Le 11 septembre 1973, sous le commandement du général Pinochet, l’armée chilienne bombardait le palais présidentiel, La Moneda, renversant le gouvernement d’Allende qui y trouva la mort, pour déchaîner la terreur dans le pays contre les militants de l’Unité populaire, la classe ouvrière, la paysannerie pauvre.

La junte de Pinochet, avec l’appui des USA et de la CIA, interdit tous les partis politiques de gauche et les syndicats en instaurant la dictature durant 17 ans.

La commémoration de cette tragédie cinquante ans après, se voulait sous le signe de la « paix » et de « la réconciliation », c’est à dire de l’ordre : 3000 carabiniers, 411 hélicos et drones ont été déployés à Santiago.

C’est bien cette paix et cette réconciliation que défend le Président de gauche Boric. Il recevait le 30 août au palais présidentiel Sébastián Piñera, ex Président de droite millionnaire impliqué dans le scandale des Panama Papers, bourreau de la révolte de 2019, pour signer avec lui et d’autres anciens Présidents de droite et de gauche Frei, Lagos et Bachelet, une déclaration de « compromis démocratique et de respect des Droits Humains ». Avec le soutien de sa Ministre ex dirigeante étudiante puis députée du PC Camila Vallejo parlant de « l’objectif de construire des consensus civilisationnels » avec une droite dont certains membres nient la répression de la dictature.

Cette réconciliation se fait sur les cadavres des 3000 assassinés et disparus, des atteintes aux 31 000 victimes torturées et au million d’exilés de la dictature.

La paix dont ils parlent est inconnue des territoires du Nord sous couvre-feu contre les migrants et de la région du Sud des Mapuche sous occupation militaire encore actuellement, en lutte contre les multinationales et l’État chilien pour leur terre et des droits démocratiques élémentaires.

C’est une paix sociale obtenue contre les travailleurs, les classes populaires, aussi sur le dos des jeunes qui s’en sont pris le 10 septembre à des membres de partis de gauche qui, avec Boric, avaient pris la tête d’une manifestation de familles de disparus, puis aux vitres du Palais présidentiel et à la tombe de l’auteur de la Constitution de Pinochet. Ce même 10 septembre, le Président annonçait un plan en faveur de la recherche des disparus de la dictature depuis 50 ans tandis que sa police refoulait une manifestation de familles de disparus contre l’impunité des militaires et quelques jours avant, en gazait une autre des sans toit contre la loi anti-squats du gouvernement.

La politique de la gauche se retourne une fois encore contre le monde du travail. La séquence née en 2019 de la plus grande et profonde révolte populaire et de la jeunesse que le pays ait connue depuis le coup d’Etat, débouche sur une montée électorale de l’extrême droite, avec à sa tête des nostalgiques de Pinochet comme Kast.

Les veilles formules de l’Unité populaire comme « la voie pacifique vers le socialisme » du « peuple uni ne sera jamais vaincu » ne sont plus que des fantômes d’un passé tragique, illustration de la faillite des vieux partis, du PS et du PC, de leur reniements et capitulations.

Ces vieilles recettes de la gauche sont vidées de tout contenu au regard de l’expérience qu’ont faite les masses de formes de lutte et d’organisation nouvelles marquées par l’exigence d’une démocratie directe, vivante et entière.

Les 50 années écoulées ont tourné la page des années 60 et 70 qui vit, à travers le monde, l’essor des luttes et des révoltes de libération des peuples opprimés dont Mao ou Castro et le Che étaient les symboles, héros inspirant les militants du MIR (Mouvement de la Gauche Révolutionnaire), cette gauche de l’Unité populaire (coalition de partis de gauche dont le PS, le PC, le MAPU…) qui ne sut ni ne put offrir une perspective à la mobilisation de la classe ouvrière en rupture avec l’impasse de la gauche institutionnelle.

Aujourd’hui, une nouvelle période de la lutte de classe s’ouvre après 5 décennies d’offensive libérale à travers le monde à laquelle la vieille gauche institutionnelle s’est intégrée.

