La scission du NPA organisée par la fraction de la section française de la Quatrième Internationale en son sein constitue un recul pour l’ensemble du mouvement révolutionnaire. Le projet initié en 2008 d’œuvrer au rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires se conclut par une scission, en réalité une exclusion, de fait, des autres fractions et courants réunis au sein du NPA. Quelle imposture de la part de celles et ceux qui en sont les acteurs et prétendent à leur légitimité ! D’autant que le projet politique qui sous-tend cette opération vise à faciliter le rapprochement avec LFI et la NUPES pour militer à sa marge, voire en son sein, alors même que l’attelage hétéroclite que constituait ce rassemblement incertain d’un nouveau populisme de gauche est en train lui-même d’éclater.

Cette scission-exclusion a été mûrie depuis le congrès de février 2018 du NPA, mais aussi celui de la IV la même année qui décidait alors de recentrer son orientation sur l’orientation dite des partis larges, orientation à géométrie variable définie cependant par une constante, le suivisme vis-à-vis de différentes moutures de la gauche institutionnelle et le sectarisme vis-à-vis des courants révolutionnaires. La réaffirmation de cette orientation au bilan désastreux impliquait la rupture avec l’orientation du NPA.

Le processus pratique a commencé il y a plus de deux ans par la scission organisée par Philippe Poutou dans la fédération 33 suite à l’alliance électorale avec LFI pour les municipales, puis pour les élections régionales. Elle s’est poursuivie par l’exclusion-rupture des camarades de Révolution permanente et s’achève par la liquidation du NPA à son cinquième congrès qui a vu son ex-majorité une nouvelle fois sans majorité quitter le congrès pour proclamer sa rupture avec... son propre parti.

Ses porte-parole ou d’anciens dirigeants se sont répandus en propos hostiles contre les fractions, « les sectes », pour mieux justifier leur propre dissolution dans les marges de la gauche institutionnelle, leur incapacité à penser et mettre en œuvre, à même discuter, une stratégie en vue de la construction d’un parti des travailleurs qui en soit indépendant.

Certes, la division et l’éclatement du mouvement révolutionnaire constituent un obstacle sur ce chemin mais la scission ne fait que l’amplifier et voudrait liquider le projet du NPA de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires, projet inédit qui en fit sa force, son attrait et sa dynamique.

Continuer le NPA, le refonder

Nous regrettons que nos camarades de l’Etincelle et d’Anticapitalisme et Révolution, n’aient pas cherché à la suite du congrès de 2018 puis après les alliances électorales avec LFI, à construire une direction alternative pour refonder le NPA et aient refusé de travailler collectivement à un document programmatique à la place de principes fondateurs dépassés et de mettre en œuvre la motion portant sur ce point qu’ils avaient votée au CPN en juillet 2020. Nous ne partageons pas leur appréciation de la campagne présidentielle dont l’axe comme le candidat étaient clairement soumis à l’orientation pour « une gauche de combat ». Centrés sur leur propre construction, ils n’ont pas imaginé et voulu voir que la logique politique en œuvre préparait la scission annoncée. Puis ils ont pris argument de cette campagne « commune » pour tenter de convaincre les scissionnistes qu’il était possible de continuer ensemble en inventant le mythe du « tournant » des législatives avec l’appel au vote Nupes qui n’était, en réalité, que le prolongement et la mise en œuvre de l’orientation de ces derniers.

Nous sommes aujourd'hui engagés ensemble, après avoir refusé la rupture-scission-exclusion, dans la même volonté de maintenir, de continuer le NPA, ce qui veut dire faire vivre son projet de rassemblement des anticapitalistes et révolutionnaires et tirer les leçons des échecs pour le refonder.

Cette scission est d’autant plus inacceptable et révoltante que la situation de faillite du capitalisme financiarisé constitue une nouvelle période du développement des luttes de classes à l’échelle internationale.

Les classes dominantes, les États sont engagés dans une fuite en avant dont on ne connaît ni le rythme ni les accidents mais qui engendre une régression sociale globalisée qui ne peut avoir d’issue progressiste que par la révolte, le soulèvement, l’intervention des travailleurs et des peuples.

