« Face à ces hordes sauvages, demander le calme ne suffit plus, il faut l’imposer ! […] L’heure n’est pas à l’action syndicale mais au combat contre ces « nuisibles » […] Une fois [l’Etat de droit] rétabli, nous savons que nous revivrons cette chienlit que nous subissons depuis des décennies ». Dans leur communiqué fascisant du 30 juin, trois jours après le meurtre de Nahel, les syndicats majoritaires de la police, UNSA-police et Alliance, crachaient leur haine contre les jeunes qui se révoltaient. En utilisant le mot « chienlit » employé par De Gaulle contre la grève générale démarrée par les étudiants en Mai 1968, ils ont clairement montré que pour les tenants de l’ordre, du pouvoir, la révolte des jeunes des banlieues ouvrières et des quartiers populaires est partie intégrante du soulèvement du monde du travail et de la population contre la politique des classes possédantes.

Fragilisé par le mouvement de masse de ces six derniers mois contre la réforme des retraites et l’hostilité profonde à sa politique que ce dernier a révélée, ridiculisé par la comédie hypocrite d’un « apaisement » fracassé par la révolte des jeunes, Macron espère reprendre la main en mettant en scène une répression inédite. Darmanin a ordonné un déploiement sans précédent de la police, du Raid, des BRI et des BAC, 45 000 hommes surarmés, hélicoptères survolant les cités, véhicules blindés dans les rues, charges policières jusque sur les Champs-Elysées à Paris tandis que Dupond-Moretti fait donner les tribunaux et tomber les condamnations, la plupart à de la prison ferme.

Lors d’un banal contrôle routier, Nahel, 17 ans, a été abattu de sang-froid par un policier à Nanterre après un refus d’obtempérer. Alors qu’il n’était nullement en état de légitime défense, le policier qui le tenait en joue et lui hurlait « Ouvre ou je te mets une balle dans la tête ! » a tiré à bout portant sur la poitrine du jeune homme.

La version des flics, celle de la légitime défense, serait devenue le mensonge officiel si la vidéo d’un passant, virale sur les réseaux sociaux, n’avait filmé les faits.

Ce n’est ni une bavure, ni une dérive, mais la logique d’une politique sécuritaire du pouvoir qui n’a d’autre réponse aux effets de la violence sociale qu’il organise que la répression par une police gangrenée par le racisme, la peur et la haine des classes populaires, de la jeunesse qui lui sont inculqués par sa hiérarchie et que l’extrême-droite, sa politique nationaliste et xénophobe nourrissent et encouragent.  

Tout est permis à cette police sous pression qui peut agir en toute impunité, protégée par l’arsenal des lois votées sous les gouvernements Sarkozy, Hollande ou Macron, dont la loi Cazeneuve de 2017 dite de « sécurité publique » votée sous Hollande, véritable permis de tuer. En témoigne l’augmentation du nombre de tués par les forces de l’ordre qui a doublé depuis 2020, dont 13 en 2022 pour le seul refus d’obtempérer.

Dans la nuit du 23 au 24 juin dernier, Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner, milliardaire fasciste et mafieux, lançait une partie de ses troupes dans une « Marche de la justice » vers Moscou après avoir accusé les dirigeants de l’armée russe, Choïgou le ministre de la Défense et Guerassimov, le chef d’Etat-major, d’avoir fait attaquer ses campements arrière et tué nombre de ses mercenaires. Des colonnes de soldats et de blindés pénétraient en territoire russe et s’emparaient dans la nuit, sans rencontrer de résistance, des sites militaires de Rostov-sur-le-Don, une ville d’un million d’habitants qui sert de quartier général aux troupes russes engagées en Ukraine. Le samedi 24 dans l’après-midi, d’autres forces de Wagner s’approchaient à 200 kilomètres de Moscou.