Au Chili comme partout dans le monde, une nouvelle génération militante émerge, émancipée de la tutelle de ces courants faillis. Elle a besoin d’assimiler l’expérience du processus révolutionnaire des années 1970-1973 ainsi que celle du processus soi-disant constituant suite à la rébellion de 2019 pour penser une politique de classe indépendante pour ses combats.

Un coup d’État tragique annoncé, pas une défaite inévitable

Lors de son élection le 4 septembre 1970, Allende, médecin co-fondateur d’un PS au discours qui se voulait marxiste anti-impérialiste, plusieurs fois député, sénateur puis ministre d’un gouvernement de Front populaire et candidat à des présidentielles depuis 1937, était porteur des espoirs de millions de travailleurs, paysans, habitants des bidonvilles et jeunes avides de transformer la société, d’une vraie réforme agraire. Son élection était l’aboutissement d’une profonde mobilisation et des luttes du monde du travail et des paysans pauvres depuis la fin des années 60.

Mais élu avec l’appui de la Démocratie Chrétienne, pilier de l’ordre capitaliste et de la vie parlementaire chilienne avec qui il avait fait accord, Allende et son gouvernement d’Unité populaire étaient prisonniers des institutions bourgeoises et des manœuvres parlementaires, incapables de s’appuyer sur la classe ouvrière pour faire face à l’hostilité des milieux industriels et bancaires, des multinationales et des USA.

Ces milieux industriels et militaires voulaient en finir au plus vite avec la dynamique révolutionnaire encouragée par les illusions portées par l’élection d’Allende, et qui s’exprimaient dans les rues et les usines dont de nombreuses furent prises en main directement par les ouvriers ou en partie contrôlées par le biais d’une Aire Sociale instaurée par le régime sous leur pression. Ils voulaient stopper l’organisation des travailleurs, des quartiers pauvres et des campagnes où des militants surtout du PS et d’extrême gauche mais aussi des chrétiens de gauche, paraient aux accaparements de marchandises par les opposants au régime, essayaient de faire face à l’inflation et au blocus des Etats-Unis de Nixon dont les multinationales du cuivre se voyaient nationalisées, même si largement indemnisées.

Soucieux de canaliser la mobilisation dans le cadre de l’ordre capitaliste, le gouvernement la désarma sans hésiter à recourir à la répression y compris militaire avec plusieurs couvre-feux.

Mais rien n’a arrêté la lutte des classes. Les grèves et occupations d’ateliers, d’usines dont on exigeait qu’elles rejoignent le secteur public et l’Aire sociale se multipliaient.

Le mouvement s’est même approfondi avec la création en 1972 de cordons industriels à l’initiative de travailleurs, de militants de gauche, d’extrême gauche, de chrétiens de gauche dans des zones ouvrières, pour contrôler la production et répondre aux besoins populaires par branches puis par territoires, en lien parfois avec des paysans.

Le MIR a créé aussi des commandos populaires pour aider à l’approvisionnement des bidonvilles, et fait de la propagande pour la désobéissance des soldats. Mais il est resté prisonnier de son soutien critique au gouvernement même quand il cherchera à organiser des formes de résistance armée.

En 1973, une partie de la petite bourgeoisie enragée, la bourgeoisie, la droite et l’aile droite de la Démocratie Chrétienne ont opté pour le coup d’Etat militaire que les Etats-Unis souhaitaient depuis le début, craignant le développement de nouveaux Cuba et Vietnam dans leur chasse gardée d’Amérique latine.

Une première tentative en juin fut déjouée par l’armée restée fidèle à Allende avec à sa tête le général Prats. Allende tenta de s’appuyer sur les militaires « loyalistes » en les faisant entrer plusieurs fois au gouvernement.

Il n’a pas opposé son veto à une loi de la droite au Parlement interdisant en octobre 1972 à la population et aux soldats de s’armer ou de s’organiser contre leur hiérarchie. Mais alors que les commandos d’extrême droite de Patrie et Liberté paradaient armés dans les rues, les gendarmes et militaires s’en prenaient aux bidonvilles et aux militants du MIR.

Des marins de Valparaíso furent mis aux arrêts par l’armée loyale à Allende et sauvagement torturés pour avoir dénoncé une tentative de putsch de leurs chefs. Face à l’imminence du coup d’Etat avec l’aide de la CIA, Prats a démissionné, remplacé par le général Pinochet jugé loyal ! Allende, aveuglé par son respect de l’ordre et sa crainte des masses, intronisait lui-même à la tête de l’armée celui qui sera le chef du coup d’État.