La guerre en Ukraine, la barbare et réactionnaire agression de Poutine et la guerre par procuration menée par les USA et leurs alliés, l’Otan, est un moment de ce chaos mondialisé qui se développe en conséquence de la concurrence et de la guerre pour les profits. Ses propres effets accroissent le désordre économique et politique, écologique. Les dettes explosent, l’inflation qui nourrit les profits sans accroître la production, loin d’être combattue par la hausse des taux d’intérêts, ne cesse de croître ainsi que la menace de krach financier.

Ainsi mûrissent les conditions objectives et subjectives d’une transformation révolutionnaire mondialisée pour substituer à la propriété privée une organisation planifiée, collective, socialiste, communiste de la production et des échanges.

La situation tant internationale que nationale est dominée par ce processus de révolution permanente à travers lequel le monde du travail, la jeunesse, les femmes, les migrant.es se mesurent à l’offensive réactionnaire des politiciens au service du capital.

Au centre des interrogations de celles et ceux qui aspirent à en être les acteurs se pose la question de savoir comment lui donner une pleine conscience de lui-même, c’est-à-dire la conscience de la nécessité d’arracher le pouvoir des mains de l’aristocratie financière pour construire un pouvoir démocratique et révolutionnaire de la population laborieuse.

Cette prise de conscience pose la question de la nécessité de construire l’instrument de la conquête du pouvoir face à l’appareil d’État de la bourgeoisie, un parti, instrument de l’émancipation des travailleur.es par eux-mêmes.

Le mouvement révolutionnaire face à sa propre histoire

L’état de division extrême du mouvement révolutionnaire que vient d’aggraver le mauvais coup de la scission du NPA alors que LO tenait son propre congrès à huis clos et que Révolution permanente tenait un congrès de fondation d’une nouvelle organisation, dans le même temps que la plupart des autres courants révolutionnaires se retrouvent dans ou à la remorque de LFI, souligne l’échec du mouvement trotskyste à répondre à la nouvelle période, à ses exigences et possibilités.

Il est vain de faire le compte des erreurs et occasions manquées. Cette situation renvoie à une histoire collective dont aucun courant ne peut se dédouaner. Tenter d’élaborer une réponse pour sortir de ce gâchis nous oblige à chercher à comprendre les mécanismes politiques qui ont conduit à une telle situation à la lumière de l’évolution historique du capitalisme, du mouvement ouvrier et de sa fraction révolutionnaire en particulier depuis le moment où l’histoire a basculé après l’effondrement de l’URSS avec l’intégration des pays libérés du joug colonial au marché capitaliste pour devenir les forces motrices du développement du capitalisme financiarisé mondialisé.

Après la restauration du capitalisme en URSS, le mouvement trotskyste, seul courant international révolutionnaire, s’est retrouvé d’une certaine façon sans boussole. L’effondrement de la bureaucratie née de la contre-révolution stalinienne, loin d’ouvrir la voie à la révolution politique, ouvrit la Russie au marché capitaliste. Les États issus des révolutions coloniales idéalisées par la plupart des courants trotskystes s’intégraient à la mondialisation capitaliste alors que les vieux partis issus de l’histoire du mouvement ouvrier totalement intégrés à l’ordre bourgeois, réformisme social-démocrate ou stalinien, s’effondraient tout en participant à l’offensive libérale et impérialiste des vieilles puissances capitalistes. Confronté à ces bouleversements en contradiction avec les repères historiques autour desquels il s’était construit, le mouvement trotskyste ne sut réaliser sa propre révolution culturelle pour se donner les moyens de se penser et d’agir en parti. Paradoxalement, alors que naissaient de la crise globalisée de nouvelles possibilités, son incapacité à réussir sa propre mue renforçait deux tendances paralysantes, le suivisme à l’égard des nouvelles moutures de la gauche ou le sectarisme alimentant les divisions.