Le mouvement contre la réforme des retraites, le refus de perdre deux ans de plus de sa vie au travail, l’irruption du monde du travail sur la scène politique a bousculé la donne, changé les rapports de forces sociaux et politiques. Mouvement historique, inédit, au-delà des formules, il s’inscrit dans une remontée des luttes entamée avec le mouvement de 2016 contre la loi travail et dont les gilets jaunes ont représenté une étape importante au sens où il est la manifestation la plus radicale de rupture avec les institutions bourgeoises dites républicaines et les partis qui s’y partagent les sinécures. Le mouvement contre la réforme des retraites approfondit cette évolution. S’y retrouve une combinaison d’un mouvement de masse du monde du travail, indépendant de la gauche politique, qui a trouvé dans l’intersyndicale sa direction tout en développant en son sein de profonds sentiments anticapitalistes, antisystème et une mobilisation à la base autour d’actions de blocage dans la continuité des gilets jaunes. Se sont ainsi formés des cadres d’auto-organisation démocratiques où se sont retrouvés équipes syndicales, gilets jaunes, militants LFI, militants révolutionnaires soucieux d’agir au sein même du mouvement. Ils s’inscrivent dans la continuité des mouvements précédents et constituent des acquis, une expérience collective décisive pour préparer les combats à venir même s’ils n’ont pas été en mesure de dépasser les limites de la politique de l’intersyndicale.

Le 22 juin, une embarcation partie de Tunisie, transportant des migrants d'Afrique subsaharienne, faisait naufrage au large de l’île de Lampedusa, faisant une quarantaine de disparus dont au moins un nouveau-né. Le même jour, au large des Canaries, 350 personnes étaient secourues alors que plusieurs embarcations y avaient fait naufrage les jours précédents, faisant plusieurs morts dont des femmes enceintes. Une autre embarcation y est portée disparue depuis le 11 juin, avec à son bord 58 migrants partis du Maroc pour rejoindre l’Espagne.

Des drames qui surviennent quelques jours après la mort d’au moins 650 migrants syriens, égyptiens, pakistanais, palestiniens, dont de nombreuses femmes et une centaine d’enfants, dans le terrible naufrage d’un chalutier au large des côtes grecques, au vu et au su des autorités et des garde-côtes. Seules 104 personnes ont survécu, détenues depuis au secret dans un camp.

Jeudi 22, Macron ouvrait à Paris le sommet « Pacte financier mondial », deux jours de mise en scène qui ont rassemblé de nombreux responsables politiques et économiques, des chefs d’Etats, en particulier africains, les patrons du FMI, de la Banque Mondiale et de l’ONU, la secrétaire d’Etat au Trésor US Janet Yellen, les dirigeants de l’UE, etc. Tout ce beau monde disait vouloir réformer les institutions financières mondiales nées à Bretton Woods à la fin de la 2ème guerre mondiale, dont le FMI et la Banque mondiale, pour les adapter aux exigences du moment : « aider » les pays pauvres à surmonter la crise humanitaire qui les frappe et à lutter contre le réchauffement climatique dont ils sont les premières victimes. Comme si dès leur fondation, la Banque Mondiale et le FMI n’avaient pas été les principaux vecteurs du pillage du Tiers-Monde par les financiers des puissances impérialistes ! Comme si, ainsi que le rappelait Lula, ça n’est pas par leur intermédiaire que la grande bourgeoisie des pays riches a pillé et ruiné et continue de ruiner les pays pauvres qu’elle dit aujourd’hui vouloir aider ! La véritable motivation de Macron, initiateur du sommet, outre une occasion de plus de jouer au sauveur de monde, est surtout de tenter de redonner une impulsion à un mécanisme soumis à la concurrence d’autres investissements, en particulier chinois. Et pour cela s’attirer les bonnes grâces des dirigeants locaux, en ouvrant la voie aux investisseurs privés par « un choc d’investissements publics » -dixit Macron…

Alors que la crise du logement frappe de plus en plus durement le monde du travail et les plus pauvres, Borne est venue annoncer, après avoir reporté plusieurs fois, les décisions du gouvernement en clôture du Conseil National de Refondation Logement le 5 juin. Sans surprise, les conclusions sont à l’image de cette comédie du CNR, seulement destinée à mettre en scène la politique d’austérité du gouvernement.