Les cordons ont exigé des armes du gouvernement par le biais de militants du PS et du MIR, qui ne leur sont jamais parvenues.

Les soldats même rebelles n’ont eu d’autre choix que de suivre leur hiérarchie assoiffée de vengeance contre la population soulevée.

La classe ouvrière n’a pas eu de politique pour faire des cordons des organes de double pouvoir armant la population en toute indépendance de la gauche au pouvoir. L’armée a été aidée par une petite bourgeoisie précipitée dans les bras de l’ordre par la servilité du gouvernement Allende vis-à-vis du grand capital.

La classe ouvrière désarmée, la voie était libre pour le coup d’Etat. Le 11 septembre 1973 au matin, un quart de l’armée s’est soulevé avec la junte de Pinochet. Les carabiniers n’en faisaient pas partie, qui finiront par basculer dans la répression féroce de l’Unité populaire et de toute liberté.

Jusqu’à son dernier souffle sous les décombres de la Moneda bombardée, Allende a appelé la population au calme et au respect de l’ordre républicain.

De la dictature du libéralisme et des Chicago Boys à la Constitution de 1980 puis à la chute de Pinochet en 1989

La dictature imposera les mesures que voulaient la bourgeoisie chilienne et les multinationales américaines avides de profits dans un monde de plus en plus concurrentiel, sous la houlette des Chicago Boys américains : retraite par capitalisation, privatisation de la santé et de l’éducation avec développement de l’endettement étudiant… C’est au prix de cette exploitation sauvage que le Chili deviendra un « jaguar » émergent jusqu’à ce que cette politique devienne une catastrophe sociale et économique.

Elle contribua à l’usure de la dictature alors que le discrédit de la répression et les crimes des forces de police et de l’armée entachant beaucoup trop l’image du pays, ont contraint Pinochet à organiser un plébiscite en sa faveur en 1978, avec une loi d’amnistie pour les militaires.

Par la suite, le mouvement ouvrier décapité, ce sont des pobladores (habitants des bidonvilles), des jeunes et des mères de disparus qui continueront une lutte constante mais clandestine qui éclatera lors de révoltes entre 1983 et 1986. Elles conduiront au plébiscite de 1988 qui, avec la victoire du Non à Pinochet, aboutira à sa mise en retrait et à l’avènement des gouvernements dits de la Concertation ou de la Transition démocratique dès 1989.

« La transition démocratique », 30 ans de concertation, de continuité du régime de Pinochet

Pour ne pas altérer l’ordre institutionnel, les partis du Non ont signé un pacte au sommet entre partis de pouvoir pour assurer le passage de la dictature à la démocratie, c’est à dire assurer la continué de l’ordre social et économique établi par la dictature. La condition était de maintenir la Constitution de 1980 qui stipulait que l’État devait être au service du marché et l’armée préservée. Pinochet cédait le pouvoir à des gouvernements de « transition démocratique » en devenant Sénateur protégé à vie.

Se sont alors succédé les présidences de Patricio Aylwin de la Démocratie Chrétienne d’abord, ex-partisan de la dictature, sous lequel a été créée une Commission pour la Vérité, la Justice et la Réconciliation pour les disparus sans aucun membre des partis les plus réprimés mais avec des ex ministres de Pinochet. Puis de Ricardo Lagos, qui a fait quelques modifications à la marge de la Constitution, et de Michelle Bachelet, de centre-gauche et socialistes.

Tous ces partisans du Non à Pinochet sous le slogan « Chili, la joie revient » ont continué sa politique agressive contre les travailleurs, les jeunes et les Indigènes soumis à une loi antiterroriste. Aucune mesure imposée par Pinochet n’a été remise en cause.

Durant ces années où l’enseignement secondaire et supérieur s’est répandu, c’est la jeunesse scolarisée qui a engagé la première la lutte dans un pays devenu parmi les plus inégalitaires au monde avec 1 % de la population accaparant 33 % du PIB.

