de 850 milliards de dollars pour 2025 soit une augmentation de 4,1 % par rapport à 2024. Les dépenses militaires totales des États-Unis dépasseront les 1000 milliards de dollars.

L’offensive contre les travailleurs et les classes populaires, les subventions au capital et le militarisme sont une seule et même politique, répondant à la défense des intérêts de classe des capitalistes américains face à la concurrence mondialisée.

La décomposition économique, sociale et politique de la première puissance mondiale menace l’avenir de la planète

La possible et probable élection de Trump suscite une inquiétude alarmiste tant chacun a conscience que la puissance économique, monétaire et militaire des USA fait de l’élection présidentielle un enjeu pour l’ensemble de la planète. Dépassés par les conséquences de la mondialisation capitaliste dont ils ont été eux-mêmes la force motrice, les USA sont aujourd’hui incapables d’assurer l’ordre mondial, d’assumer leur rôle de gendarme du monde et deviennent, en retour, son principal facteur d’instabilité, fauteurs de crise et de guerre. A défaut d’être en mesure de jouer les gendarmes du monde, leur puissance inégalée et les alliances qu’elle leur permet leur donnent les moyens de perpétuer leur hégémonie dépassée en accentuant les tensions et les conflits internationaux.

La guerre commerciale mondiale réduit la croissance et augmente l’inflation du fait des mesures protectionnistes, de la balkanisation des chaînes d’approvisionnement, de la contestation aussi du dollar. L’exacerbation de la concurrence mondialisée se retrouve dans l’exacerbation de la lutte de classe et réciproquement.

La menace résulte des contradictions qui minent la citadelle du capitalisme mondial auxquelles les classes dominantes n’ont d’autre réponse que la fuite en avant dans la guerre sociale, la guerre commerciale et militaire dans lesquelles elles ont entraîné l’humanité.

Trump, fourrier d’un fascisme américain ?

L’élection de 2024 commence là où celle de 2020 s’est arrêtée, la légitimité du vote étant par avance remise en question ainsi que la légitimité de la candidature de Trump. La machine démocratique du capitalisme américain se remet en cause elle-même sans avoir de réponse à sa crise. Elle n’est plus à même de contenir les tensions sociales et politiques qui s’exacerbent, dont la source n’est pas la personnalité de Trump mais des processus sociaux et historiques bien plus profonds.

L’ensemble de l’institution est gangrené de l’intérieur par les Républicains. Des shérifs, qui sont des élus, vantent la résistance contre le pouvoir fédéral, des milices s’entraînent et s’arment, des doctrines défendant une liberté messianique de la loi du plus fort se répandent sur Internet, dans des émissions de radio, sur les chaînes de télévision câblées ou par la bouche de propagandistes qui haranguent les badauds dans les galeries marchandes.

L’ultra-droite fascisante est le point de convergences de fantasmes complotistes, pouvoir blanc, identité chrétienne, inviolabilité du Deuxième Amendement (le droit de posséder et de porter des armes), refus de l’impôt...

La guerre exacerbe les tensions sociales intérieures, car la classe dirigeante cherche à imposer aux classes populaires le coût des budgets militaires record. La logique du militarisme conduit à la militarisation du pays, un pouvoir fascisant qui pourrait se forger au sein même du congrès dans le cadre institutionnel.

Le parti du travail contre les partis du capital

Il n’y a pas de réponse au sein de ces institutions corrompues. La réponse est entre les mains de la classe ouvrière et des opprimés, des femmes, des minorités, de la jeunesse qui se détournent de la farce électorale et ont besoin de rompre avec le Parti démocrate pour construire leur propre parti. Chaque moment passé à soutenir un « moindre mal » qui s’attaquera tout de même à la population est un moment perdu pour la construction de l’alternative qui trouve sa propre base sociale dans la nouvelle combativité et une conscience de classe croissante au sein du monde du travail.

C’est elle qui a ouvert la voie à la grève des travailleurs de l’automobile, un mouvement inédit de la classe ouvrière américaine qui a attiré à elle un large mouvement de sympathie au sein de toute la population et aussi à l’échelle internationale, un large soutien à l’UAW contre les Big Three. Cette sympathie allait aux déclarations radicales de son nouveau leader, Shawn Fain, malgré sa compromission avec Biden : « les travailleurs font tourner cette économie, et nous, les travailleurs, avons le pouvoir de bloquer cette économie si elle ne fonctionne pas pour la classe ouvrière ».

Ce pouvoir est un pouvoir politique, le pouvoir de changer la société, d’en finir avec la domination des Big Three et de leurs amis de Wall-Street. Il ne peut s’exercer qu’en pleine indépendance des partis institutionnels, des Démocrates.

De la vague de grèves des enseignants qui a commencé en 2018, au soulèvement de 2020 contre les violences policières, en passant par l’explosion de nouvelles mobilisations syndicales après la pandémie, et les grèves massives de 2023 (qui ont inclus près de 200 000 acteurs et écrivains), la classe ouvrière américaine reconstruit lentement la combativité qu’elle a perdue face à l’offensive réactionnaire des quatre dernières décennies.

Elle prend conscience à quel point la crise intérieure qui secoue le capitalisme américain et sa politique étrangère de plus en plus belliciste sont les deux faces d’une politique des classes dominantes prêtes à tout pour préserver leurs privilèges, leur domination et leur hégémonie mondiale.

Yvan Lemaitre

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