Qu’importe si le nombre de sans-abri a explosé de 143 000 en 2012 à 330 000 aujourd’hui ! Qu’importe si les drames dus aux logements insalubres ou au manque d’entretien du gaz se multiplient, comme en témoignent les incendies de la rue St Jacques à Paris cette semaine, après Vaulx-en-Velin en décembre dernier ou l’effondrement de deux immeubles vétustes en plein centre de Marseille en 2018. Qu’importent les morts de froid dans la rue ou dans leur voiture, les travailleur.es contraints de s’héberger dans les campings ou le retour des bidonvilles dans les grandes villes. Sans parler de ce marché de la misère qui prospère, de ces marchands de sommeil qui louent à prix d’or meublés insalubres, combles, ou même caves sans le moindre scrupule.

« Ce n’est pas un accident, c’est un meurtre ! » dénonce un sauveteur en mer grec qui accuse les garde-côtes d’avoir délibérément laissé mourir 650 migrants dont une centaine d’enfants embarqués à bord du bateau de pêche qui a chaviré dans la nuit du 13 au 14 juin, alors qu’il se trouvait dans les eaux internationales, au large des côtes grecques. Il y aurait 104 survivants dans un état de détresse physique et morale absolue que le gouvernement grec se prépare à regrouper dans un camp et dont la plupart seront expulsés.

Face à l’ampleur du drame, le premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis a été obligé de décréter trois jours de deuil national. Il s’est dit « attristé par la perte de tant de vies innocentes » alors que, le matin même du naufrage, il se félicitait d’avoir « réduit au minimum les flux migratoires » par une politique répressive refoulant illégalement les exilés aux frontières et qu’il fait de la lutte contre l’immigration un cheval de bataille, promettant l’extension du mur « antimigrants » à la frontière séparant la Grèce de la Turquie.

Depuis longtemps préparée par les puissances de l’Otan, les USA et leurs alliés, la « contre-offensive » ukrainienne aurait démarré le 6 juin dernier, le jour de la destruction aux conséquences catastrophiques du barrage de Kakhovka sur le Dniepr, dont chacun des deux camps se renvoie la responsabilité. Sur trois endroits de la ligne de front de près de 1000 km de long, des brigades ukrainiennes s’efforcent de percer, sous le feu de l’artillerie ennemie, les lignes de défense de l’armée russe, champs de mines, tranchées, chars enterrés et obstacles antichars, casemates en béton. Ces soldats chargés d’ouvrir des brèches subissent de lourdes pertes, 1000 morts par jour selon les Russes, un nombre peut-être grossi pour les besoins de la propagande mais conforme aux « lourdes pertes » enregistrées par des responsables américains, après quoi d’autres brigades s’efforceraient de parvenir jusqu’à la mer d’Azov coupant ainsi en deux les forces russes, entre le Donbass et la Crimée. A cette heure, une centaine de km² au plus auraient été repris par les soldats ukrainiens, encore séparés de la mer d’Azov par plus de 100 kilomètres, ce qui laisse augurer de plusieurs semaines voire mois supplémentaires de cette boucherie sanglante, qui rappelle celle des tranchées de la guerre de 14-18.

Tout en disant ne pas vouloir « tourner la page », l’intersyndicale réunie le 15 juin dernier a définitivement acté la fin de la bataille des retraites, sans aucune autre initiative que de se retrouver « dès la rentrée » pour « dégager des revendications communes »... avec surtout la volonté de renouer avec le jeu bien huilé des négociations et du « dialogue social » : une impasse.

En guise de bilan, l’intersyndicale ne sait que se plaindre de l’intransigeance du gouvernement et du trop faible taux de syndicalisation. Rien à redire sur sa stratégie perdante d’enchaîner 14 journées d’action, calées sur le calendrier parlementaire, sans véritable plan de bataille pour préparer l’inévitable affrontement avec le gouvernement qu’impliquait la remise en cause de cette réforme.

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