En 2006, sous la socialiste Bachelet puis en 2011 sous la droite de Piñera, elle a affronté la police en occupant lycées et facs publics et même privés pour une éducation pour tous, gratuite et de qualité. Elle s’est politisée et a faites siennes les revendications démocratiques des peuples indigènes spoliés et réprimés.

Durant ces 30 années s’est aussi développé et approfondi dans la jeunesse et les classes populaires le mouvement féministe et pour la diversité sexuelle qui convergera avec celui de Ni Una Menos en Argentine. Du mouvement des Centres de mères ayant survécu sous la dictature s’est dégagé un groupe de femmes autour du slogan « nous ne reviendrons pas à la normalité car la normalité est le problème ». Face à l’intégration des syndicats, elles s’organiseront sans eux inventant « 100 façons de faire la grève », en accumulant des forces durant des années.

En 2013, suite au viol d’une fillette de 11 ans légitimé par le Président de droite Piñera disant « qu’elle pouvait être mère », 10 000 personnes ont manifesté pour le droit à l’avortement libre et gratuit, contre les violences de genre. Puis, au-delà de l’égalité des sexes, dans la plus grande grève féministe jamais organisée, le 8 mars 2019, des milliers de femmes ont revendiqué « la socialisation radicale de la vie ». Ces luttes ont préparé la rébellion qui éclatera le 18 octobre 2019.

« Ce n’est pas contre 30 pesos mais contre 30 ans ! »

Ce jour-là, la rébellion déclenchée par des milliers de lycéens en resquillant le métro de Santiago en solidarité avec leurs aînés contraints de payer plus cher (30 pesos) leur ticket, s’est répandue comme une traînée de poudre dans tout le pays. Dans les bidonvilles, pour la première fois depuis la dictature, le couvre-feu ne fut plus respecté. Dans les manifs, une « première ligne » affrontera les gaz et les coups avec audace, violence et même une forme de joie, à coups de lumières laser aveuglant les policiers, avec des déguisements de personnages devenus familiers comme Tante Pikachu…

L’insurrection populaire de 2019 avec ce slogan, « ce n’est pas contre 30 pesos mais contre 30 ans », a marqué un tournant en exigeant dans la rue non seulement des revendications de tous les secteurs populaires dans tout le pays, mais la fin de la « concertation démocratique », du consensus par en haut avec le pouvoir économique, politique et militaire.

Il y en avait assez de la « dictature entrepreneuriale », du Chili heureux dans sa misère. Logiquement, le mouvement a revendiqué la fin des retraites par capitalisation, de la Sécu privatisée, une éducation gratuite et de qualité, l’avortement libre et gratuit, la fin de la Constitution de Pinochet et une Assemblée constituante…

La répression par les forces de l’ordre de la dictature toujours en place a été à la hauteur de la peur panique des classes dominantes, de leur haine des revendications populaires et de la jeunesse, de cette explosion de joie subversive. Il y a eu plus de 2000 arrestations dont beaucoup encore en prison aujourd’hui, au moins 200 mutilés, des viols totalement impunis…

D’une Constitution à l’autre, l’impasse institutionnelle

A la veille de l’entrée des travailleurs dans la lutte avec un appel de la CUT (la principale centrale syndicale) à la grève générale le 12 novembre, Boric, ex dirigeant étudiant issu de la mouvance du PC, s’est propulsé pour obtenir un compromis de la droite à la gauche. Cela a donné l’Accord pour la Paix sociale et la Constitution du 15 novembre 2019. Son premier objectif était la paix sociale en dévoyant la colère dans la rédaction d’une nouvelle Constitution.

Cet accord a vidé les manifestations des secteurs les plus proches des classes moyennes et des illusions électoralistes en canalisant la colère et l’énergie de la rue dans un processus constituant aux multiples étapes et autant de garde-fous contre la mobilisation populaire.

Il fallait un premier plébiscite pour dire si on était pour une nouvelle Constitution et si elle devait être rédigée par un nouvel organe élu, une Convention, ou par une émanation du Congrès. Le oui à la Convention l’a largement emporté en 2020.

Cela a donné lieu en 2021 à un processus constituant novateur durant plus d’un an car reflet de la rébellion, avec l’élection à la Convention d’une vingtaine d’anticapitalistes sur 56 représentants de partis non institutionnels, dont des militants des luttes sociales, écologistes, féministes, indigènes, une militante trotskiste, mais aucun syndicaliste.