Si Lutte ouvrière et l’UCI, son courant international, ont affirmé et construit un courant indépendant de la gauche institutionnelle et des courants nationalistes dirigeant les révolutions coloniales, elles n’ont cependant pas réussi à saisir les possibilités ouvertes par la nouvelle période alors que LO avait réussi à conquérir une large audience du fait de son indépendance vis-à-vis de la gauche de gouvernement dans les années 80 et 90. L’occasion manquée par LO et la LCR entre 1995, l’élection présidentielle et le mouvement de novembre-décembre, et 2004, dernier accord électoral entre LO et la Ligue, a lourdement hypothéqué la suite. Le NPA était une tentative de réponse à cet échec mais il était marqué d’une faiblesse congénitale puisque LO refusait de s‘y associer, même de participer aux discussions.

Notre courant, exclu de LO en 1997 pour y avoir posé la question du parti en termes nouveaux, a milité pour l’unité de LO et de la LCR tout en fusionnant avec cette dernière puis en participant à la majorité qui fonda le NPA. Nous avons pris nos responsabilités dans sa direction en militant pour que le compromis du congrès fondateur entre l’affirmation d’une stratégie révolutionnaire et l’orientation du parti large débouche sur un processus de construction d’un parti des travailleurs. La bataille politique pour empêcher les adeptes du parti large, militant·es pour la plupart de la IV, d’affaiblir puis de ruiner le processus au prix de plusieurs scissions jusqu’à l’ultime ne pouvait réussir qu’à condition que l’ensemble des courants révolutionnaires au sein du NPA en fassent une bataille collective qui impliquait leur propre dépassement.

Le long processus de décomposition se poursuit sans que la moindre recomposition à gauche tant espérée par la IV ne voie le jour, si ce n’est dans les éphémères tentatives du populisme de gauche, Syriza, Podemos, dans une moindre mesure LFI et la Nupes. Pas plus que n’a progressé l’unité des révolutionnaires, au contraire.

Pour une démocratie révolutionnaire permanente et vivante

Il nous faut collectivement dégager les enseignements de notre propre histoire, lucidement, sans bluff. Personne, aucun courant ne peut avoir la folle prétention de construire seul un parti des travailleurs, même d’en jeter les premières bases ou d’apporter seul un début de réponse à la balkanisation du mouvement révolutionnaire. Cela dépend des conditions objectives et subjectives inhérentes à la période bien plus que du volontarisme militant ou plus précisément le volontarisme militant n’a de force que s’il est armé d’une claire conscience de la période et des tâches. Cela signifie s’interdire toute fuite en avant volontariste et proclamatoire qui ne ferait que perpétuer les mécanismes politiques qui nourrissent la logique des divisions. La rompre exige une refondation démocratique du mouvement révolutionnaire.

Pour celles et ceux qui n’abdiquent pas, continuer le NPA, maintenir les cadres militants, les renforcer, se combine à un bilan afin de s’approprier une riche expérience dont l’échec renvoie à l’histoire même du mouvement trotskyste, toutes tendances confondues, pour travailler collectivement à refonder le NPA, élément d’une politique visant à contribuer à refonder le mouvement révolutionnaire. Cette refondation, à l’image de ce qui s’engage et, espérons-nous, se développera, au sein du NPA, est d’abord démocratique. Nous voulons y contribuer, dans ce sens nous nous définissons comme un courant « Pour une refondation démocratique du mouvement révolutionnaire ».

Formuler une politique pour rompre avec la logique de divisions stériles relève d’une pratique militante visant à construire de nouveaux rapports démocratiques non seulement entre militant·es, entre courants et tendances révolutionnaires, en premier lieu Lutte ouvrière et Révolution permanente, mais, aussi, et les deux sont indissociables, avec toutes celles et ceux que nous côtoyons dans nos activités, nos interventions, les luttes, dans nos syndicats ou associations, comme sur nos lieux de travail ou d’habitation.

Cela passe par la construction de relations de travail et de collaboration, de discussion, d’élaboration aussi, de cadres de militantisme ouverts, conditions pour que nous puissions avancer dans notre compréhension commune de la période et des tâches, contribuer à faire vivre les idées du socialisme et du communisme.

Le 8/01/2023

Le comité de rédaction de Démocratie révolutionnaire

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