Cependant, le processus était verrouillé depuis le départ. L’adoption d’un texte ne pouvait se faire qu’avec un quorum des 2/3 de la Convention. La Convention devait s’en remettre au Congrès dominé par la droite pour appliquer sa nouvelle Constitution, et pas avant la fin du mandat présidentiel en 2026 au prétexte que les traités internationaux ne pouvaient être remis en cause.

Les principales revendications populaires comme la nationalisation du cuivre ne sont pas passées, non à cause des votes de la droite mais de ceux de la gauche de la Concertation.

La politique de Boric, élu Président en janvier 2022 au second tour face à un néo nazi, José Antonio Kast, a écœuré par sa gestion loyale du capitalisme mondialisé.

Il n’a fait que de vagues promesses aux travailleurs, comme de passer de 45 à 40 heures mais annualisées et très peu payées. Par contre, il a édicté une loi surnommée « de gâchette facile » favorisant la répression, ainsi qu’une loi anti squats. Il a prolongé l’état d’urgence et la militarisation chez les Mapuche, en emprisonnant un de leurs dirigeants, ce que même Piñera n’avait osé faire.

La nouvelle Constitution rédigée par la Convention finira par être rejetée le 4 septembre 2022, en grande partie par désaveu de Boric dans les zones les plus pauvres et indigènes du Nord et du Sud.

Les élections de mai 2023 ont donné une majorité de droite extrême (23 constitutionnels sur 50) pour rédiger une nouvelle Constitution à voter en décembre. Voter pour une Constitution rédigée par la droite et les nostalgiques de la dictature ou garder celle de Pinochet-Lagos, produit de la dictature et de la Concertation, est une impasse pour le monde du travail et la jeunesse.

Des illusions sans espoir contre l’espoir des luttes, une nouvelle période et la nécessité d’une stratégie révolutionnaire

Les classes populaires chiliennes se sont constamment battues en accumulant des forces même à travers les défaites. Leurs luttes connaissent un renouveau face à l’impasse du capitalisme prédateur et destructeur dont l’offensive commencée sous la dictature de Pinochet, se poursuit et s’aggrave sous le masque de la gestion démocratique.

Les réformistes des partis traditionnels comme des nouvelles moutures de gauche antisystème de la nouvelle période de capitalisme mondialisé tentent de faire revire les illusions qui ont laissé le champ libre à la dictature.

La nouvelle génération militante ne s’y reconnaît pas. Comme l’a écrit un syndicaliste étudiant : « Si vous ne nous représentez pas, ce n’est pas parce que nous ne croyons pas à la politique. Bien au contraire. C’est parce que nous forgeons, parmi des millions, notre propre direction politique ».

Ces militants, au Chili comme ici, ont besoin de tirer les leçons du passé, des luttes et des défaites, pour s’organiser de façon indépendante des anciennes directions faillies, des institutions et des illusions électorales, loin de tout patriotisme qui dévoie la lutte des classes dans l’illusion d’un meilleur État national, pour un combat internationaliste, sans frontières au Nord ni au Sud, pour l’unité de l’ensemble des exploités.

Elle forgera sa conscience en plongeant dans l’expérience de ces décennies de luttes acharnées pour les droits sociaux, démocratiques, en approfondissant la rupture avec les classes dominantes, leur domination et leurs dévoiements électoraux, en renforçant la démocratie de la base et de la lutte, l’unité de classe démocratique et révolutionnaire de la jeunesse et du monde du travail.

Elle aura besoin de faire siennes l’expérience et les leçons que le révolutionnaire Auguste Blanqui tirait de l’échec de l’insurrection des ouvriers parisiens en juin 1848, lorsque dans son discours du Toast de Londres il concluait : « Quel écueil menace la révolution de demain ? L’écueil où s’est brisée celle d’hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns… Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l’ont livré à la réaction. (…) Qui a du fer, a du pain. On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c’est l’avènement du socialisme… Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours. Que le peuple choisisse ! »1

Mónica Casanova

1 https://www.marxists.org/francais/blanqui/1851/blanqui_toast_londres.htm

 

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